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Articles taggés avec: Gavard-Perret Jean-Paul

Les après-midi d’hiver, Anna Zerbib (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 13 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Les après-midi d’hiver, Anna Zerbib, mars 2020, 176 pages, 16,50 € Edition: Gallimard

 

L’hiver et après

Et si dans une vie ce qui comptait était plus le trajet que le but ? Après tout, les grands romans, du Rouge et le Noir à L’Etranger, le prouvent. Et Anna Zerbib le souligne presque naturellement par sa fiction.

Pour la présenter, elle écrit : « C’était l’hiver après celui de la mort de ma mère, c’est-à-dire mon deuxième hiver à Montréal. J’ai rencontré Noah et j’ai eu ce secret. Tout s’est produit pour moi hors du temps réglementaire de la perte de sens ». Et d’ajouter une peu plus loin : « Pour le secret, je ne suis pas certaine, il était peut-être là avant, un secret sans personne dedans ».

Mais il s’agit pour l’héroïne de réapprendre à vivre, sans rester prisonnière de la saumure de la mort de la mère, et de rallumer l’existence de diverses flammèches.

Le Chant du poulet sous vide, Lucie Rico (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 04 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Contes, P.O.L

Le Chant du poulet sous vide, Lucie Rico, mars 2020, 252 pages, 18,90 € Edition: P.O.L

 

Des poulets et des hommes : Lucie Rico

Dans la fable écologique de Lucie Rico, la révolte sourde gronde. Sous les cerisiers parés de blanc, le rouge est mis, comme si le temps de leurs fruits ils allaient se gonfler de sang. Si bien que l’histoire tourne au conte fantastique et horrifique. Il n’est pas sans rappeler le Truismes de Marie Darrieussecq, paru naguère chez le même éditeur.

Au cochon, fait place la poulette. Paule a pour mission de les élever pour les tuer au moment où l’héroïne doit reprendre l’élevage maternel. Tentant de sauver ce qui peut l’être, elle est embrigadée en une aventure que l’auteure construit (dit-elle) « de la même manière que le marketing fabrique des contes, jusqu’à nous faire croire que les animaux que nous mangeons sont d’adorables bêtes, saines et dévouées, avec lesquelles nous avons une relation ».

Aby Warburg, Der Bilderatlas Mnemosyne (The Original), Roberto Ohrt, Axel Heil (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 27 Avril 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Langue allemande

Aby Warburg, Der Bilderatlas Mnemosyne (The Original), Roberto Ohrt, Axel Heil, éd. Hatje Cantz, Berlin, 2020, 184 pages, 200 €

 

Aby Warburg : La Science de l’image

I

Depuis Platon on affirme que l’image est mauvaise. Elle séparerait de l’être. Ne donnerait de lui qu’une apparence et non un apparaître. Or toute image est apparition. Néanmoins beaucoup d’historiens de l’art restent des platoniciens : Jacques Lanzmann en est l’exemple parfait. Il est l’envers du plus grand penseur du XXème siècle de l’image : le nietzschéen Aby Warburg.

Face aux philosophes il a posé les questions essentielles : le vrai témoin est-ce l’image ? L’image est-ce le seul témoin ? Tout le reste est spéculation. Warburg a donc introduit un speculum dans le mental des fornicateurs des icônes. Son atlas – Mnémosine – est la balustrade qui surplombe l’histoire de l’art.

Ville ou jouir, et autres textes navrants, Christophe Esnault (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 24 Avril 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions Louise Bottu

Ville ou jouir, et autres textes navrants, mars 2020, 164 pages, 14 € . Ecrivain(s): Christophe Esnault Edition: Editions Louise Bottu

 

La ville et ses fantômes

Christophe Esnault s’élève entre autres et à sa manière contre les impostures de la poésie et de son édition dans un livre où sans s’engendrer les uns les autres, les textes se complètent.

Certains diront que les hallucinations sont innombrables là où l’auteur n’a rien d’un petit soldat. Ils peuvent même penser que son Cogito est percé de trous. Mais c’est qu’une illusion de ceux qui ne connaissent pas la nuit et préfèrent la poésie qui ne fait pas de plis.

Esnault dessine ici un cheminement, une dérive. Il ne croit pas à la solidarité ni que l’amour domine le monde. D’où son « besoin vital de se retrouver seul(e) ». D’autant qu’il a une certitude : il ne vaut pas mieux que les autres. Ce qui ajoute de la valeur à ce qu’il écrit.

Ret Samadhi, Au-delà de la frontière, Geetanjali Shree (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 16 Avril 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Asie, Roman

Ret Samadhi, Au-delà de la frontière, Geetanjali Shree, Editions Des femmes mars 2020, trad. Hindi, Annie Montaut, 372 pages, 25 €

 

Geetanjali Shree : l’aventure humaine

Au moment où la voûte du vent emporte des vaines, de vulnérables vagues, à la voile du vide, et que vocifèrent les tempes, les héroïnes du roman de Geetanjali Shree vont sans vacarme. Invisibles ou presque, elles se moquent des vétilles à verrouiller dans une vie qui avance contre tempêtes et marées.

L’auteure répond à cet aujourd’hui où s’affole la peur. Stefan Zweig l’a bien mis en évidence dans Vingt-quatre heures de la vie d’une femme : « La plupart des gens n’ont qu’une imagination émoussée. Ce qui ne les touche pas directement, en leur enfonçant comme un coin aigu en plein cerveau, n’arrive guère à les émouvoir ; mais, si devant leurs yeux, à portée immédiate de leur sensibilité, se produit quelque chose, même de peu d’importance, aussitôt en eux bouillonne une passion démesurée. Alors ils compensent, dans une certaine mesure, leur indifférence coutumière par une véhémence déplacée et exagérée ».