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Sans adresse, Pierre Vinclair (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Sans adresse, Pierre Vinclair, éd. Lurlure, janvier 2019, 136 pages, 16 €

Réel

J’ai abordé le livre de Pierre Vinclair comme un recueil de textes dont j’ai aimé la forme claire de sonnet, lequel imprime sa scansion, sa cadence, et produit des poèmes parfois versifiés, mais pour la plupart en vers libres. Ainsi, hormis le prétexte contingent d’une installation de l’auteur et de sa femme à Singapour puis à Shanghai, le travail d’écriture reste égal, tourné vers le récit tout autant que vers la langue. C’est la réalité qui fait le fond du poème, avec sa nature à la fois matérielle – le découpage en quatorze vers – et désincarnée, narrative ou arrêtée, mouvante comme le suppose la lutte pour le poète à décrire des déambulations, comparables à celles de Debord, Joyce ou Homère.

C’est donc la vie en creux que l’on aperçoit au travail dans le texte, comme si elle venait affleurer à l’instar d’une écume au milieu de la page, dans le rectangle blanc du poète qui s’achève dans la page imprimée pour le lecteur – lequel s’identifie, comme au cinéma, à cette aventure spatiale, en rupture avec l’ordre ordinaire de nos vies, et qui laisse supposer aussi une rupture dans la continuité de la vie du poète, qui évoque en peu de traits sa fonction de professeur, de lettres ?, de philosophie ? Oui, cela fait coupure, rompt le cercle habituel de la littérature, même par éclats, par petits fragments qui sont autant de petites scènes de l’existence qui prennent dès lors une dimension littéraire.

À propos de Rire et gémissement, Tarik Hamdan, et Du bleu autour, Viviane Ciampi, éditions Plaine Page (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 22 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Rire et gémissement, Tarik Hamdan, et Du bleu autour, Viviane Ciampi, éditions Plaine Page, 2018, chacun 10 €

Poésie connexion

Comme il me fallait choisir dans toute la livraison 2018 des éditions Plaine Page, j’ai essayé de joindre deux ouvrages assez différents mais qui illustraient avec pertinence le mot de connexion – qui est le titre de la collection où paraissent ces livres, le premier de Tarik Hamdan, poète palestinien et journaliste, et le second de Viviane Ciampi, poétesse italienne et peintre. En effet, dans les deux cas, il s’agit bel et bien d’une « connexion », l’une au monde et à l’Histoire, et l’autre au monde matériel de l’organicité physiologique de l’être humain. Cependant, je parlerai peut-être davantage de Rire et gémissement, car ce recueil est plus volubile, plus imagé et donne mieux à penser la relation avec le monde qui va, avec l’Histoire, avec le tremblement du monde, cher à Édouard Glissant. Mais je n’oublierai pas de décrire mon sentiment à l’égard du travail de Viviane Ciampi, dont l’ouvrage s’accompagne de ses propres encres, taches fluides et bleutées, un peu maritimes et qui rappellent le test de Rorschach.

A-Eden, Jean Maison (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 16 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

A-Eden, Jean Maison, éditions Ad Solem, décembre 2018, 104 pages, 10,90 €

 

 

Poésie agreste

Je n’ai pas toujours l’occasion de chroniquer les livres de Jean Maison, poète que je connais depuis de longues années et vers lequel parfois mes pas me conduisent en Corrèze où il vit et travaille. Mais je sais le plaisir renouvelé de lire sa poésie intense, forte, ramassée et pourtant nue. Et du reste, la nudité compte ici beaucoup pour ces textes qui font un livre un peu étrange, dans lequel la page de gauche (qui est sujette dans des éditions bilingues à accueillir le texte dans sa langue originale) est blanche, comme si les poèmes de la page de droite étaient une traduction à partir du vide, du néant et de la nudité de la vie intérieure. Peut-être est-ce là une traduction du poète depuis la luminosité spirituelle, prière dite à voix basse et qui s’adosse à une foi intégrale et silencieuse ?

La nuit, Nasser-Edine Boucheqif (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 11 Janvier 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La nuit, Nasser-Edine Boucheqif, éd. Al Mawkib Al Adabi, Maroc, 2017

 

Nuit mystérieuse

Je me fais l’écho d’un livre paru en 2017, parce que parmi les livres que je lis il représente une voix singulière, une sorte de voix de la nuit, du reste plus une nuit physique que mystique. Cependant, le mystère de la nuit de l’auteur me reste énigmatique. Je n’ai pas percé le secret du livre, ce qui en un sens est signe de richesse et de profondeur. Ainsi, la nuit ici est pensée comme une nuit d’insomnie, une nuit qui viendrait buter sur l’éveil, un éveil du petit matin, un éveil du rêve, un éveil du cauchemar brûlant au milieu du sommeil.

La révélation est peut-être là, dans la question du sommeil, dans l’intrigue de dormir, sachant que dormir est sujet à fables, à récits, et que la manière de s’endormir prête au dormeur plusieurs questions renouvelées par le cycle de la léthargie, de l’appesantissement charnel de l’obscurité. La nuit se constitue dès lors comme moment défini par ce qui lui fait limite, finalité, comme le blanc s’oppose au noir, la forêt à la clairière, l’ombre comme fin de la lumière, crépuscule qui découpe le jour.

Idiotie, Pierre Guyotat (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 21 Décembre 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Idiotie, Pierre Guyotat, Grasset, août 2018, 256 pages, 19 €

 

Récit organique

Je suis un peu impressionné d’écrire sur le dernier livre de Pierre Guyotat, livre qui a reçu d’importants prix littéraires et qui provient d’un écrivain que l’on sait à la fois secret et très exigeant. Décrivons juste le déroulement du récit – un peu comme s’il fallait parler de cinéma ou de théâtre tant les actions du livre sont images et voix. Nous commençons par la fugue de l’auteur à Paris depuis Lyon. Là, on suit l’itinéraire d’un fugueur pauvre qui se nourrit essentiellement de pain et d’huile, et vit dans un monde un peu interlope, celui des prostituées et de leurs souteneurs. Puis vient la guerre d’Algérie qui commence par une sorte de scène de torture exercée contre Pierre Guyotat lui-même, laquelle forme le décor brutal de ce départ indésiré. Indésirée aussi la réclusion au cachot en Algérie. Et vers la fin de l’ouvrage, l’auteur trouvera une issue à ce qui est le fond disons, organique, de sa quête, dans la consommation de l’acte sexuel.