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Mes Oncles d’Amérique, Françoise Bouillot

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Récits, Roman

Mes Oncles d’Amérique, janvier 2015, 72 pages, 9 € . Ecrivain(s): Françoise Bouillot Edition: Joelle Losfeld

 

Petit récit et grand plaisir. On lit ce livre d’une traite, sans que l’intérêt ne faiblisse un instant. Deux femmes se souviennent des « oncles d’Amérique ». Et, avec eux, par eux, elles se souviennent d’une époque de leur toute jeunesse, d’un univers aujourd’hui disparu d’un New-York qu’elles ont quitté depuis pour Montmartre – et qui s’est effacé. Pas dans les mémoires. Dans la réalité et même dans le nom. Alphabet City – qui s’appelait ainsi car ses rues portaient toutes des noms de lettres – A, B, C … – est devenu East Village et la bohême est morte.

Des mondes qui disparaissent constituent le thème récurrent de ce récit. Les deux oncles connus et aimés à NY, étaient anglais et avaient quitté l’Angleterre dans des conditions aussi mystérieuses que sulfureuses. L’Angleterre s’était dissoute pour eux dans un déni farouche. Surtout de la part d’onc’ Peter, le plus rigide des deux. Ils forment un couple de vieux homosexuels à la fois drôles et teintés d’amertume.

Des vies à écrire, David Lodge

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Essais

Des vies à écrire (Lives in writing). Traduit de l’anglais par Martine Aubert. Octobre 2014. 245 p. 21 € . Ecrivain(s): David Lodge Edition: Rivages

 

On savait la passion de David Lodge pour l’art de la biographie. Dans ses dernières publications on compte deux énormes volumes sur Henry James (Author ! Author ! …) et sur H.G. Wells (Un homme de tempérament)*. C’est de cette passion, et de quelques écrivains (et un cinéaste !) qu’il est question dans ce recueil. Car il s’agit d’un recueil de relativement courts articles biographiques.

Biographiques ? Tout est toujours plus complexe avec Lodge : on est en abyme car la plupart de ces articles – biographiques – portent sur des personnes mais à travers le prisme d’une biographie écrite par quelqu’un d’autre que Lodge. Il parle d’écrivains en s’appuyant sur une bio connue de ces écrivains. Compliqué ? Point du tout. Le talent de David Lodge est de se glisser brillamment dans l’entre-deux et de faire valoir sa lumière, son regard, sur des personnages qu’il aime. Un des secrets de David Lodge, peut-être le plus éminent, l’empathie ou, plus encore, l’amour qu’il porte aux écrivains dont il parle. C’est là d’ailleurs un trait que l’on peut sans dommage pousser à la généralité : peut-on imaginer un biographe qui se pencherait sur une personne qu’il n’aime pas ?

Sexe, Mort et Pêche à la mouche, John Gierach

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 11 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, USA, Gallmeister

Sexe, Mort et Pêche à la mouche (Sex, Death and Fly Fishing) traduction de l’américain Jacques Mailhos novembre 2014. 306 p. 23,80 € . Ecrivain(s): John Gierach Edition: Gallmeister

 

Qu’on ne s’y trompe pas : la pêche à la mouche oui. Le sexe et la mort point. Ou plutôt, là, il ne s’agit que de la reproduction et de la mort des espèces vivant dans ou au bord des rivières et des lacs. Si vous n’êtes pas trop décus par cette nouvelle, alors lisez ce délicieux recueil de récits !

Que les Américains soient friands de storytelling, tout le monde lettré le sait. Mais Gierach s’inscrit dans une tradition de raconteurs moins connue et pourtant fournie aux USA : les « fishing stories ». La pêche, au pays des chantres de la mère Nature, est une activité qui n’a que peu à voir avec la pêche en notre vieille France. C’est un sport à part entière, une passion dévorante, une sorte de religion pour certains. Rappelons-nous l’incipit inoubliable de « au milieu coule une rivière » de Norman McLean : « Dans notre famille, nous ne faisions pas clairement le partage entre la religion et la pêche à la mouche».

Le Maître du Jugement Dernier, Leo Perutz

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 21 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Langue allemande, Roman, Zulma

Le Maître du Jugement Dernier (Der Meister des Jüngsten Tages. 1923) Traduit de l’allemand par Jean-Claude Capèle, Novembre 2014. 205 p… 8,95 €. . Ecrivain(s): Leo Perutz Edition: Zulma

 

Il faut dire d’abord et essentiellement le bonheur que procure ce bijou littéraire. Leo Perutz nous plonge dans les délices d’un roman gothique, éblouissant d’habileté et d’élégance narratives, terrible et inquiétant pour nous tenir en haleine jusqu’au bout.

Perutz est un grand écrivain. La virtuosité que l’on connaissait du « Judas de Léonard » ou du « Tour de cadran » par exemple est ici intacte. Il est d’usage de rapprocher Perutz de Kafka. Les rapprochements spontanés ici sont plutôt du côté de Poe ou de Maupassant. Le Horla plane sur ce roman, avec cette obsession qu’avait le XIXème pour le dédoublement de personnalité. La mise en place narrative, sorte de voix off du narrateur, est un premier dédoublement énonciatif : le narrateur semble ne plus croire vraiment à ce qu’il a vécu, semble en tout cas s’en dissocier pour ne pas avoir à revivre, même en mémoire, l’épouvante qu’il a traversée. La technique est rigoureusement la même que dans la troisième et dernière version du « Horla » de Maupassant :

François Villon, Oeuvres complètes en la Pléiade

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 30 Octobre 2014. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Critiques, Poésie

François Villon, Œuvres complètes. Edition établie par Jacqueline Carquiglini-Toulet, avec Laetitia Tabard. 910 p. 49,50 € (prix de lancement jusqu’au 31 janvier 2015 42 €) . Ecrivain(s): François Villon Edition: La Pléiade Gallimard

 

Villon à la Pléiade. Peut-on oser dire – tout en saluant hautement cet événement -  qu’on pensait que c’était le cas depuis le premier volume de cette prestigieuse collection ? Hors la boutade, il est vrai que c’est avec François Villon que commence la littérature française moderne. Par sa langue – le français francilien qui est la source principale de notre langue nationale. Par ses thèmes, radicalement modernes : la Mort, la Douleur, la Justice, la Pauvreté, la Jouissance. Par sa sensibilité enfin, à fleur de peau, exaltée, rugueuse. Il y a chez Villon quelque chose de pur, de total, de brut  - avant le polissage – on pourrait l’écrire « poliçage » - du XVIème siècle. Et c’est cet état originel qui en fait le poète le plus moderne qui soit, le frère en Lettres de Baudelaire par exemple.

La préface passionnante de Jacqueline Cerquiglini-Toulet condense tous les mystères qui entourent Villon – et Dieu sait s’il en est ! Jusqu’à son nom, sa naissance, son enfance, ses méfaits, ses condamnations, sa disparition en 1463 et, bien sûr, sa mort, à jamais d’une opacité parfaite (sauf stupéfiante découverte). Rien n’est sûr autour de Villon quant à sa biographie. Sauf l’essentiel : notre « escholier » fut un jeune homme peu recommandable, probablement assez dangereux à fréquenter.