La Filiale, Sergueï Dovlatov (par Gilles Banderier)
La Filiale, mai 2019, trad. russe Christine Zeytounian-Beloüs, 136 pages, 18 €
Ecrivain(s): Sergueï Dovlatov Edition: La Baconnière
Le milieu des expatriés, quels que soient leur nationalité d’origine et leur pays de résidence, est en général un terrain fertile pour l’observateur. Installé aux États-Unis depuis 1978, Sergueï Dovlatov décrit dans La Filiale un milieu qu’il connaît bien, celui des intellectuels russes exilés en Amérique du Nord. Il n’est pas rare que l’on se proclame intellectuel à peu de frais : il suffit d’avoir publié un bref article dans un périodique, pas forcément très lu, ou une plaquette vendue à quatorze exemplaires, pour se parer de ce titre.
Dans son petit roman largement autobiographique, Dovlatov se met en scène à travers un double transparent, Dalmatov, journaliste russe vivant aux États-Unis pendant « l’ère Gorbatchev » (qui dura en fait moins d’un septennat) et travaillant dans une publication destinée à ses compatriotes en exil. Vivant à New York, il est chargé par sa rédaction de « couvrir » un colloque d’intellectuels russes à l’autre bout du pays, en Californie.
On se doute que ce colloque regroupera surtout des prétentieux qui feront les importants (« Les hommes d’État potentiels, ce n’est pas ce qui manque parmi les émigrés », p.124), des écornifleurs et des ivrognes à divers stades de leur imbibition. Dovlatov n’épargne ni les exilés russes, ni même les États-Unis (« En bas, il y a le hall, un café, un tabac, un laboratoire photo. Et deux types chargés de la sécurité qui font les cent pas, un Blanc et un Noir. Je salue fraternellement le premier et je fais un peu de lèche au second. Signe que je suis proche du parti démocrate », p.6). C’est aussi le moment que choisit la fantasque et dépensière Tassia, un amour de jeunesse de Dalmatov, pour réapparaître dans sa vie et sa chambre d’hôtel, bien décidée à plumer le pigeon et à assécher son compte en banque…
Gilles Banderier
Né en Union Soviétique, Serguei Dovlatov (1941-1990) ne fut jamais publié dans son pays. Il émigra aux États-Unis en 1978, où il put faire paraître ses livres.
VL 3,5
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