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La légende de Sleepy Hollow/The Legend of Sleepy Hollow, Washington Irving, bilingue

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Février 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Contes, Fantastique, USA

La légende de Sleepy Hollow (The Legend of Sleepy Hollow) suivie de Rip van Winkle + Le Lilas de Rip van Winkle d’Herman Melville, Traduction de l’américain Philippe Jaworski, 240 p. 7 € . Ecrivain(s): Washington Irving Edition: Folio (Gallimard)

Formidable collection bilingue de folio qui nous offre ici trois des plus beaux textes de la littérature américaine du XIXème siècle. Ce bijou littéraire entre les mains, vous pouvez vous caler dans un fauteuil et partir dans l’univers merveilleux de Washington Irving. Merveilleux, pas fantastique, et c’est là le premier trait des récits de ce recueil. La nuance est d’importance. Nous sommes loin de Poe, de Hawthorne ou de Maupassant, dont l’art sublime est de glisser le surnaturel dans les failles du réel ordinaire, comme une irruption. Rien de tel avec Irving. Ses contes – et les deux contes majeurs de ce volume – prennent place dans des univers en soi merveilleux, propices au rêve, au surnaturel, à l’irrationnel.

La célèbre « légende de Sleepy Hollow » (La Légende du Val Dormant), de même que le deuxième conte de ce volume, le célèbre « Rip van Winkle », se situent ainsi en un pays de la vallée de l’Hudson baigné d’une atmosphère étrange, brumeuse, et aux couleurs du rêve. Là, point n’est besoin de s’évader du réel pour être dans le merveilleux. Un monde inquiétant parfois, irrationnel souvent, mais jamais terrorisant. Nous sommes loin, avec Irving, de l’adaptation cinématographique issue de ce conte qui cause de vraies frayeurs.

Le Meilleur, Bernard Malamud

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Février 2015. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Roman, USA

Le Meilleur (The Natural), traduit de l’américain par Josée Kamoun, février 2015, 300 p. 21,50 € . Ecrivain(s): Bernard Malamud Edition: Rivages

 

Retrouver Malamud sur un versant ensoleillé est à la fois surprenant et formidable. Loin du « Shtetl » et de Kiev*, il nous place cette fois au cœur de l’Amérique. Et même mieux encore, au cœur du cœur des mythologies américaines modernes : le baseball ! C’est tellement le cœur du mythe yankee que l’éditeur nous propose un lexique du baseball en fin d’ouvrage. Louable initiative, mais on peut craindre que ce soit peine perdue tant ce jeu, le plus populaire aux USA, est illisible pour un esprit européen normalement constitué. Le chroniqueur peut témoigner que malgré sa bonne volonté depuis des décennies, il n’a jamais réussi à y comprendre quoi que ce soit.

Qu’importe, il n’est nul besoin de comprendre le baseball pour adorer ce livre !

Et loin de la terreur et de la souffrance, nous voici dans un roman de la jeunesse, de l’amour, de la lumière. Bien sûr – les lecteurs de Malamud s’en doutent déjà – cela ne va pas sans ombres, sans peine, sans misères. Mais elles sont ordinaires, relèvent de ce qu’il en est d’une vie humaine.

Amours, Leonor de Recondo

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 29 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Sabine Wespieser

Amours, Janvier 2015, 276 p. 21 € . Ecrivain(s): Léonor de Récondo Edition: Sabine Wespieser

« Un homme, au moins, est libre (…)

Mais une femme est empêchée continuellement (…)

Sa volonté, comme le voile de son chapeau

retenu par un cordon, palpite à tous les vents ;

il y a toujours quelque désir qui entraîne,

quelque convenance qui retient ».

Flaubert, Madame Bovary

Se plonger dans la lecture de ce roman constitue un moment littéraire intense mais aussi une sorte de voyage dans le temps. Léonor de Récondo nous y avait habitués avec son somptueux Pietra Viva (lire l'article) qui nous faisait marcher dans les pas de Michel-Ange s’apprêtant à créer sa Pièta. Elle possède un talent rare et précieux pour enchâsser le passé dans notre temps présent, pour faire revivre sous nos yeux de lecteurs des univers disparus, des êtres d’autrefois dans leur réalité vivante, vibrante, incarnée.

L’Homme de Kiev, Bernard Malamud

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 27 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Roman, USA

L’Homme de Kiev (The Fixer, 1966), traduit de l’américain par Gérard et Solange de Lalène, janvier 2015, 428 pages, 10 € . Ecrivain(s): Bernard Malamud Edition: Rivages

 

Ce roman, daté pour sa première édition originale de 1966, est un séisme littéraire. A la fois par l’histoire qu’il raconte, par sa forme narrative intense et par le cadre thématique de l’action : Kiev et ses environs au temps du dernier Tsar, en pleine fièvre antisémite ponctuée pour les populations juives par humiliations et pogroms. Que ceci soit dit d’entrée : ce livre est l’un des plus beaux chefs-d’œuvre du XXème siècle.

L’histoire de Yakov Bok est, dans ce cadre, vraisemblable, ce qui la rend terrifiante de la première à la dernière page. Il paraît même que cette histoire est fondée sur des faits réels. Il n’est pas question de la déflorer le moins du monde (ce que la préface – cependant très courte – fait trop. Ne la lisez pas avant la lecture du roman, on s’en passe sans problème). Il suffit d’entrer dans ce roman par le personnage – plus que central.

Trois langues dans ma bouche, Frédéric Aribit

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 21 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Belfond

Trois langues dans ma bouche, janvier 2015, 208 pages, 17 € . Ecrivain(s): Frédéric Aribit Edition: Belfond

 

Le titre annonce trois langues. L’affaire de Frédéric Aribit est dès lors claire : la langue – on peut même l’écrire à la façon de Jacques Lacan lalangue (en un mot), pour signifier haut et fort que chez Aribit c’est une histoire d’être ou de ne pas être – de vie ou de mort. Dès l’épigraphe, on devine où il va chercher ses sources, Michon n’est pas si souvent cité or il l’est ici en ouverture de l’œuvre*. Et pas seulement de cette œuvre particulière mais, ce roman étant le tout premier de son auteur, d’une œuvre qu’on peut souhaiter dense et vaste, tant le talent de ce premier opus est éblouissant.

La langue donc. Celle d’Aribit est soyeuse, élégante, d’une stupéfiante beauté tant le registre noble – parfois rompu par des éclats triviaux – est totalement assumé, maîtrisé. Mieux encore, dominé. En quelques pages, on est totalement séduit, totalement certain d’être en train de lire un grand roman et un écrivain. Un vrai. Un de ceux qui ne racontent pas d’histoires. Prenez l’expression dans sa polysémie : il prend son travail d’écrivain très au sérieux ET son objet n’est pas de raconter une (ou des) histoire(s).