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Deux livres de Ernest Pignon-Ernest et André Velter

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 13 Novembre 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

 

Pour l’amour de l’amour, Figures de l’extase, Ernest Pignon-Ernest, André Velter, Gallimard, octobre 2015, 176 pages, 35 €

Dans la lumière déchirante de la mer, Pasolini assassiné, Ernest Pignon-Ernest, André Velter, Karin Espinosa, Actes Sud, novembre 2015, 80 pages, 25 €

 

« Elles étincellent à force d’être livides. / Elles sont au monde pour se libérer du monde. Elles souffrent d’une famine qui creuse plus que la faim. / Elles s’inventent un ciel infernal qui a un goût d’azur calciné ».

Casanova l’aventure, Alain Jaubert

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 07 Novembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Casanova l’aventure, septembre 2015, 304 pages, 20,50 € . Ecrivain(s): Alain Jaubert Edition: Gallimard

 

« Il écrit sa vie en la vivant. Son écriture, c’est sa parade quotidienne, l’entrecroisement de toutes les combinaisons, la musique des histoires. Un art de vivre polyphonique ».

« Ma vie est ma matière, ma matière est ma vie ».

Si l’histoire de Casanova est un roman, celle de ses Mémoires, baptisées l’Histoire de sa vie, le sont tout autant. Jusque dans les années soixante du siècle dernier, on ignorait que ce manuscrit en français n’attendait qu’à revivre. Histoire de ma vie se trouvait en la possession des descendants de Friedrich Arnold Brockhaus, un éditeur qui avait aussi en son temps publié Le Monde comme volonté et comme représentation d’Arthur Schopenhauer. Il a donc changé de main et de pays, et il est désormais l’heureuse propriété de la Bibliothèque Nationale de France. Des mécènes anonymes et visionnaires, comme ceux qui ont un jour aidé le vénitien, ont fait ce qu’il convient toujours de faire, pour que le manuscrit retrouve une place de choix en belle compagnie. Histoire de ma vie est désormais placé sous la protection de la BNF, où il retrouve Voltaire, et c’est heureux. Avant cette découverte exceptionnelle, les lecteurs français de l’aventurier philosophe devaient se contenter d’une douteuse traduction de l’édition allemande, d’une adaptation tout aussi trompeuse, mais désormais ce qui a été vécu, pensé et écrit par Giacomo peut être lu en français, sa langue d’adoption, la langue de l’aventure (1).

Mémoires d’outre-mer, Michaël Ferrier

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 30 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Mémoires d’outre-mer, août 2015, 352 pages, 21 € . Ecrivain(s): Michaël Ferrier Edition: Gallimard

 

« Ces gens étaient des aventuriers, des Outre-mer. Ils venaient de loin, de l’Inde, ou de l’Afrique, d’Europe ou bien de Chine, ils venaient de bien plus loin encore sur l’éperon de leur désir ; ils arrivaient de toujours, ils s’en allaient partout ».

En mémoire de Jean-Pierre B. qui n’aura pas eu le temps de le lire.

Les grands romans sont des cyclones. Ils s’annoncent par des frémissements, de légers bruissements, quelques vibrations, et par contamination romanesque, ces courants d’air chaud prennent force et vigueur, ils se lèvent comme une vague, déferlent et multiplient éclairs et éclats, et deviennent le mouvement même du roman. Mémoires d’outre-mer est un cyclone littéraire, un art du souffle, l’histoire d’un homme du vent, d’un homme volant, libre, qui survole une île et une époque, et qui se joue des trahisons de l’Histoire.

Le Goût du divin, Franck Aria

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 22 Octobre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Edilivre

Le Goût du divin, juin 2015, 118 pages, 13 € . Ecrivain(s): Franck Aria Edition: Edilivre

 

« Que vienne la grande Musique, celle dont on s’éprenne, la belle, la vraie, celle de Bach à Coltrane, de Mozart, de Stravinski, de Vivaldi à Miles, cette merveille qui chaque jour promet du jouir en combattant les peines, offre du libre à penser, éveille à la pensée et au recueillement de l’être. Un chef d’œuvre ne s’épuise jamais ».

Le Goût du divin est le livre de ce désir, désir de musique, du divin, désir d’amour, mais aussi et c’est fort heureux désir de croiser la plume, comme l’on croise le fer avec la Réforme, le Diable et ceux qui s’en réclament. Le Goût du divin chemine aux côtés d’écrivains vivants, qu’ils n’aient plus ouvertement donné signe de vie ne change rien à l’affaire, ils sont là, et bien là : Voltaire, De Maistre, Faulkner, mais aussi Dante, Pascal, tour à tour saisis par le divin et son art, qui n’est pas étranger à leur style – ce nectar de la pensée. Franck Aria est aussi un lecteur attentif de Philippe Sollers – La guerre du goût –, des scissionnistes de Ligne de Risque* et de Stéphane Zagdanski qui l’accueille parfois dans sa librairie**. Il sera donc question du religieux, du divin, de sa musique, de sa joie, et de ses divines occupations, c’est l’un des enjeux du Goût du divin, qui s’emploie également à retourner Luther, comme l’on retourne une mauvaise carte.

Pas Liev, Philippe Annocque

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 15 Octobre 2015. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Quidam Editeur

Pas Liev, octobre 2015, 152 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Philippe Annocque Edition: Quidam Editeur

 

« Pendant un instant, Liev a eu envie de demander à Monsieur Hakkell d’autres factures à recopier. Mais c’était idiot. S’il y avait eu d’autres factures à recopier, Monsieur Hakkell les lui aurait apportées avec les premières. Et puis il ne fallait pas faire ça, demander d’autres factures à recopier ; ce n’était pas son travail, à Liev ; il avait été engagé comme précepteur, c’était pour ça qu’il était venu ici ».

Pas Liev est un roman étrange, troublant, troublé et racé. Etrange, l’histoire de Liev, répondant à la demande d’un précepteur à Kosko, après un périple en autobus dont on ne saura rien, il arrive à pied dans ce domaine, où il pense qu’on l’attend. Région, village et domaine imaginaire, comme le sont ceux qui l’habitent, des fantômes ? Il n’y a pas d’enfants pour le moment à Kosko, Liev va donc être employé à recopier des factures. Puis on apprend au détour d’une phrase – Il est rare que la réalité coïncide parfaitement avec l’idée que l’on s’en fait – que Liev s’est fiancé avec Mademoiselle Sonia. C’est vrai qu’ils ont fait une ballade à vélo – Sonia roulait plus droit, ses genoux ne s’écartaient pas du cadre et la jupe de part et d’autre de la selle, c’était joli –, que leurs regards se sont croisés, mais nous n’en saurons pas plus.