Identification

Articles taggés avec: Banderier Gilles

L’État secret, Jacques Follorou (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 14 Janvier 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Fayard

L’État secret, Jacques Follorou, 282 pages, 20 € Edition: Fayard

 

 

Dans les démocraties numériques, les citoyens ordinaires renoncent à une part croissante de leur intimité, de leur privauté (le mot ne traduit qu’imparfaitement l’anglais privacy, « l’arrière-boutique » de Montaigne), à travers les « réseaux sociaux », qui réalisent le vieux rêve de Bentham (à moins qu’il ne s’agisse d’un cauchemar), le panopticon, la prison de verre où l’on peut tout savoir de tout le monde à chaque instant. Il faut préciser que ce renoncement à la vie privée est volontaire. Il ne résulte pas d’un espionnage généralisé et coercitif, exercé par l’État (comme chez Orwell), même si – dans la pratique – le résultat est identique. Que deviennent toutes les données que nous déversons librement sur la Toile ? La question est régulièrement posée. On devine qu’elles ne sont pas perdues pour tout le monde.

Comment le dire avec circoncision ?, Gérard Ejnès (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 06 Janvier 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Comment le dire avec circoncision ?, Gérard Ejnès, Le Passeur, août 2019, 460 pages, 21 €

Le 12 juillet 1998 et les jours qui suivirent ne furent pas euphoriques pour tout le monde (avant tout pour ceux qui abhorrent le football). La victoire de l’équipe de France en finale de la Coupe du monde sonna le début d’une véritable curée contre les journalistes sportifs et les chansonniers qui, les mois précédents, avaient critiqué sans ménagements et pas toujours de manière loyale le sélectionneur, Aimé Jacquet. Parmi ces journalistes se trouvait Gérard Ejnès, alors directeur adjoint de la rédaction de L’Équipe. « Je n’ai jamais cogné personne, mais je cognerai un jour Gérard Ejnès », avait déclaré « Mémé » Jacquet. L’effondrement de l’équipe de France à la Coupe du monde suivante montrera que les critiques qui lui avaient été adressées n’étaient peut-être pas toutes infondées.

L’esprit souffle où il veut et frappe quand il veut, même lorsqu’on est en train de satisfaire un besoin aussi naturel que pressant non loin d’un terrain de golf. C’est dans cette posture humble et a priori peu propice à l’introspection ou au questionnement métaphysique que Gérard Ejnès prit nettement conscience d’un manque. Cette prise de conscience ne fut pas douloureuse, la douleur remontant à plus loin, quand il avait été circoncis (pratiquée à huit jours, la circoncision juive ne laisse aucun souvenir, contrairement à la circoncision musulmane, qui s’effectue à treize ans). Mais que signifie être Juif ?

La Rhétorique de la haine, La fabrique de l’antisémitisme par les mots et les images, Dominique Serre-Floersheim (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 17 Décembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La Rhétorique de la haine, La fabrique de l’antisémitisme par les mots et les images, Dominique Serre-Floersheim, Honoré-Champion, Coll. Bibliothèque d’études juives, n°66, février 2019, 282 pages, 45 €

 

Qu’est-ce que l’antisémitisme ? Au niveau rudimentaire, la forme de haine la plus ancienne et – paradoxalement (ou par conséquent) – la plus vivace qui soit. Dès le livre d’Esther (composé sans doute au IIe siècle avant Jésus-Christ), Haman déclare au roi Assuérus (3, 8) : « Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume ; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation ; quant aux lois du roi, ils ne les observent point : il n’est donc pas dans l’intérêt du roi de les conserver » (trad. Bible du Rabbinat). Le reproche traversera les siècles. On trouve chez les écrivains latins des propos peu amènes ; mais – et en l’occurrence le paradoxe est strident – ce fut avec le christianisme, au départ une variante du judaïsme parmi d’autres, que le discours anti-juif acquit une virulence particulière. L’Église a fait amende honorable. Trop peu, trop tard ?

De bonnes raisons de mourir, Morgan Audic (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 10 Décembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Polars, Roman

De bonnes raisons de mourir, mai 2019, 492 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Morgan Audic Edition: Albin Michel

 

Clemenceau disait qu’on ne ment jamais tant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse. Il aurait pu ajouter, s’il avait connu ce genre de tragédie : on ne ment jamais autant qu’avant, pendant et après une catastrophe nucléaire. Avant, en affirmant qu’elle ne risque pas de se produire ; pendant, en prétendant que la situation est sous contrôle, et après, en racontant que les retombées radioactives se sont sagement arrêtées aux frontières.

On aurait pu penser qu’une fois les populations évacuées, avec ce mélange d’héroïsme et d’impréparation caractéristique de l’ancienne Union soviétique (mais comment se préparer à un événement dont on refuse d’envisager l’irruption ?), la région de Tchernobyl demeurerait gaste terre, sinon pour l’éternité (notion qui a peu de sens dans notre monde sublunaire), au moins pour quelques siècles, le temps que s’estompent les patientes radiations. C’était sans compter l’appétit de lucre de certains voyagistes, ne demandant qu’à flatter l’impudeur, l’inconscience, l’absence de common decency, la bêtise d’idiots venus par milliers faire des selfies au milieu du monde d’après l’Apocalypse, dans cet état intermédiaire où l’humanité a déjà disparu mais où la nature n’a pas entièrement repris ses droits.

Les Juifs et la modernité L’héritage du judaïsme et les sciences de l’homme en France au XIXe siècle, Perrine Simon-Nahum (par Gilles banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 05 Décembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Essais

Les Juifs et la modernité L’héritage du judaïsme et les sciences de l’homme en France au XIXe siècle, Perrine Simon-Nahum, octobre 2018, 334 pages, 22 €

Il ne faut pas demander aux analogies plus qu’elles ne peuvent donner. Tout s’est cependant passé comme si, après l’émancipation des Juifs voulue par l’Ancien Régime finissant et mise en œuvre par la Révolution, après leur intégration roide à la société française, les trésors d’énergie, de subtilité et d’intelligence déployés à commenter ou, simplement, à méditer et à lire, dans la réclusion des « juiveries », la Torah, le Talmud, leurs commentaires et les commentaires de leurs commentaires, s’étaient orientés vers d’autres buts. Le processus d’émancipation, moins lisse qu’on ne se le représente, n’était lui-même pas exempt d’ambiguïtés, résumées par le terme de « régénération » qu’avait employé l’abbé Grégoire dans son célèbre mémoire présenté devant l’Académie de Metz. Que signifie cette idée de « régénération », si ce n’est que les Juifs auraient « dégénéré » en se repliant sur eux-mêmes (comme si ce repli avait résulté d’un choix collectif et d’une décision libre…) et que l’abandon de leurs particularismes (au premier rang desquels l’orthopraxie religieuse) les « régénérerait ».