Identification

Articles taggés avec: Ayres Didier

Firmaman, Jean-Paul Gavard-Perret (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 19 Août 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Firmaman, Jean-Paul Gavard-Perret, éditions Sans escale, mai 2021, 30 pages, 13 €

Sexe

J’espère avoir fait une lecture juste de ce petit livre où pèsent, se mesurent, se développent la chair amoureuse et les organes sexuels. Du reste, les textes calquent davantage l’action que le jouir, pour mettre en exergue la corporalité naturelle des étreintes sexuelles. Il y a donc quelque chose de Molinier, pour les cuisses gainées, les dessous chics, ou de Bellmer pour le bizarre parfois des positions et des points de vue. Et puis, on connaît aussi Paul-Armand Gette qui travaille depuis longtemps, légèrement amusé, sur les culottes des femmes, posées sur des sapins de Noël par exemple. Nous sommes donc en terrain connu.

Ce qui est neuf toutefois, c’est le traitement du sujet. On entrevoit Sade, mais pas le sadisme, plutôt le sadien, avec me concernant, la peur ressentie à la vision du Salo de Pasolini. Ainsi, Firmaman n’est pas tout à fait un poème, mais davantage une performance linguistique, des récits courts, un texte récitatif plutôt que contemplatif. Pour tout dire, l’auteur est en action. Il me semble aussi que l’on pourrait utiliser le terme homérique dans les deux sens du terme. Quant à moi, j’ai pensé à l’Iliade, avec ses différentes morts toujours nouvelles dans leur facture. Les scènes érotiques de J.-P. Gavard-Perret sont variées, et on voit presque la réalité des corps à corps amoureux. Donc pas de lyrisme mais de l’épique.

Hautes Huttes, Gérard Pfister (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 17 Août 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Hautes Huttes, Gérard Pfister, éditions Arfuyen, juin 2021, 384 pages, 19,50 €

Le poème obombré

J’avais quelques scrupules à indiquer que ce recueil de 1000 poèmes, de Gérard Pfister, a agi en moi comme un moment de dialectique, interaction donc dynamique et profonde entre le sujet qui raconte et ce que raconte le sujet. Puis, en consultant des définitions – philosophiques –, j’ai pensé que ces poèmes pouvaient vraiment articuler une part du réel et un univers, une vision, un style – se démarquant ainsi de la terminologie d’Engels sur le raisonnement dialectique. Car en regardant quelques mots de ces quatrains comme cendre, lampe, la brume, la pénombre des eaux, je crois que l’on peut dire non seulement que cette poésie fait mouvement intellectuel autour d’un dialogue philosophique, mais également fonctionne comme un glacis.

Cendre qui indique l’essence des choses prises dans une ordalie poétique, cendre de la cendre (chère à Derrida) ; matière résiduelle et impalpable de la brume, gouttelettes de pluie formant un écran vernissé ; ou encore lampe qui dans son cercle tremblant confine l’âme du poète dans une inquiétude et presque une douleur ; pénombre de l’eau, où l’écran des eaux du ruisseau fabrique une couche aqueuse sur le lit de pierre du cours d’eau.

L’Espoir musicien, Alain Lévêque (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Juillet 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

L’Espoir musicien, Alain Lévêque, éditions La Coopérative, mai 2021, 80 pages, 12 €

Chercher

Chercher est le premier mot qui m’a traversé à la lecture de L’Espoir musicien. Et cela grâce à une implication poétique de l’auteur, qui signe ici son deuxième recueil de poésie, mais qui a publié des études, des essais, des livres traitant de l’art contemporain par exemple.

Univers ? Sans doute. Surtout, poète qui va à la découverte intérieure (du soi-même, si je puis dire) et qui, de cette manière, reste fluide, ouvert, mouvant, meuble. La découverte de soi en passe là par l’étude poétique d’un mouvement, d’une équation vectorielle.  De là encore l’impression d’un allant, d’un amble du poème, flux capable de faire cohabiter le lecteur avec l’idée du seuil, du passage.

Et cet écoulement, cet exorde amoureux qui se poursuit en quelque sorte, sollicite autrui, l’autre, l’Autre peut-être. Toujours est-il qu’il y a une adresse à l’Aimée (fût-elle celle du Cantique). L’amour de l’autre étant devenu une mémoire des gestes, des humeurs, de la joie et de la tristesse. Il demeure une figure de lumière. Ce qui me rappelle nettement mon premier sentiment à l’égard des Yeux d’Elsa. On y reconnaît avec inquiétude presque, l’empreinte d’une sensation d’amour, et ce faisant, d’une quête.

Le Manscrit, Olivier Domerg (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 05 Juillet 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le Manscrit, Olivier Domerg, éditions Le Corridor Bleu, avril 2021, 232 pages, 18 €

 

Le poème itinérant

Je découvre avec ce livre le travail d’Olivier Domerg en son obsession poétique autour du Puy de Manse. Texte poétique que je rapprocherais des Eaux étroites de Gracq. C’est bel et bien une forme d’envahissement de la montagne du massif des Écrins qui coule dans le poète. Cette infusion ressemble à l’immersion de l’Èvre, fleuve fameux du voyage de Gracq dans le Maine-et-Loire. Ce Puy-là va au-delà de sa présence physique devant le poète. Mais avec un surgissement, une surabondance d’épithètes, de liens avec l’aspect pierreux, les tons et les couleurs végétales. Cette montagne est plus sujet qu’objet, car elle fertilise le poème et lui donne sa nature : non pas une contemplation mais un labeur actif (comprenant celui de l’ascension physique).

Nous sommes donc devant un texte transversal, qui va horizontalement de l’écriture au paysage et inversement. Phénomènes de va-et-vient. Construire la montagne par sa lecture. Reconstruire sa promenade par la littérature. Poésie itinérante. Écriture presque matérialiste dans laquelle la parole ne quitte pas son motif. Le spectacle des lieux comme page blanche.

La fête invisible, Gabrielle Althen (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 30 Juin 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

La fête invisible, Gabrielle Althen, Gallimard, mai 2021, 128 pages, 14,50 €

 

La fête du désir

Le temps, en avance d’une paix sur notre bonne volonté, attend le cœur. Pourquoi ne pas savoir que la terre est toute rouge, la nuit, quand le ciel soulève un peu sa chape et qu’un chant se réserve, né d’on ne sait où, entre le plomb de l’air et nos soupirs, et le désir, qui se sait devancé, parfois s’immobilise et s’étonne.

C’est à une poésie désirante que nous avons affaire avec le dernier recueil de G. Althen. Poèmes désirants donc, ce qui tend l’écriture sur un arc au-dessus du vide – si l’on admet que le désir crée une vacance, qu’elle lui est coextensive. L’absolu n’existe que relativement à la finitude ; le poème donc n’existe que par sa relation avec l’arrière-monde, l’univers du poète. Donc dans une dialectique entre le profond et l’apparent.