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Articles taggés avec: Ayres Didier

Ici, Pierre Dhainaut (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 06 Avril 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Arfuyen, Poésie

Ici, Pierre Dhainaut, éditions Arfuyen, février 2021, 96 pages, 12 €

 

Le poème horizon

Quel est cet ici ? Je n’ai trouvé la clé de ce livre vers la toute fin du recueil, d’une part parce que je me suis laissé imprégner, infuser par le texte, et aussi grâce au dernier chapitre qui m’a convaincu. De quoi ? Que la poésie peut penser, peut réfléchir, peut agir comme intellection. Ce poème-là n’est jamais une ornementation, mais un travail vers la nudité. Et céans, ce sont des images, une lumière nordiste à l’éclat blanc, transparent, presque froide. J’en parle en connaissance de cause ayant vécu deux ans à Valenciennes étant enfant, et mes premiers souvenirs d’écolier sont liés à cette lumière.

Cette clé dont je parle en supra, c’est donc l’horizon, celui de la Mer du Nord, ligne flottante qui indique une quête, qui collecte ce délinéament qui toujours se repousse, et ainsi recule en se rendant inatteignable. Cet horizon est encore celui du monde intérieur que le poète explore pour y fourbir son poème.

L’Odeur d’un père, Catherine Weinzaepflen (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Mars 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

L’Odeur d’un père, Catherine Weinzaepflen, éditions des Femmes, janvier 2021, 144 pages, 12 €

 

Fragments du père

C’est un peu par hasard que j’ai rencontré ce livre, qui au départ ne m’était pas adressé. Mais deux choses cependant m’ont incité à le lire : d’abord parce que Catherine Weinzaepflen a une production de poète, et ensuite parce que ce récit autour du père côtoyait le mien, mon père ayant disparu l’été dernier. Ici, bien sûr, la question d’être fille importe beaucoup. Comment se construire à partir d’un féminin ? Et dès lors, par fragments, rétablir une histoire, l’histoire de cet être fille-là. Ainsi attendu que reconstruire des paysages, des pays, des lieux soutenus par des odeurs, des émanations, des goûts, devienne le fil du récit – autobiographique ? C’est ce récit qui, de paragraphe en paragraphe, et dont chaque en-tête déclare l’âge de la protagoniste, interroge non seulement le père, mais la construction symbolique de soi, qu’il faut poursuivre.

Ainsi parlait Marcel Proust, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Gérard Pfister (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 22 Mars 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Arfuyen

Ainsi parlait Marcel Proust, présenté par Gérard Pfister, Arfuyen, janvier 2021, 192 pages, 14 €

Je crois qu’il est important de mieux connaître Marcel Proust, ce grand romancier qui est d’abord un grand écrivain, à travers un angle de son travail dans lequel s’établit la quintessence de sa pensée, une espèce de philosophie très fine où le langage est primordial. C’est cela à quoi nous invite le dernier Ainsi parlait des éditions Arfuyen dans un choix de textes de Gérard Pfister. Quand je dis la pensée de Proust, je le dis à dessein. Elle est vive, fructueuse, elle permet le dialogue de l’abstrait et du concret ; elle explique non pas une méthode mais crée un éclairage sur des questions aussi difficiles que : la mort, l’amour ou le temps, l’amitié, la littérature ou la maladie.

Je comparerais facilement ce qui raisonne dans l’œuvre de l’auteur de La Recherche à une réaction chimique, c’est-à-dire voir où sa pensée se manifeste par bouffées, par clusters de points de vue comme en musique, un assemblage où même le doute est significatif, hésitation que le romancier rend apparent, car sa « pensée » est plus une inspiration que la quête d’un système, une fabrique idéologique. Ce qui est notable c’est la plasticité de cette écriture, à la fois heureuse à lire et par elle-même monde meuble et susceptible de recomposition (du reste, on sait très bien comment Proust fabriquait ses personnages, très souvent par condensation).

Des âmes vagabondes, Anthologie de poètes symbolistes bulgares, Collectif/Kavaldjiev (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Mars 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie, Pays de l'Est

Des âmes vagabondes, Anthologie de poètes symbolistes bulgares, Collectif/Kavaldjiev, éditions Le Soupirail, octobre 2020, trad. bulgare, Krassimir Kavaldjiev, 226 pages, 25 €

 

Qui écrit ?

Il m’est difficile de prendre mon stylographe pour évoquer ce livre très intéressant consacré à une anthologie de poètes symbolistes bulgares. Tout d’abord parce que l’angle du symbolisme est aigu au regard de ce je connais – ou ne connais pas – de la poésie bulgare. Ensuite, d’autres connaissances de la littérature bulgare en général m’auraient été utiles pour distinguer mieux les points éminents et ceux qui le sont moins – à l’exception ici des deux poétesses dans le corpus des quatorze poètes recensés, qui m’ont paru plus remarquables. Cette indistinction relative tient aussi à ce que je cherchais en lisant. J’essayais de trouver un angle, pour décider qui écrivait, qui chantait, qui disait. Et donc à travers ces présentations de poètes et poétesses, assez renseignées biographiquement, et également par un volume important de poésies pour chacun des auteurs, je pensais trouver une ligne commune dans ce que j’appellerais ici la « bulgaricité ».

Brise, Bernard Grasset (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 08 Mars 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Brise, Bernard Grasset, éditions Jacques André, septembre 2020, 50 pages, 13 €

Vers une poésie cumulative

Ce recueil de poèmes de Bernard Grasset est accessible grâce à des mots simples, une prosodie que l’on dirait pauvre parce que dénuée d’apparats et d’ornements, mais écrit sous la lumière faîtière d’une lecture de la Bible, à la fois utilisant la métaphore, dans son registre spirituel, et composant une musique humble qui tremble au-dedans du texte. Simplicité donc, cherchant dans la locution verbale, celle du croyant sans doute, plus que désignant des hauts faits moraux, idéologiques, quêtant en son propre sein le rituel poétique voulu. Et comme je considère que la patrie des hommes c’est le livre, je dirais que cette brise, ce vent doux, nous rapproche de l’homme, de celui-là qui espère et demande à s’augmenter de son humanité, brillante sous le feu solaire de la foi, du sacré, ou de la mort peut-être.

Cette langue retenue s’articule sur peu de verbes et agit plus sur le mode de l’accumulation de mots devenant des épithètes, construisant en cumulant, à l’image des énumérations par exemple des ordres sacramentels, de la disposition du temple dans l’Ancien Testament. Les substantifs nous ouvrent un chemin qui nous conduit plus loin que nous-mêmes, dans une expérience de l’espoir, expérience de l’espérance si chère à Péguy.