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Braves gens du Purgatoire, Pierre Pelot (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 27 Novembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Héloïse D'Ormesson

Pierre Pelot, Braves gens du Purgatoire, Paris, 2019, 508 pages, 22 €. Edition: Héloïse D'Ormesson

 

Le Purgatoire où vivent ces « braves gens », personnages du dernier roman (on reviendra sur cet adjectif) de Pierre Pelot n’est pas le lieu théologique, mais un village du massif vosgien, à flanc de montagne, non loin de l’Alsace et de la Haute-Saône ; en fait un lieu-dit de la commune du Thillot, près de Saint-Michel-sur-Moselle, où gîte l’écrivain. On se gardera bien entendu de faire de ce roman un ouvrage à clef.

Pour qui a lu le livre de Pierre Pelot (où l’influence de Giono est manifeste) en connaissant quelque peu le département des Vosges, le Purgatoire évoque des villages sinistres et sinistrés tels que Moussey ou Lépanges-sur-Vologne, théâtres de crimes effrayants et plus ou moins médiatisés. Un crime, précisément, s’est produit au Purgatoire : un couple de vieillards a été retrouvé dans sa maison, elle abattue d’un coup de fusil, lui pendu au bout d’un fil électrique, dans le grenier. La gendarmerie locale et les enquêteurs de la police judiciaire, venus de Nancy, concluent au « drame familial ».

Le Thème de notre temps, José Ortega y Gasset (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 20 Novembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Essais, Les Belles Lettres

Le Thème de notre temps, José Ortega y Gasset, Les Belles Lettres, coll. Bibliothèque classique de la liberté, avril 2019, trad. espagnol, David Uzal, 166 pages, 21 € Edition: Les Belles Lettres

 

José Ortega y Gasset (1883-1955) possède la particularité à la fois étonnante et pas nécessairement enviable d’incarner à lui seul la philosophie en son pays, un grand pays, qui donna au monde des écrivains de tout premier ordre, mais – lui excepté – aucun philosophe important (les théologiens éminents qui fleurirent à Salamanque au XVIe siècle n’étant pas au sens strict des philosophes).

La renommée d’Ortega y Gasset tient avant tout à un titre, La Révolte des masses (1929), ouvrage à la fois daté et prophétique, daté parce que prophétique et qui, à l’heure du solipsisme collectif des réseaux « sociaux », n’a pas perdu sa pertinence. Les éditions Klincksieck avaient naguère entrepris la publication d’Œuvres complètes d’Ortega en français. L’entreprise n’est pas allée au bout. Il a fallu près d’un siècle pour que El tema de nuestro tempo soit traduit en français (le livre a paru en 1923).

Jour tranquille à Vézelay, Xavier Gardette (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 12 Novembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Jour tranquille à Vézelay, La Chambre d’échos, avril 2019, 92 pages, 13 € . Ecrivain(s): Xavier Gardette

 

La devise informelle de l’ordre cartusien le proclame non sans une pointe de fierté : Stat crux dum volvitur orbis : La croix demeure immobile tandis que le monde tourne. Encore la traduction française rend-elle mal, comme c’est souvent le cas, la concision du latin et ses harmoniques propres (le verbe volvere se retrouve dans nos révolutions, au sens astronomique ou politique). Cette formule pourrait figurer en épigraphe du Jour tranquille à Vézelay. La basilique qui abrite une relique de sainte Marie-Madeleine – ou Marie de Magdala – se dresse sur sa colline, battue par les vents de l’Histoire. Elle figure « sur la courte liste des lieux où souffle l’esprit » (p.55). La croisade y fut prêchée, mais pas seulement : Romain Rolland vécut dans le village et Georges Bataille repose dans le cimetière. Jim Harrison vint non loin de Vézelay faire un repas digne de figurer dans les fastes de la gastronomie française, désormais pièce de musée. La colline immuable voit chaque jour ou presque passer son lot de pèlerins et, surtout, de touristes – concession à la modernité sécularisée. Parmi eux, combien sont capables de comprendre l’endroit où ils se trouvent, ce qui s’y est joué et peut-être s’y joue encore ? En un jour et même en une heure, des « vies minuscules » s’y croisent puis s’éloignent à jamais. À l’aune des siècles, même les couples qui durent – et ils durent de moins en moins, comme tout le reste – ne représentent pas grand-chose.

Les Ruines de Port-Royal des Champs, Abbé Henri Grégoire (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 05 Novembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Editions Honoré Champion

Les Ruines de Port-Royal des Champs, Abbé Henri Grégoire, mai 2018, Édition nouvelle établie et annotée par Jean Lesaulnier, 222 pages, 39 € Edition: Editions Honoré Champion

Personne ne connaîtra jamais avec certitude le nombre exact de monastères qui virent le jour sur le sol européen, depuis l’avènement du monachisme jusqu’à la période moderne. Des milliers, des dizaines de milliers probablement, de l’humble prieuré de quelques moines à l’immense abbaye de Cluny, rayonnant sur plusieurs nations. Voici un premier paradoxe : il n’y a aucune commune mesure entre les dimensions du monastère de Port-Royal (on devrait d’ailleurs employer le pluriel, car il y eut deux établissements, l’un à Paris, l’autre – la maison-mère – dans la vallée de Chevreuse), son effectif réduit et son rayonnement, qui ne s’éteignit même pas lorsque Louis XIV eut fait raser l’abbaye et déterrer sauvagement religieux et religieuses défunts. Et nous trouvons là le second paradoxe : comme ces étoiles dont le rayonnement nous parvient alors qu’elles ont disparu depuis des millénaires, l’influence de Port-Royal s’étendit sur tout le XVIIIe siècle et bien au-delà encore. Les Ruines de Port-Royal des Champs sont une apologie, composée à une époque où les ruines sont un thème à la mode (on s’étonne de ne voir mentionné nulle part, sauf erreur, le nom de Volney, dont le maître-livre fut publié en 1791, dix ans avant la première édition des Ruines, confiées par l’abbé Grégoire aux Annales de la religion, puis remaniées et republiées en 1809, un siècle après la destruction de la célèbre abbaye).

Des Mondes lettrés aux Lieux de savoir, Christian Jacob (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 28 Octobre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Les Belles Lettres

Des Mondes lettrés aux Lieux de savoir, Christian Jacob, 2018, 464 pages, 35 € Edition: Les Belles Lettres

 

Des Mondes lettrés aux Lieux de savoir appartient à une catégorie d’ouvrages plus répandue, semble-t-il, dans le monde anglo-saxon qu’en France : le recueil de travaux publié par un savant, coup d’œil rétrospectif jeté à une carrière, dont on peut ainsi (ou non) apprécier la cohérence, les palinodies, les repentirs.

Personne ne trouve extraordinaire de pouvoir lire, dans une savante édition critique du texte original ou dans une simple traduction en livre de poche, les dialogues de Platon, le poème de Lucrèce, les tragédies de Sophocle. Ces œuvres nous enchantent et en ont inspiré bien d’autres. Mais nous oublions que nous n’en disposons que grâce à un improbable concours de circonstances. Derrière chaque page ancienne que nous pouvons lire, il y a le double miracle de sa conservation et de sa transmission. De même que le nombre des êtres humains morts dépasse de loin celui des vivants, la quantité d’œuvres perdues sans retour dépasse celle des œuvres que nous avons conservées. Et même si cela semble difficile à croire, il est tout à fait possible (bien qu’indémontrable) qu’en qualité, ces œuvres disparues aient été supérieures à celles qui nous sont parvenues.