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Articles taggés avec: Chauché Philippe

Entretiens avec Alain Veinstein, André du Bouchet

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 12 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, L'Atelier Contemporain

Entretiens avec Alain Veinstein, André du Bouchet, L’Atelier Contemporain et l’INA, janvier 2016, 128 pages, 20 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

« Or, la langue ne relève pas de notre choix personnel, c’est notre point de départ, le matériau dont nous disposons, et il y a un mouvement qu’il s’agit de renverser : ne pas aller dans le fil de ce qui se détruit à chaque instant sous nos yeux, mais, tenant compte de ce qui est détruit, tâcher dans l’instant de renverser le mouvement et d’édifier quelque chose ».

Il s’agit bien de cela, de deux édificateurs, deux architectes de la langue qui se rencontrent. L’un, poète, loin du tumulte, des honneurs et des horreurs, dans la perspicacité de la langue, dans sa vibration profonde, dans sa nette simplicité, accordée à l’espace, à la terre, au sol : …chute de neige, vers la fin du jour, de plus en plus épaisse, dans laquelle vient s’immobiliser un convoi sans destination – je tiens le jour… La paupière du nuage porteur de la neige se levant, je me retrouve inclus dans le bleu de l’autre jour*. L’autre, interviewer sur France Culture, pour L’Autre Journal (qui fut une bien belle aventure) et Libération, mais aussi poète et écrivain.

Infini, L’histoire d’un moment, Gabriel Josipovici

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 05 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Quidam Editeur

Infini, L’histoire d’un moment, janvier 2016, trad. anglais Bernard Hoepffner, 164 pages, 18 € . Ecrivain(s): Gabriel Josipovici Edition: Quidam Editeur

 

« La racine du mot inspiration est le souffle, a-t-il dit, et toute la musique est faite de souffle. Si j’ai donné quoi que ce soit à la musique, a-t-il dit, c’est lui rendre la conscience de l’importance de respirer, de la respiration. On l’appelle ruach en hébreu, et avec ce ruach Dieu a créé le monde et avec ce ruach Dieu a créé Adam, et c’est ce ruach qui nous fait vivre et aussi qui fait de nous des êtres spirituels ».

Infini est le roman d’un compositeur de notre temps, le portrait d’un musicien, Tancredo Pavone, révélé par Massimo, son ancien homme de confiance, son majordome. On découvre sa vie et sa musique, ses musiques, ses écarts, ses amours, ses envolées, ses passions – Purcell mais aussi Bach et Mozart, leurs petites oreilles écoutaient les sons intérieurs et pas les sons extérieurs – ses fictions sonores et ses frictions musicales – Schoenberg était un vrai musicien, a-t-il dit, mais il a été un désastre pour la musique. Schoenberg, a-t-il dit, a ramené la musique cinquante ans, sinon cent ans en arrière. Pavone compose au cœur de l’Europe, entre Londres, Monte-Carlo, Paris et Vienne, au centre de cette Europe qui vibre, puis se désaccorde dès les années 30 en Allemagne puis en Italie, alors il choisit la Suisse comme ligne de fuite.

Dolmancé, Thibault Biscarrat

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 20 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Dolmancé, éd. Abordo, octobre 2015, 148 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Thibault Biscarrat 

 

« Ma vie ne fut qu’éclat, abîme, au cœur de la toile, derrière ces longues draperies qui séparent notre regard de ce dernier royaume. Ma vie n’est qu’une prière pour un Dieu absent ou non révélé ».

Dolmancé est un livre minuscule, une arme légère prête à servir, une grenade littéraire qui ne demande qu’à être dégoupillée, nourri du sang littéraire de Sade et Lautréamont. Les deux écrivains du risque absolu hantent les hauteurs de ce roman. Dolmancé est une aventure littéraire des sommets, des aiguilles arides, des précipices, du déséquilibre, de l’essoufflement où le lecteur se risque à chaque page. Dolmancé, au talent de diamant brut, semble la proie d’une frénésie, d’un mystère, est insaisissable, ils sont légion à en témoigner et le livre en porte les traces acérées : ses femmes, la Consolatrice, le journal intime d’Emeline, et le carnet de Dolmancé, cette colonne vertébrale du roman aux éclats tranchants comme des poignards.

« J’assigne au lieu des vocables, des phonèmes, j’assigne au temps une nouvelle grammaire. Mon présent est un futur à l’abandon : organique pensée de la matière, humus, corps, viscères que j’offre aux saisons ».

L’état du monde selon Sisco, Pascal Louvrier

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 12 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Allary Editions, Roman

L’état du monde selon Sisco, janvier 2016, 200 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Pascal Louvrier Edition: Allary Editions

 

« Les spectateurs pénètrent dans le ventre de la baleine, ils sont Jonas. Le verre sublime le génie du compositeur. Le rouge des parois, l’aluminium moulé, c’est l’écrin de mes songes.

Mon nom à présent peut s’effacer ».

L’état du monde selon Sisco est le roman d’un architecte, de l’art de l’architecture, de son monde, celui qu’il invente tous les jours crayons à la main, mais aussi celui de la dévastation annoncée, des résistances timides ou foudroyées. Marc Sisco est un architecte choyé, un artiste de la courbe, du verre, du béton, de l’aluminium, de la suspension, de l’espace conquis, du mouvement. Après des années de recherches, de lignes et de traces, de calculs, il se voit choisi pour construire ce qui s’annonce comme son chef-d’œuvre, le T40, le nouvel opéra de Venise, un défi à l’espace et au temps. Tout semble sourire à l’architecte romantique, il vagabonde à Paris et à Venise. Son univers : ses dessins, ses équations, son bureau, sa Ferrari, ses cigares. Tout sourit à l’éternel insoumis, sauf l’état du monde, son monde qui se fissure et celui qui l’entoure qui s’effondre.

Obsessions, Jean-Jacques Schuhl

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 06 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Obsessions, 160 pages, 15,90 € . Ecrivain(s): Jean-Jacques Schuhl Edition: Gallimard

 

« …c’était la terre, la terre avec ses bruits, ses passions, ses commodités, ses fêtes ; c’était une terre riche et magnifique, pleine de promesses, qui envoyait un mystérieux parfum de rose et de musc, et d’où les musiques de la vie nous arrivaient en un amoureux murmure » (Déjà !, Charles Baudelaire).

Le Ghost writer est de retour. L’écrivain fantôme, qui n’écrit presque pas, dont la présence est fantomatique, glisse sous nos yeux et y dépose Obsessions, un recueil de nouvelles, que l’on peut lire comme un roman fragmenté. Dandy rêveur, témoin complice d’artistes et d’anonymes qu’il a croisés au hasard de ses escapades romanesques, Jean-Jacques Schuhl se délecte d’associations d’idées, mêle souvenirs, visions, situations, rues et villes mots qui s’ouvrent comme une boite à malices, pour faire naître ses envolées romanesques, un peu comme dans les vieux films de Raoul Ruiz – Entrée des fantômes – avec le même sérieux amusé, la même gourmandise pour raconter des histoires à faire sourire les enfants et éloigner le néogâtisme gélatineux qu’épingle le Pataphysicien Daniel Accursi.