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Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Anna Amorosi, Jean-Noël Schifano (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 20 Août 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Anna Amorosi, juin 2020, 18 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Jean-Noël Schifano Edition: Gallimard

 

Dix-huit livres (romans, essais) depuis 1981 : le parcours de Schifano est tout entier lié à Naples. Il y va de l’hérédité familiale ; il y entre un goût immodéré pour cette ville du sud profond. Auteur des fameuses Chroniques napolitaines, rééditées et amplifiées, il vit par et pour la ville vésuvienne, cette cité qui a défrayé la chronique pour maints motifs. Le cinéaste Rosi, l’écrivain Saviano, le romancier Rea, entre autres, ont donné une certaine image d’une Naples avilie dominée, dépouillée, meurtrie.

Giannatale a été directeur de l’Institut Culturel français de Naples.

Schifano, dans Anna Amorosi, recrée les années 60, autour d’un couple sulfureux, notoirement connu par les magazines à sensation de l’époque. Des désirs de Cinecittà chez la femme, parasitée par un Comte préoccupé tout entier de sexe « par personne interposée ». Sur fond de Naples et de Rome, un décapant portrait d’une aristocratie à la dérive, amorale, campée sur les extrêmes (attentat fasciste de Milano). On retrouve la gouaille érotique d’un Giannatale, élevé aux petits lait et virulence des « chroniques napolitaines » sanguinaires des siècles 16 et 17.

Tout peut commencer à trembler, Lucien Noullez (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Juin 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Tout peut commencer à trembler, Lucien Noullez, éd. Corlevour, avril 2020, 96 pages, 10 €

 

Du tremblement (de la langue, du cœur) naît la poésie, et chez Noullez, elle prend la forme nécessaire de petits conditionnements : blocs et gouttes de sens, manières de fables parfois cocasses, souvent graves, toujours légères, puisque la primauté, donnée aux images et aux étranges rapprochements, sans omettre la musique qui fournit à son auteur des « tremblettes ».

Les thèmes, et Dieu n’est jamais loin : Dieu au « confessionnal » qui tance doucement l’audacieux Lucien ; Dieu qui « est passé dans (son) sommeil », et même le « Dieu » « qui a commencé le monde » : manière d’apologue, puisqu’il faut « commencer à trembler » ou « à écrire » : ce qui relève du même.

Rien n’est donné, rien n’est stable, rien n’est définitif, et cependant, la langue s’invente « beaucoup de chemises dans le ciel », se « donne le temps de comprendre », et parfois elle croise le filial et le poétique :

Pourquoi rêver les rêves des autres ? Lettres de mon ailleurs, Fernando Pessoa (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 11 Juin 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Correspondance, Langue portugaise

Pourquoi rêver les rêves des autres ? Lettres de mon ailleurs, Editions L’Orma, Coll. Les Plis, mars 2020, trad. portugais, Lorenzo Flabbi, 64 pages, 7,95 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa

 

Sous jaquette en forme d’une lettre à affranchir, la collection propose après des noms tels que Stendhal, Austen, Leopardi, un ensemble de « lettres », signées Pessoa, Alvaro de Campos, adressées à des amis, à Ofélia Queiros (la seule amoureuse), à sa mère, à des éminents occultistes français ou anglophones.

On n’aura jamais fini d’exhumer de la « grande malle » les trésors d’une écriture qui ne fut à peu de choses près jamais publique (mis à part les contributions à des revues « Orpheu », « Presença », deux plaquettes de poèmes en anglais, une publication poétique tardive, Mensagem, un an avant son décès).

Depuis, nombre d’éditions du Livre de l’intranquillité du semi-hétéronyme Bernardo Soares, des poèmes (en Pléiade), chez les éditeurs La Différence et Bourgois… sans compter des plaquettes bibliophiliques (Fata Morgana…)

Récemment, Livre(s) de l’inquiétude.

Le Temps suivi de Notre-Dame, William Cliff (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 05 Juin 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Table Ronde

Le Temps suivi de Notre-Dame, mars 2020, 128p., 15€. . Ecrivain(s): William Cliff Edition: La Table Ronde

 

Ce seizième livre de poèmes (un sixième chez l’éditeur parisien) prend le « temps » comme sujet, comme « matière » ouverte, et sert une sorte de fil rouge qui mène en amont à Autobiographie ou à Journal d’un innocent, puisque le poème a pour projet d’évoquer ce « temps » de soi, au fil de très longs poèmes descriptifs, narratifs, dédiés à la jeunesse, passée à Louvain l’Ancienne, à quelques voyages (le poète est un hardi promeneur), à des rencontres, à des amours, à de pauvres résidences, si peu meublées, si peu coûteuses, bien inconfortables pour y loger patience et écriture.

Et pourtant, de là sont nés ces textes, largement autobiographiques, âprement personnels par leur diction, très syntaxique, leurs supports (alexandrins, dizains…) classiques, leur langue (ne rechignant guère à proposer archaïsmes, orthographe médiévale et autres néologismes) fidèle à la pure tradition des Villon et Verlaine.

Cliff relate ainsi ce métier difficile de professeur de français, se blâme de l’avoir pratiqué sans grande conviction parfois, mais de là sont venus ces poèmes lucides, francs, un peu tristounets, pleins d’alarmes et de doutes, vécus de l’intérieur et tout de même de promesses peu visibles :

Carnets du Barroso, Serge Prioul (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 26 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Carnets du Barroso, Serge Prioul, éditions Vagamundo, coll. Liber, 2014, 64 pages, 21 €

 

Entre Bretagne et Lusitanie

Ce serait tentant de pasticher le grand Jules : « Il vous naît un ami, et voilà qu’il vous cherche… ». Il est vrai que cette machine – tout de même – souvent décriée offre de belles rencontres, et que le virtuel ma foi a bien d’autres acceptions…

Voilà un poète, né comme moi en 55, autant dire, « y a deux siècles », tant le confinement nous renvoie à d’autres usages ; voilà un poète chèvre donc, qui s’amuse des pierres et les taille pour en faire des murets, des murettes ; voilà un poète qui cisèle des poèmes vrais.

La vraie vie coule dans ces textes nés d’une ferveur : il en va de ces écrivains qui, par le biais de leurs textes, proses ou poèmes, respirent, transpirent la vraie vie, tant la charge du vrai pèse sur leurs frêles épaules. Mais le poète, ici, a la paysanne force de ceux qui ont œuvré, les épaules larges du soutènement.