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Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Madeleine Bernard, La Songeuse de l’invisible, Marie-Hélène Prouteau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 17 Juin 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Hermann

Madeleine Bernard, La Songeuse de l’invisible, mars 2021, 158 pages, 19 € . Ecrivain(s): Marie Hélène Prouteau Edition: Hermann

 

L’art, souvent, retient les grandes figures, les chefs d’école, les novateurs. Il néglige les figures secondaires même si elles ont joué un certain rôle dans la conception artistique d’un peintre ou d’une école. La fin du XIXe a été particulièrement riche en écoles de toutes sortes. Impressionnisme, divisionnisme, cloisonnisme, nabis, symbolisme. Marie-Hélène Prouteau nous embarque pour une découverte des années 1880-1890.

Madeleine, la sœur cadette du peintre Emile Bernard que l’école de Pont-Aven a rendu célèbre, recueille ici l’attention de la romancière qui lui consacre tout un livre. Figure retirée, à l’ombre de la musique et de la piété fraternelle envers un frère fantasque, créatif, déluré, mature et indiscipliné, au grand dam de ses parents.

Des années passées dans le nord, le long de la Deûle, puis à Paris, à Courbevoie, à Asnières. La frêle et blanche Madeleine, à la santé délicate, accompagne au piano les années où son grand frère entame son apprentissage de peinture (à l’atelier Cormon d’où il sera renvoyé) et cueille les rencontres importantes (Schuffeneker, Gauguin, Van Gogh, Anquetin). Il passe par l’impressionnisme, le pointillisme, cède aux aplats japonisants. Participe aux premières expositions.

Aux amours, Loïc Demey (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 11 Juin 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Buchet-Chastel

Aux amours, Loïc Demey, mars 2021, 112 pages, 12 € Edition: Buchet-Chastel

 

Très belle rêverie amoureuse, très stylée et inventive, de Loïc Demey : Aux amours s’immisce dans les plis d’une conscience amoureuse qui nomme les lieux, imagine les scènes et les frôlements. Le narrateur enamouré dans une seule lente et longue phrase pressent les sentiments, les offre au lecteur. Sans complaisance, il dessine les pourtours du désir.

Combien de livres n’ont-ils pas cerné les ombres du désir ? Combien n’ont-ils pas offert au lecteur les moyens faciles d’un sentiment neuf, inaccompli ?

Loïc Demey, jeune poète de quarante-quatre ans, nous embarque dans une folle aventure : le temps d’une seule phrase, imaginer, vivre, sentir une passion pour une personne attendue, qui ne vient pas, une Lise adorée, rencontrée en rêverie profonde.

Gazelle, je t’enverrai, Amir Gilboa (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 04 Juin 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Israël, Poésie, Editions Lanskine

Gazelle, je t’enverrai, Amir Gilboa, LansKine éditions, mars 2021, trad. hébreu, Emmanuel Moses, 72 pages, 14 € Edition: Editions Lanskine

 

Venu d’Ukraine en Palestine en 1937, Gilboa a fait paraître en 1972 ce recueil, à la fois intime, engagé, onirique. Les poèmes y sont les expressions fortes et tendues de ce qui a tissé sa vie, fortes aussi des « chemins » qu’il a dû prendre pour la rendre égale, supportable.

En effet, nombre de chemins traversent en tous sens ce livre apaisé, où un cœur aimant, où un cœur se souvenant, trame l’épaisseur de sa vie. Il est toujours en quête, cet homme, il voit son cœur comme une « gazelle » blessée ; il chemine pour se retrouver ou se trouver. Sans doute le rêve est-il à même de l’approcher de sa vérité, encore qu’il faille trouver la frontière, ne plus entendre « aboyer sa vie », ne pas devoir quitter une ville qui est la sienne.

Peut-on entendre ici la quête du migrant qu’il fut à vingt ans ? Peut-être que, rêve mis à part, ce voyage premier lui est resté comme un périple intérieur.

Lauzes, Angèle Paoli (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 27 Mai 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Al Manar, Poésie

Lauzes, mars 2021, 124 pages (préface Marie-Hélène Prouteau, Ill. Guy Paul Chauder), 20 € . Ecrivain(s): Angèle Paoli Edition: Al Manar

 

Voilà un ouvrage qui déroge à l’ordinaire des publications et le titre sans doute étrange en dresse une porte d’entrée insolite. Les lauzes, entre vert et gris, qui peuplent certaines toitures, servent de petites pierres pour accueillir ici chacune des découvertes romaines ou autres qu’un regard d’observatrice experte propose. Un rien entomologiste, visant à scruter à la manière d’un insecte le monde ambiant, la nouvelliste prend son temps pour trouver les beaux et bons mots aptes à restituer lumière, éclat, souvenirs.

Particulièrement beaux, les deux récits (Ponte Mammolo, Centrale Montemartini) qui nous mènent aux confins pasoliniens de Rome : Via Ostiense ou vers Tivoli, dans un endroit pas possible où il faut patience pour se trouver un bus, un train, mais où la solidarité sert parfois et heureusement de monnaie d’échange. On retrouve là l’esprit pasolinien des terrains vagues, des rencontres fortuites, d’une Rome populaire et quasi oubliée, loin du centre, aux confins de la ville. Angèle s’y trouve à son aise, dans la description précise de ces lieux désordonnés, bouillants de vie, incommodes et vrais.

Céleste et Marcel, un amour de Proust, Jocelyne Sauvard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 21 Mai 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Les éditions du Rocher

Céleste et Marcel, un amour de Proust, Jocelyne Sauvard, avril 2021, 336 pages, 19,90 € Edition: Les éditions du Rocher

 

Ce trente-deuxième livre de J. Sauvard est un roman, bien sûr, mais qui se nourrit de La Recherche, des carnets de Céleste Albaret, et d’une grande connaissance des années 1918-1922, les dernières que Proust a vécues, dans les deux dernières de ses résidences : 102, boulevard Haussmann, et 44, rue Hamelin.

Céleste Albaret fut pour Proust, durant dix ans, une confidente, une gouvernante, une cuisinière, une correctrice, une amie. C’est elle, bien sûr, qui laissait entrer ou refusait toute personne désireuse de rencontrer le grand écrivain, reclus dans sa chambre d’écriture.

La romancière et essayiste Jocelyne Sauvard trame un texte romancé qui est tissé de plusieurs couches : il y a le récit des dernières années, riches en événements, en médications ; il y a les pages des carnets que Céleste tenait comme un journal, et il y a aussi, entrelardée dans le fil du texte, l’intervention d’une jeune fille amoureuse de Proust et de sa Recherche.