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Articles taggés avec: Ayres Didier

Mots, Philippe Jaffeux (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Dimanche, 15 Septembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Mots, Philippe Jaffeux, éd. Lanskine, mai 2019, 176 pages, 20 €

Littérature de l’apparition

Pour donner mon sentiment personnel au sujet de la lecture du dernier livre de Philippe Jaffeux, je prendrai appui sur une métaphore. Celle qui image la force nécessaire pour grimper sur une paroi avec juste quelques points saillants permettant l’escalade, auxquels il faut faire confiance et lire l’ouvrage comme on le ferait d’une description d’un édifice, comme un historien de l’art s’appropriant une architecture. Disons pratiquer une espèce de varappe intellectuelle très stimulante et énergique, pour suivre l’auteur dans cette littérature des possibles, de l’offre, écrit dans un style, disons, ascensionnel, qui joue sur le pouvoir de l’emportement dans une ivresse comparable, si je file la métaphore, à celle des sommets. Pour ce faire, j’ai pris beaucoup de notes en bas de page de ma lecture. Oui, une littérature de l’expérience intérieure, en sa profusion d’indications complexes, où l’on voit l’auteur chercher son souffle et parvenir à emporter le liseur dans sa propre psyché, cherchant lui-même à son tour la voie vers l’intellection du propos. Pour me résumer, je dirais, comme le laisse supposer le titre de cette chronique, que c’est bel et bien une littérature qui laisse apparaître, qui détoure les questions et interroge tout en laissant distinguer où le poète se situe et situe ainsi son auditoire.

Blancs, Brigitte Mugel ; Je te massacrerai mon cœur, Philippe Thireau (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 09 Septembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Blancs, Brigitte Mugel ; Je te massacrerai mon cœur, Philippe Thireau ; éditions PhB, 2019, 10 €

 

J’ai hésité à intituler cette présentation succincte de deux livres que publient les éditions PhB récemment, en questionnant la douleur d’être, qui, me semble-t-il, est inhérente à la personnalité d’un poète. J’ai fini par rassembler mes idées sous l’égide de la fondation, ce qui revenait à dire l’objet réel de mon sentiment. Car c’est bel et bien ce que je retiens des deux lectures des poèmes de Brigitte Mugel et de Philippe Thireau : quelles sont les fondations d’un poète ?

Je me pencherai tout d’abord sur Blancs, livre qui débute sur une série de poèmes qui utilisent le substantif : tête. Donc l’endroit où siège l’intellect, et aussi où habite l’âme, en tous cas, l’esprit de la poétesse. Est-ce conscience de la mort ? est-ce le siège de l’amour ? est-ce une description du corps ? Toutes ces notions se mélangent pour aboutir à ce mot qui revient essentiellement au début du recueil : la tête. Et peut-être est-ce cela qui permet de rentrer dans la matière du poème, rentrer par la tête donc par la partie anatomique qui assure techniquement la possibilité de la lecture.

Départ volontaire suivi de Kadoc, Rémi De Vos (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 02 Septembre 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Départ volontaire suivi de Kadoc, Rémi De Vos, Actes Sud Papiers, mai 2019, 208 pages, 18 €

 

Le travail, la folie

Kadoc pour K.doc

Le genre de l’écriture théâtrale est un domaine plastique qui accueille, au moins depuis Shakespeare, une nomenclature variée de thèmes et de formes. Ici, avec cette commande faite de la Comédie Française à l’auteur dunkerquois, on pourrait ranger ce texte sous l’étiquette de la comédie, mais d’une comédie grinçante et implacable à la manière de cette folie douce qui déborde dans les Chaises de Ionesco là où les personnages sont censés exister, mais ne sont que des émanations de l’esprit morbide d’un couple de curieux marginaux. Ou encore, dans l’absurdité de l’imaginaire de Kōbō Abe qui, dans une de ses pièces met en scène une famille qui envahit le tranquille appartement d’un japonais moyen, et qui prend le pouvoir sur sa vie.

Pierres de rêve avec paysage opposé, Michèle Métail (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 19 Août 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Pierres de rêve avec paysage opposé, Michèle Métail, éditions Lanskine, avril 2019, 56 pages, 14 €

 

Réfléchir, reflets

Il m’arrive peu de différer longuement entre la lecture d’un livre auquel je me suis promis d’écrire une recension, et l’écriture à proprement dite de cette note de lecture. Ici, ce sont plus de quinze jours sur lesquels repose mon dernier regard sur ces Pierres de rêve, non pas à cause d’une sorte de paresse ou de désintérêt éprouvé pour le livre, mais à cause d’une maladie chronique qui m’a éloigné de presque tout en matière d’écrire. Je dis cela pour expliquer quand même la force qui m’a poussé à chroniquer ce livre de Michèle Métail, sorte de volonté qu’autorise cet ouvrage, facile d’accès, mais complexe dans son architecture. Je me suis donc attaché dans ces deux moments – lire et écrire – à regarder de près la fabrication du recueil, qui à droite comprend le texte, et sa version pour miroir à gauche – ce qui n’est pas une anecdote. Lecture en miroir, et lecture disons, droite, s’entraident pour donner à penser le voyage de l’autrice à Taiwan où elle a regardé de près les miroirs convexes qui articulent les paysages et les routes, comme en une sorte de miroir de Lorrain.

Ainsi parlait Gustave Flaubert, présentation Yves Leclair (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Ainsi parlait Gustave Flaubert, présentation Yves Leclair, Arfuyen, mai 2019, 166 pages, 14 €

Réfléchir avec Flaubert

J’ai découvert, à travers ce nouveau livre de la collection Ainsi parlait chez Arfuyen, un Gustave Flaubert dont je n’avais pas assez cerné le côté sombre, ni le pessimisme profond de sa nature. Je le savais « ours », mais je ne soupçonnais pas ses oscillations entre un cynisme philosophique, disons, doux, et des conceptions comme le stoïcisme ou le scepticisme, qui mettent en lumière un écrivain dégoûté de la réalité sociale et de ses conventions, presque touché par le goût de mourir. Durant cette lecture, j’ai pensé à une citation que l’on prête à Georges Sanders, l’acteur, qui avant son suicide, s’est exprimé ainsi : « Je vous abandonne à vos soucis dans cette charmante fosse d’aisance. Bon courage ». Je trouve que cette citation correspond en un sens à l’univers littéraire de Flaubert. En tous cas, à celui qu’exprime sa correspondance – qui est aussi précise et harmonieuse que l’est son œuvre romanesque, à mon sens (sans doute pas travaillée au gueuloir) –, épîtres d’une très haute tenue, notamment au sujet des idées qu’elles avancent. De cette façon j’ai vraiment rencontré « l’ours de Croisset ». Noirceur, pessimisme, mélancolie, désespoir, irritabilité, une sorte de mise en demeure d’un caractère neurasthénique, mais d’une neurasthénie intellectuelle, l’intellection d’un dépressif, qui ne subit pas le malheur et le tient en respect grâce au langage et à l’art.