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Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Rêver réel, Claudine Bohi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 28 Janvier 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Rêver réel, Claudine Bohi, éditions La Tête A L’envers, octobre 2020, 108 pages, 18 €

Un chercheur, Cyril Szopa, une poète et un peintre forment le trio de ce livre étonnant : quête de l’espace, de l’humain, de l’intersidéral, dans un « rêve » de mots qui puisse rendre compte en poésie de ce que tout un chacun poursuit, ce « lointain », si proche, si rêvé, si inaccessible, et pourtant, les recherches sur les distances spatiales, sur Mars, n’ont jamais été aussi loin.

On le sait, de longtemps, que le poète conquiert un certain espace, singulier, tissé de mystère et de personnalité.

On n’imaginait pas qu’on puisse rêver de Mars, et que le ciel, si souvent omis, nourrisse autant d’images et de songes :

 

lever les yeux vers le ciel

en ramener tout le bleu

sans rien toucher

que sa propre main

(p.76)

La Barque criblée, Marie-Françoise Vieuille (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 21 Janvier 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

La Barque criblée, Marie-Françoise Vieuille, éd. La Tête à l’envers, novembre 2020, 66 pages, 15 €

 

Le thème de l’embarquement (pour Cythère ou ailleurs) est une préoccupation littéraire. Souvent, les écrivains voient le large, les flots comme signes de voyages. Ici, dès le titre, la poète désigne une barque.

Une barque, impropre au voyage, « criblée », qui « bute » : métaphore d’une dérive chagrine.  Et pourtant, pour ramener « ce corps » perdu, il « faudra ramer » plus qu’il ne faut, jusqu’à atteindre « l’île » : autre métaphore.

Une longue barque noire amarrée à la terrasse d’un petit hôtel cogne à intervalles réguliers le ponton de bois où elle est amarrée.

« Cœur vieilli », plein d’ombre, un « cœur qui implose » : la poète a peine à s’avancer, « corps qui s’affaisse, s’épaissit ».

L’Alphabet du monde, Amedeo Anelli (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Janvier 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Italie, Poésie, Editions du Cygne

L’Alphabet du monde, Amedeo Anelli, juin 2020, trad. italien, Irène Duboeuf, 54 pages, 10 € Edition: Editions du Cygne

 

Le poète sismographe (c’est lui qui l’assume dans un de ses poèmes) transfigure la nature, les brumes, l’air, la neige en images métaphysiques du silence, de la patience.

Que de « brumes » pleurantes dans ces poèmes qui suintent la terre boueuse, l’attente grasse, le fleuve qui imprègne, les paysages meurtris par l’hiver. Que de sens de la nature en lente métamorphose, qui prête givres et coulées à notre réflexion.

Anelli n’est pas si éloigné de Pavese, sur des terres un peu différentes, cet éclair de conscience lucide sur le réel ambiant.

Redessiner le monde en « contrepoints », où l’enfant, la mère, les terres familières énoncent leur position, que le regard embrasse, sans presque de nostalgie, mais selon une phénoménologie patiente : il est si difficile de dire le nom du silence, d’épeler les terres qui perdent leur matité, leur contour. Le poète, lui, sait que son univers est là, dans une attention minérale et végétale :

Journaux de voyage, Bashô (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 05 Janvier 2021. , dans La Une Livres, Japon, Les Livres, Critiques, Poésie, Verdier

Journaux de voyage, trad. japonais, René Sieffert, 128 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Bashô Edition: Verdier

 

 

Peut-être bien le plus grand poète que la terre ait porté. Sans doute le pèlerin et le marcheur le plus assumé. Que n’a-t-il traversé comme terres nipponnes ! Ce poète était aussi un fort en méditation, un expert du haïkaï, un fulgurant amateur de relations humaines authentiques.

Ses journaux de voyage relatent avec force détails ses pérégrinations incessantes. D’un gîte où il reçoit le couvert à un monastère qui l’accueille, le poète Matsuo a tout supporté des voyages, la forte chaleur, les maux de pieds, le froid cassant, l’ennui des traversées. Mais de tout cela il en a extrait une matière unique, tissée d’observations insignes du monde perçu. La moindre fleur, la plus petite bête, le moindre ciel changeant, le glissement subtil des saisons : tout est objet d’écriture immédiate .

Sous la ramée des mots, Georges Cathalo (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Décembre 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions Henry

Sous la ramée des mots, Georges Cathalo, octobre 2020, 48 pages, 8 € Edition: Editions Henry

Le poète Cathalo nous a habitués à ces petites plaquettes, ses « Quotidiennes » que publièrent Texture ou La Porte, toujours écrites dans la concision, poèmes pensés avec acuité et vigilance pour dire le monde qui va, qui va mal, qui erre, qui se déglingue. Son nouveau recueil ne déroge guère à ces principes, libéré de toute influence, consignant sous les titres variés, des réflexions, des images de vie, des petits récits sur notre monde. Le poète sait trop bien, lui qui manie la langue « sous la ramée des mots » combien chaque vers porte, combien chaque image entraîne le lecteur vers l’autre :

tu feras le tour du monde

tu auras longtemps cherché

sans jamais rien trouver (p.20)

Ces textes, discrets mais incisifs, disent assez, avec la voix modeste des constats, la solitude « au monde », « la fumée invisible et mortelle » du mal, les affreux « guetteurs » de nos vies, les infléchissant sans arrêt vers le sombre, faux prophètes.