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Articles taggés avec: Ayres Didier

Le Papier d’orange (La carta delle arance), Pietro De Marchi, éd. Empreintes (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Décembre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Le Papier d’orange (La carta delle arance), Pietro De Marchi, éd. Empreintes, mai 2021, trad. italien, Renato Weber, 190 pages, 9 €

 

Sprechgesang

Il n’a pas été facile pour moi de trouver la clé de ce recueil bilingue italien/français de Pietro De Marchi. Je pense, d’une part, que la rédaction s’est faite au long cours, avec une langue qui évoluait peut-être. D’autre part et par conséquent, ses thèmes et ses images multiples et variés faisant des faisceaux de lumière, éclairant des objets dans la nuit, auraient fabriqué un univers complexe et profond. Ce qui m’est venu à l’esprit est donc une question formelle. J’ai opté ainsi pour le « chant parlé », c’est-à-dire une poésie à demi-lyrique dont le récit tremble dans le contenant, dont la réalité tangue dans le signe. De cette manière, généralement, la beauté triomphe. Et derrière cette surface presque légère, ductile, l’on voit le poète en train d’exister. Nous avons affaire à une lueur noire, une encre saturée qui occupe la blancheur du papier.

Kenny, Frédéric Vossier (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 29 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Théâtre, Les solitaires intempestifs

Kenny, Frédéric Vossier, éd. Les Solitaires Intempestifs, septembre 2021, 80 pages, 14 €

 

Révélation

Peut-être que la dernière pièce de Frédéric Vossier pourrait être, en un sens, une quête de nomination, celle de nommer des êtres, nommer des situations. Tout d’abord parce que le prénom ici éponyme, Kenny, est prononcé souvent, assez pour faire litanie parfois. En second lieu parce que se nommer, nommer sa part d’étrangeté, dire comme en une révélation là où le trouble gagne le genre, rendent complexe et ambiguë la vérité sexuelle du personnage principal. Et cela assez brutalement.

Une vision conservatrice, voire réactionnaire, vient s’opposer dans ce schéma actanciel au trajet de révélation du personnage principal. Ou alors cette opposition actancielle le pousse peut-être davantage, l’oblige à exprimer une sorte de confession dont les conséquences, en tout cas pour le lecteur, sont grandes. Car là vacille le thème de la pièce.

Tombeau de Jorge Luis Borges, Daniel Kay (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 22 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Gallimard

Tombeau de Jorge Luis Borges, Daniel Kay, Gallimard, juin 2021, 128 pages, 14 €

 

Poésie savante

Le recueil de Daniel Kay prend un risque inconscient de faire du poème une idée. Mais la poésie est poreuse parfois et laisse s’installer en elle des matières altérantes. Ici, au contraire, cette porosité reste accueillante à la culture savante, culture qui sort tout à fait des sentiers battus de la scolastique. Le poème évoque, représente, fait occurrence de fins et raffinés points d’appui, sans oublier un peu d’ironie, des propos plus légers, restant sans cesse avec ce qu’il y a de haut dans la littérature.

J’aimerais aussi dessiner cet ouvrage d’un schéma en étoile. Tout d’abord au sujet des voies prises par le poème, qui nous relient à nous-mêmes comme dans la position de l’étoile de mer du yoga. De plus, au sens strict de la composition d’un ciel, comme par exemple le ciel de la Voie Lactée. Ainsi, ce Tombeau de Daniel Kay revêt l’aspect d’une étoile supplémentaire au ciel Lacté. On y croise tant de si grandes pléiades : Saint Jérôme, La Bible, Borges, Proust, etc., que l’émerveillement se poursuit dans le livre en une sorte de porte céleste au milieu de tant d’éminences spirituelles.

L’acteur, Hélène Revay (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Théâtre

L’acteur, Hélène Revay, Les éditions Sans Escale, octobre 2021, 70 pages, 13 €

 

Plus l’homme avance, moins il aura à quoi se convertir (Cioran)

 

Soliloque

En parcourant cette pièce, j’ai été vite persuadé que Samuel Beckett avait influencé la matière de ce travail. On y reconnaît la syntaxe d’un désespoir, la trace de présences innommables, sans nomination objective, l’absurdité donc de l’existence humaine. Cette impression est restée durable. Hélène Revay a suivi un cursus de philosophie à la Sorbonne, et sachant cela mon intuition a été définitive.

Cela dit, il reste à décrire la relation du lecteur à la pièce de théâtre, lecture dans un fauteuil. L’action n’est pas ici négligée, et on attend très nettement de voir la situation du personnage, de l’acteur, évoluer. Et l’on accepte bien aussi la mise en abîme du théâtre au théâtre, car le personnage n’hésite pas à dire qu’il est acteur et qu’il est dans un théâtre.

Chant continu, Thibault Biscarrat (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 10 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Chant continu, Thibault Biscarrat, éditions Conspiration, octobre 2021, 86 pages, 9 €

 

Couronnement

Le chant continu de Thibault Biscarrat est une sorte de psaume rituel qui se consacre et se resserre sur une action : celle de l’élévation spirituelle. On ne cesse jamais de se pencher sur le chemin qui va montant, vers le haut, appel au couronnement symbolique, sacré, métaphysique. Invitation à la hauteur, peut-être un peu au vertige, à la présence, la Présence. Présence supérieure qui n’est pas si difficile gravir, et qui est surtout musicale. On connaît les recommandations du Concile de Trente et les règles en matière de musique baroque. C’est dans ce sens que je parle de musique ici. Car avec de simples mots (comme de simples notes) tels : chant, hauteur, voie, verbe, infini, eau, voile, le poète arrive à construire une espèce de contrepoint. Est-ce que cela ressemble à un mantra ? L’origine du poème est-elle arpège ? Sommes-nous en mode mineur ou majeur ? Cette répétition presque obstinée de ces mots (ces notes de la partition) ne nuit pas au poème mais le justifie.