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La Cartothèque, Lev Rubinstein (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Novembre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La Cartothèque, Lev Rubinstein, Le Tripode, novembre 2018, trad. Hélène Henry, 288 pages, 22 €

 

 

J’avoue que j’ai été surpris par l’originalité de ce livre que publient les éditions du Tripode, maison que je ne connaissais pas du reste. Surpris, mais pas perdu ; étonné, mais participant comme liseur à la ligne esthétique de l’ouvrage ; déstabilisé, dans le sens où c’est la liberté d’abord qui se donne à lire ici, liberté du mouvement des vers, liberté de ton, liberté formelle, liberté de l’invention textuelle. Car si l’on en croit les dates de production des recueils, qui s’échelonnent de 1976 à 2006, l’on voit combien cette façon d’inventer, de créer du moderne (au sens de Rimbaud, c’est-à-dire « absolument »), parfois avec humour, gravité souvent mais sans emphase, conduit à ne pas tremper sa plume dans la veine lyrique ou très peu, et à nous livrer ainsi un univers typique, sans faux-semblants, entêtant et entraînant.

En lieu et place, Olivier Domerg (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 02 Novembre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

En lieu et place, Olivier Domerg, L’Atelier contemporain, juin 2018, postface Michael Foucat, 144 pages, 20 €

 

Obsession

Obsession est le mot qui m’est venu très vite à l’esprit pour titrer ces quelques lignes que je veux consacrer au dernier livre d’Olivier Domerg. En effet, c’est pour moi le mot convenable pour résumer le livre et éclairer ainsi un principe en littérature que je trouve essentiel. Oui, comme en musique, j’aime l’ostinato, qui correspond pour ce qui me concerne à la tentative et à la méthode les plus difficiles, car ces dernières jouent sur des contraintes très fortes. Ici, l’obsession qui fait le thème principal, c’est la place Ducale de Charleville-Mézières. Car hormis quelques débordements vers des rues adjacentes, la totalité des 15 mouvements de l’ouvrage revient à décrire et à partager par écrit cette place emblématique de la ville de Rimbaud. Obsession de la place, qui fait place, la place au poème, qui s’en fait le lit, son foyer, sa focale. En ce sens, la construction de ce recueil reprend, je crois, les formes musicales d’un certain minimalisme américain, où le thème est développé jusqu’à produire de simples éléments d’expression répétés et qui varient peu.

Le chant des marées, Watson Charles (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Octobre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le chant des marées, Watson Charles, éd. Unicité, mai 2018, 90 pages, 13 €

 

 

J’ai pris le petit recueil de Watson Charles (petit en volume) comme une traversée, un voyage au milieu d’un monde animé par des oppositions. Oui, j’ai lu là une certaine poésie double, double par le mouvement vers les choses réelles, vers l’extérieur, vers la ville, vers le monde, vers autrui, et le retour de ces éléments dans l’intériorité poétique de l’ouvrage. D’ailleurs, je ne rechigne pas à préciser que j’observe souvent dans mes lectures de poésie ce qui est de l’ordre de la coupure, de la blessure intérieure et du caractère inaliénable de ce que provoque en soi cette schize. Ainsi, grâce à cette observation, j’ai décelé dans ces poèmes de Watson Charles une sorte d’apologie de la métamorphose, par exemple quand la ville se transforme en île, ou quand le monde se confond en un bateau naufragé, quand le lointain devient proche, quand l’exil devient une richesse. Et cela avec l’étude presque directe de la fonction du poète dans le monde.

Le Jardin d’Alioff, Farhad Ostovani (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 24 Octobre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le Jardin d’Alioff, Farhad Ostovani, L’Atelier contemporain, septembre 2018, trad. anglais Robert Bemis, Paul Laborde, Alain Madeleine-Perdrillat, 192 pages, 25 €

Texte de la chair

J’ai parcouru avec plaisir les écrits du peintre iranien Farhad Ostovani qui forment ici un recueil, des mémoires, des souvenirs, enfin qui laissent apparaître le lien de l’artiste avec sa famille, le passé, le pays d’origine et en ce sens, l’exil et le travail de la peinture lesquels ont fait un horizon d’attente pour ce que j’étais comme lecteur. Donc il s’agit de petits textes qui relatent des faits et l’évocation des personnes vivantes ou mortes, qui se recoupent parfois, de manière aléatoire, tout comme est la mémoire avec sa façon de capturer tel élément du passé et d’en exclure d’autres. Bien sûr, il ne faut pas oublier l’origine de ce livre, qui devait initialement correspondre à un livre de recettes iraniennes, et cette tentative est assez sensible dans l’ouvrage – plus d’ailleurs au début du livre. Et cela a beaucoup d’importance car rendant le texte sensible à la matérialité des alcools, des olives et oliviers, des images de jardins disparus notamment, et avec eux les rosiers et les magnolias qui hantent la mémoire de l’auteur. Je dirai que cela fait un texte de la chair, chair de la peinture, chair du souvenir, chair nourrissante. Du reste, la chair est devenue mon fil conducteur.

Nul lieu n’est meilleur que le monde, Wendell Berry (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 03 Octobre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Nul lieu n’est meilleur que le monde, Wendell Berry, Arfuyen, coll. Neige, septembre 2018, trad. Claude Dandréa, 160 pages, 18 €

 

Poème de la terre

Pour parler de ce recueil de poème de Wendell Berry, ici présenté en version bilingue, il faut tout de suite dire que ce travail est plus fait d’un souffle, d’une cadence que d’une déclamation, plus près de la sentence que de l’approximation, ce qui n’empêche en rien l’émerveillement, et même au contraire, guide le lecteur dans un monde intérieur quiet, posé, sujet à des questions élémentaires et essentielles ; oui, un chant simple, une poésie qui sonne de façon profonde et intérieure, et qui permet de se concentrer sur sa forme lyrique.

Cela ne réduit nullement l’artiste, il peut toucher aux thèmes difficiles et graves, sans perdre aucune clarté. Là, un monde pour lequel la mort ne serait pas la fin ni même une énigme, mais le repos temporaire des âmes. Et cela avec une cadence souvent organisée en strophes de trois ou quatre vers, rendant très équilibrée cette diction silencieuse du poème.