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Articles taggés avec: Gavard-Perret Jean-Paul

Lettre à René Char sur les incompatibilités de l’écrivain, Georges Bataille (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 04 Novembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Correspondance, Essais, Poésie, Fata Morgana

Lettre à René Char sur les incompatibilités de l’écrivain, Georges Bataille, septembre 2019, 48 pages, 12 € Edition: Fata Morgana

 

Cette lettre permet de comprendre la relation qui n’allait pas forcément d’elle-même entre Bataille et Char. D’un côté l’obscur des profondeurs, de l’autre une certaine clarté du paysage et de ceux qui l’habitent. D’un côté l’existentialisme et l’absurde, de l’autre les remugles messianismes du surréalisme « historique ».

Certes les deux se réclamaient de ce dernier mais selon une version dissidente plus juste que celle de Breton embrigadé dans certaines ruses et cécités. Ce dernier espérait beaucoup en Char mais n’attendait rien de Bataille. Les deux derniers éprouvent une sympathie mutuelle au nom à la fois d’une perception analogue des contradictions les plus vives qui régissent le monde et l’univers, et par ailleurs d’une douloureuse conscience de l’irrémédiable.

De quelle nuit, Maria Desmée (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 29 Octobre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions Henry

De quelle nuit, Maria Desmée, 2019, 94 pages, 8 € Edition: Editions Henry

La « comédie » humaine :

L’absence et le lointain qu’elle produit induisent une proximité. Sa sensation se répète depuis si longtemps que – si elle garde son étrangeté et demeure toujours l’expérience de la douleur – l’histoire à l’écriture de Maria Desmée qui trouve ici un « pas au-delà » de la nuit. Dans ses textes en brièvetés persévérantes, la souffrance sans disparaître vraiment change de cap grâce à l’analyse ou la poétique que l’auteure en tire en devenant ensemble non avec l’autre mais elle-même. La parole est toujours une parole échangée avec le vide, celui laissé par l’unique, sa disparition et son « occupation infinie » comme écrivit Blanchot. Mais peu à peu le fini fait retour, comme le dedans face au dehors. Bref la présence de l’absence libère. A l’avoir chéri si longtemps, à travers ses échos l’éloignement suit son cours. C’est peu, aurait pensé Maria, puisque si longtemps elle se serait contentée de moins. Mais si un amour espéré proche ne répondra plus jamais, la vie oppose l’écart de son écart. Et si le ton reste grave, dans ce chant en ses cassures la créatrice et recréatrice d’elle-même sort de son cercle vicié. L’existence ne tourne plus sur elle-même, elle s’étend. Preuve que vivre n’est pas survivre mais sur-vivre à ce qui était jusque-là un mouvement de suppléance. Parler revient à clouer le bec à qui s’est tu et retiré et qui dans son silence ne cessait d’appeler.

Écrits stupéfiants, Drogues & littérature d’Homère à Will Self, Cécile Guilbert (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 17 Octobre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Robert Laffont

Écrits stupéfiants, Drogues & littérature d’Homère à Will Self, Cécile Guilbert, septembre 2019, 1440 pages, 32 € Edition: Robert Laffont

 

Drogue et Littérature ou les poisons du rêve

Entre enfer et paradis, produit et dose, Cécile Guilbert rappelle que la drogue offre une dualité. Il y a là extase et souffrance. Les adjuvants illicites font sombrer mais aussi ils sont capables d’ouvrir des portes (particulièrement les psychédéliques). La drogue est donc souvent au seuil de la littérature et ce, depuis la poésie védique et donc quasiment les origines de l’humanité. Mais les écrivains s’en servent véritablement beaucoup plus tard.

Cécile Guilbert nous rapproche de lieux étranges voire – comme Michaux – des « rencontres avec les Dieux », bref d’un ailleurs inatteignable – source de savoir ou paradis. La mesure de l’être est donc métamorphosée par le « poison noir » de l’Opium qui provoque « la rencontre de Pommard et du Pernod » selon Cocteau qui est bien plus qu’un dandy de la drogue auquel il fut réduit. La drogue est souvent une esthétique qui dilate le temps. Et Cécile Guibert fait le tour de la question dans une classification judicieuse abondamment illustrée de textes significatifs.

La science sociale comme vision du monde, Wiktor Stoczkowski (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 07 Octobre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Gallimard

La science sociale comme vision du monde, septembre 2019, 640 pages, 26 € . Ecrivain(s): Wiktor Stoczkowski Edition: Gallimard

 

L’anthropologue Wiktor Stoczkowski prouve dans un essai déstabilisant combien Durkheim est le symptôme d’une pensée qui – sous couvert de rationalisme – en devient le contraire. Pour autant, l’auteur de ce brillant essai ne met pas en pièce la pensée de cet « Emile » (très peu rousseauiste) mais uniquement sa manière de forger une idéologie particulière. Elle se fonde contre William James. Leurs deux systèmes ont fondé deux visions opposées de la société. Chez Durkheim, elle devient « neurasthénique proposée par un neurasthénique » Wiktor Stoczkowski, qui par delà le cas précis de l’inventeur de la sociologie offre un point précis sur les sciences sociales naissantes et leurs explications. Elles créent des sortes de théories laïques de salut qui prendront – hélas – toutes leurs forces au XXème siècle en remplaçant Dieu par l’homme rouge ou brun…

Du Délire, Claire Von Corda (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Dimanche, 15 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Du Délire, Claire Von Corda, Black Coat Press, Rivière Blanche, juin 2019, 244 pages, 20 €

 

Claire Von Corda a commencé sa vie littéraire avec Lorem-Ipsum, une revue d’art pluridisciplinaire dont, selon ses créateurs, « son utilité n’a pas encore été déterminée avec exactitude, ni sa durée de vie, et pas davantage sa périodicité ».

Pour autant l’auteure a trouvé une première piste d’envol et donne aujourd’hui son livre le plus abouti.

Claire Von Corda élargit une scène première, un moment zéro – ou premier – pour l’ouvrir à une scène cosmique entre le trop plein et un certain néant. La chambre de l’intime et la galaxie ne font qu’un entre « mère Electricité » et « sœur Vitesse » qui semblaient recomposer le monde. Il y eut en conséquence un soir, un matin : voire plus – une semaine pour les amants. Avant que le monde ne soit plus ce qu’il pouvait donner et que les naïfs pouvaient espérer. La faute n’est pas aux amoureux mais ils sont les victimes consentantes d’un tel advenir.