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Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Le Cerf-volant, Laetitia Colombani (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 27 Août 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Grasset

Le Cerf-volant, Laetitia Colombani, juin 2021, 208 pages, 18,50 € Edition: Grasset

 

L’Inde, les personnages féminins, la misère, forment le tableau sombre du nouvel opus de Laetitia Colombani, que La Tresse a largement fait connaître. On retrouve ici, dans cette histoire dramatique, les communs dénominateurs du livre La Tresse. Une Française Léna, venue en Inde, pour apurer un chagrin, tombe réellement amoureuse de ce pays d’accueil. Par un concours de circonstance, une petite fille de la sous-caste des Intouchables bouleverse sa vie. On est plongé, avec ce livre, dans l’Inde injuste des castes, dans la misère noire des exclus, des lois discriminatoires qui font que les plus pauvres n’ont guère droit à l’éducation et à la culture.

Léna, professeur autrefois en France, va tout faire pour offrir aux plus miséreux un brin d’éducation et d’apprentissage, et ce, au grand dam des parents, des autorités. La petite fille au cerf-volant, Latifa, Léna, Preeti, la cheffe d’une « Red Brigade » d’autodéfense, sont les personnages principaux de cette histoire prenante, directement axée sur la société indienne d’aujourd’hui, privilégiant les castes hautes.

Objets intranquilles & autres merveilles, Claude-Max Lochu, Bruno Smolarz (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 20 Août 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Arts, Recensions, Poésie

Objets intranquilles & autres merveilles, Claude-Max Lochu, Bruno Smolarz, Atéki éditions, 2021, 76 pages, 17 €

 

Il y a une réelle osmose entre le travail pictural de Lochu et les textes de Smolarz. Pourtant, les toiles préexistaient. Bruno Smolarz a écrit sur, à propos d’elles. La rencontre est insolite, poétique, diverse : ces deux-là aiment la couleur tranchante, le voyage dans « la toile ». Bruno parle d’artiste protéiforme quand il vante les mérites de son ami peintre. Les mots collent bien avec les sujets variés que la palette de Claude-Max propose à notre acuité. Il est vrai que les objets du quotidien (baskets, chaussures, etc.) occupent une grande place comme les inscriptions dans une certaine tradition warholienne : tel ce bidon « oil the end ».

L’objet est par nature intranquille puisqu’il fait parler de lui. Et c’est merveille que de croiser ces textes sur des couleurs pétantes, faut-il le dire ; Claude-Max Lochu est un fameux coloriste dans une lignée de figuratifs qui aiment dessiner, colorier, peindre, et ça se voit, et ça se sent car il y a ici des regards croisés : Bruno décrit, accompagne, analyse, commente les toiles, sans jamais déborder ni tomber dans la répétition oiseuse ;

Chez Temporel, Célébration d’André Hardellet, Patrick Cloux (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Chez Temporel, Célébration d’André Hardellet, Patrick Cloux, éditions Le Temps qu’il fait, mai 2021, 168 pages, 18 €

Patrick Cloux est de ces fervents de l’auteur du Temps incertain, dans le sillage de Doisneau et du réalisme poétique. Quel bonheur de redécouvrir cet auteur, fêté par Breton, Françoise Lefèvre et bien d’autres, qui mourut jeune, en 1974. C’est un écrivain marginal, des terrains vagues, des vagabondages insolites, des maraudes de l’essentiel. Chasseurs I et II sont des merveilles : répertoires de définitions poétiques, textes en prose, nouvelles. Il figurait sous le numéro 5000 dans la Collection Livres de Poche, avec une belle illustration de Magritte en couverture. Il faut lire lentement André, ses pépites, laisser décanter ses merveilles. Nourri aux littératures de l’étrange où Lewis Caroll, Mac Orlan, Nerval, occupent les hautes marges, Hardellet est un « passeur » insolite de temps et paysages qui n’existent presque plus que sous la dictée de ses trouvailles. Le styliste concis a enfermé dans ses phrases-bocaux les secrets, arcanes et mystères des lieux traversés. De la foire du Trône aux champs de courses de Vincennes, en passant par les lieux très vagues de ses nombreuses enfances, le poète des Chasseurs sait, ô combien, épeler la vie cachée des choses qui ne vibrent plus, fonds de greniers ou de ruisselets, coffres éventés, fourrures mitées mais dont le parfum reste encore longtemps comme une trace impayable.

Agencement du désert, Carole Mesrobian (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 02 Juillet 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Recensions, Essais, Poésie, Z4 éditions

Agencement du désert, mars 2020, 132 pages, 11 € . Ecrivain(s): Carole Carcillo Mesrobian Edition: Z4 éditions

 

Certains livres sont difficiles à cataloguer, encore faut-il qu’il soit nécessaire de procéder de la sorte. L’essai, sans doute, permet d’être seulement un texte, au sens plein d’une écriture de l’imaginaire. Y entrent de plein droit l’expression autobiographique, les traces de lectures, les rêves enfouis, le désir d’écrire.

Mêlant considérations biographiques, exploration du domaine de la femme, découverte de la Littérature et analyses précises des épigraphes de Stendhal, poèmes de l’auteure, le texte très polysémique de Mesrobian met en lumière le rôle de l’écrit, sa sauvegarde et son effet de catharsis.

Les pages émouvantes de la fille sur la mère (la non-mère), sur les avancées très relatives de la condition de la femme, plongent le lecteur dans une approche humaniste, partageable : l’enfance y a sa fonction (« la pulpe végétale de l’enfance »), « écrire c’est être libre » ou encore « l’Art est un corps qui respire ». Tissant sa recherche sur l’appui d’œuvres comme celles de Huysmans ou de Grünewald, Mesrobian affûte l’outil pour aboutir au travers de Michaux à cette « puissance incantatoire du cri ».

L’Iris sauvage, Louise Glück (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 21 Juin 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, USA, Gallimard

L’Iris sauvage, Louise Glück, mars 2021, trad. anglais (USA), Marie Olivier, 160 pages, 17 €

 

Un prix Nobel glauquissime. Un traité de désespérance ?

Un Glück glauque, à se flinguer. Un livre du temps du Covid. Woolf revisitée.

L’Iris sauvage signe la responsabilité d’un dieu absent dans le naufrage humain. A force de plantes, dans un jardin souillé, entre aubépines et coréopsis, l’âme est bien sauvage, plaintive, inutile, sans place sans dieu, sans référent. Le jardin symbolique est poussif et la douleur là derrière la porte du vivre.

Glauque, inutile, l’âme ? Glück en est persuadée, avec sa froideur entomologique, sa désespérance de petite vieille qui scrute le ciel sans ciel, le jardin sans âme, et sa pauvre vie.

On dévide l’absurde ruban de l’existence sans existence, cloué dans un jardin, on n’ouvre pas les portes, on s’inhume avant que de naître.