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Douleur, Zeruya Shalev

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 23 Mai 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Israël, Roman, Gallimard

Douleur, février 2017, trad. hébreu Laurence Sendrowicz, 401 pages, 21 € . Ecrivain(s): Zeruya Shalev Edition: Gallimard

 

 

La douleur emplit ce magnifique roman sur le prix à payer, se propage, montre toutes ses facettes, jusqu’à s’incarner dans l’amour retrouvé d’Iris, trente ans après la séparation. Douleur du corps meurtri, douleur de la brèche, de l’impossible remise en situation, du temps qui passe, d’une partition qui refuse de se laisser jouer…

Douleur, c’est le nom qu’Iris donne à Ethan, son amour de jeunesse retrouvé, et pas seulement parce qu’il est médecin chef d’un centre antidouleur : « Elle repense à la robe rayée que portait la jeune joueuse d’échecs, de nouveau des éléments fortuits s’assemblent en une image provocatrice et menaçante, étrange comme des vies parallèles se heurtent soudain alors qu’elles n’auraient jamais dû se croiser, mais doit-elle vraiment y lire une menace ? » (p.119-120).

L’Homme au lion, Henrietta Rose-Innes

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 01 Avril 2017. , dans La Une Livres, Afrique, Les Livres, Critiques, Roman, Zoe

L’Homme au lion, trad. anglais Elisabeth Gilles, 315 pages, 21 € . Ecrivain(s): Henrietta Rose-Innes Edition: Zoe

 

Curieux roman que celui d’Henrietta Rose-Innes. Elle nous avait surpris avec son Ninive, qui traitait d’une invasion insidieuse d’insectes destructeurs, dé-bâtissant, grignotant les fondations mêmes érigées par l’homme. Cette fois encore, l’histoire se déroule en Afrique du Sud, au Cap, territoire des derniers lions géants à crinière noire. Que s’est-il exactement passé entre Mark, l’homme-gardien-soigneur (?) et Dmitri, le grand lion mâle, pour que celui-ci l’agresse et le mutile ?

Appelé par Margaret, la mère de Mark, Stan, son ami d’adolescence – disponible à tous les sens du terme – prend sans qu’il n’y paraisse ni qu’il lui paraisse, la place de Mark, qu’il n’a pas revu depuis des années, séparé de lui par un drame, auprès de Sekhmet, la lionne solitaire depuis que Dmitri a été abattu. Mark et Stan, interchangeables que tout, pourtant, sépare et séparait déjà du temps de leur adolescence : Stan, négatif de Mark qui, pour plaire à Mark s’était inventé une vie aventurière et un courage et des défis qu’il n’aurait pu tenir jusqu’au bout, jusqu’au but.

Au revoir Monsieur Friant, Philippe Claudel

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 08 Février 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Stock

Au revoir Monsieur Friant, novembre 2016, 83 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Philippe Claudel Edition: Stock

Ecrin de souvenirs, ce petit « roman » de Philippe Claudel, pré-texte à peindre, en demi-teintes, son passé.

Pourquoi ce titre ? Pourquoi ce peintre qui suit tellement Philippe Claudel qu’il pourrait coller à lui comme une ombre ? Mais, ce n’est pas tout : pourquoi cet « au revoir » ? Nous le saurons à la fin, quand le quitteront (?) ses souvenirs, légers comme un rire de jeune fille : « (…) pour courir enfin vers son amoureux qui, avant de partir à la guerre, l’attend là-bas, le chapeau sur la nuque, près de l’eau, dans cette fin d’été doré, sur une frêle passerelle de fer, alors qu’elle songe en riant que la vie sera pour elle un grand bouquet de roses » (p.78-79).

Mais aussi, des souvenirs lourds comme le pas titubant d’un homme ivre… Il n’est pas insignifiant non plus que la couverture de Quelques-uns des cent regrets soit encore un des portraits faits par Friant… recouvrement, poursuite : cette femme à la fois âgée et sans âge, accroupie en bord de falaise, dont la main pensive se souvient, résume ce livre-ci, le dit, le contient : une jeune fille, devenue vieille, vieille et lourde du temps qui passe, vieille et lourde de ses souvenirs, curieusement vivante par cette main qui retient et se retient, s’assied, et regarde en elle au bord du vide qui l’attire, et l’emplit toute. Elle balance et soupèse lourdement son passé.

Une nuit, Markovitch, Ayelet Gundar-Goshen

Ecrit par Anne Morin , le Jeudi, 02 Février 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Israël, Roman, Presses de la Cité

Une nuit, Markovitch, août 2016, trad. hébreu Ziva Avran, Arlette Pierrot, Laurence Sendrowicz, 476 pages, 23 € . Ecrivain(s): Ayelet Gundar-Goshen Edition: Presses de la Cité

 

Yaacov Markovitch, le transparent, celui qu’on ne voit pas, qu’on ne remarque pas, sur qui les regards glissent, n’a qu’un ami, Zeev Feinberg, son opposé : Si Yaacov est mince, fluet, insipide, pâle aux yeux pâles et se fond dans le paysage, Zeev est un colosse à moustache luxuriante, grand amateur de femmes :

« Yaacov Markovitch, pour vous servir !

(…) Bref, son intervention tomba comme un cheveu sur la soupe. Le lieutenant-commandant le toisa d’un regard identique à celui du médecin de campagne qui examine un prélèvement de selles, puis reprit le fil de sa conversation » (p.36).

Le premier est prêt à tout pour son seul ami, le seul qui l’ait remarqué et pour qui il donnerait sa vie. Après avoir été surpris par le mari de Rachel, boucher grand égorgeur de moutons, Feinberg et Yaacov qui a tenté de détourner l’attention du mari sont expédiés de toute urgence en Europe par le lieutenant-commandant ami de Feinberg. Nous sommes au temps de la montée du nazisme, des Juifs célibataires sont envoyés en Europe pour y épouser – en mariage blanc – et ramener en Palestine de jeunes femmes Juives européennes.

Les vies de papier, Rabih Alameddine

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 28 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays arabes, Roman, USA

Les vies de papier, Les Escales, août 2016, trad. anglais Nicolas Richard, 330 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Rabih Alameddine

 

Une traductrice qui, après avoir été libraire, ne publie pas ses traductions, qui les enserre jalousement dans « la chambre de bonne » de son appartement, et qui plus est, fait des traductions de traductions… si l’on replace le tout dans le Beyrouth traversé par toutes les guerres, souvent fratricides, on aura une vue assez panoramique de ce roman :

« Je choisissais de mourir dans mon appartement plutôt que de vivre sans. Dans les marges du matin, je m’accroupissais derrière ma fenêtre et observais les thanatophiles adolescents avec des semi-automatiques qui, tels des cafards, couraient en zigzags. Le clair de lune sur le canon des fusils de seconde main. Tandis que les nébuleuses des bombes éclairantes coloraient les cieux en indigo, je voyais les étoiles cligner avec incrédulité face à l’orgueil démesuré qui faisait rage en bas, sur la terre ferme » (p.40).

« Quand les seigneurs de guerre ont achevé leur interlude quelques jours plus tard, je me suis sentie protégée entre les quatre murs de mon appartement, veillant avec la kalachnikov proche de ma poitrine.

Aaliya l’élevée, la séparée » (p.58).