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Articles taggés avec: Chauché Philippe

Les Bourgeois de Calais, Michel Bernard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 16 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La Table Ronde

Les Bourgeois de Calais, août 2021, 192 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde

 

« Le sculpteur continuait d’appuyer les pouces dans la glaise, de l’évider, l’amincir et la renfler du bout des doigts, y planter les ongles pour en extraire des rognures. À la surface, les ombres frémissaient, se déplaçaient ».

« Il flairait l’odeur du plâtre frais, et du bout de l’index sentit un reste d’humidité. Il faillit le porter à la bouche. Il revint à son dossier et reprit sa lecture, jetant de temps à autre un coup d’œil sur la maquette blanche qui venait de bouleverser l’univers familier de son bureau ».

Les Bourgeois de Calais ne pouvaient rêver meilleure évocation de leur histoire, de leur destin, et de leur seconde naissance. On ne pouvait rêver meilleur roman de la naissance de ce bronze devenu une légende et celui des hommes de passion qui l’ont inspiré et voulu. Les Bourgeois de Calais est le roman d’une passion, il vibre, et s’enflamme, comme l’était Le Bon cœur, cet admirable roman sur Jeanne d’Arc. C’est le livre d’une rencontre unique entre Auguste Rodin, géant aux mains magiques, à la vision éternelle, et à l’imagination rayonnante, et Omer Dewavrin, notaire et maire inspiré de Calais.

L’art de naviguer, Antonio de Guevara / L’art de faire naufrage, Pierre Senges (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 09 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Récits, Roman

L’art de naviguer, Antonio de Guevara, trad. espagnol, annoté, postfacé, Catherine Vasseur / L’art de faire naufrage, Pierre Senges, éditions Vagabonde, avril 2021, 208 pages, 18,50 €

 

« La galère offre à celui qui s’y embarque le privilège d’être privé de conversation féminine, de mets délicats, de vins odorants, de parfums stimulants, d’eau fraîche et de bien d’autres délicatesses semblables qu’il pourra désirer à loisir sans jamais pouvoir en jouir » (L’art de naviguer).

« … les écrits de Guevara s’affranchissent continûment du devoir de vérité que lui imposait, en principe, son statut de lettré. Les manquements à la vérité deviendront du reste sa signature la plus éclatante dans la mesure où ils assureront sa renommée d’auteur indigne » (L’art de galérer).

Antonio de Guevara est secrétaire personnel et homme de confiance de Charles Quin, empereur d’Espagne depuis 1520, prédicateur royal, historiographe, lorsqu’il fait publier en 1539 L’art de naviguer, l’Arte de marear en castillan. Le siècle d’Antonio de Guevara, est d’or (1) depuis 1492, comme son style brillant, piquant et ironique.

Une année de solitude, Didier Ben Loulou (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 03 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits

Une année de solitude, Arnaud Bizalion Éditeur, mai 2021, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Didier Ben Loulou

 

« Jusqu’à quel âge se sent-on immortel ? Sûrement jusqu’à ce que tu ne puisses plus avancer ni sentir les “onze encens de la beauté du monde” ».

« Être à Jérusalem, c’est avoir choisi d’être définitivement dans la rupture ».

« Tu es accompagné, lors de ton dîner ce vendredi soir, par un petit bouquet de fleurs sauvages qui poussent un peu partout en abondance : fleurs jaunes et oranges, capucines et mimosa. Elles tiennent conversation à ton âme et la tendresse de leurs pétales te fait sentir que la vie ne tient qu’à un souffle ».

Une année de solitude, c’est une année passée à écrire, à lire, à écouter, à parler, à photographier, une année virale qui semble durer un siècle. Une année qui s’ouvre un 12 janvier froid à Paris, un jour sans éclat, où les mots et l’amour s’envolent, les uns reviendront, l’autre qui le sait. Une année qui s’achève un an plus tard par une citation d’Hölderlin : Mais toi, tu es né pour un jour limpide. Une année de solitude à Jérusalem, ce lieu hors de tout, intermédiaire entre ciel et terre ; parfois cloîtré dans son bureau, sur sa petite terrasse, parfois arpentant comme il le fait depuis des années les rues de la vieille ville et ses collines.

Mon maître et mon vainqueur, François-Henri Désérable (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 26 Août 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Mon maître et mon vainqueur, août 2021, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): François-Henri Désérable Edition: Gallimard

 

« Le ravissement a deux acceptions : celle d’enchantement, de plaisir vif, mais celle aussi d’enlèvement, de rapt. Et c’est précisément cela que depuis quelque temps Tina éprouvait, le sentiment d’être enlevée à sa propre vie : celle d’une femme qui aimait un homme, qui lui était fidèle, et qu’elle allait épouser ».

Mon maître et mon vainqueur est un roman d’amour vif, éclairé de ravissements dans ses acceptions. Un roman de raisons, et de déraisons, un roman où le narrateur témoigne devant un juge d’instruction et son greffier, de ce qu’il sait de son ami Vasco, et de Tina qui sera le centre tellurique de cette passion. Vasco, interpellé pour avoir tiré, sans grandes conséquences, sur son rival Edgar, qui épousait Tina, alors qu’il voulait ne pas cesser de la posséder, tiré avec le revolver acheté lors d’enchères fantasques, que braqua Verlaine sur Rimbaud, tout un roman ! Une histoire d’amour qui saisit Tina et Vasco et qui ne cesse de bouleverser Edgar.

La Dame au cabriolet, Guiou & Morales (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 19 Août 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Serge Safran éditeur

La Dame au cabriolet, Guiou & Morales, juillet 2021, 160 pages, 16,90 € Edition: Serge Safran éditeur

 

« Mon cœur battait si fort que j’étais en apnée. Il faudra que je consulte mon cardio. Je ne pouvais plus respirer, plus parler, plus déglutir. J’irai voir aussi mon ORL. J’entrai dans le bureau. Ils gisaient là tous les trois, étalés à même le sol dans une mare de sang. En faisant rapidement le déroulé des opérations, j’arrivai à la conclusion qu’ils ne s’étaient pas mis d’accord. J’ai oublié d’être conne ».

Dominique Guiou et Thomas Morales ont réussi un réjouissant petit roman policier écrit à quatre mains et à mille idées, inventant par la grâce du roman un privé : une Dame au cabriolet. Yvonne Vitti n’est pas de son temps, mais d’une autre époque, celle des chansons italiennes que plus personne n’écoute et des voitures décapotables fumantes et pétaradantes, qui énervent les écologistes, elle roule au volant d’une Saab cabriolet jaune citron sans âge, et celle des films aux répliques pétillantes et piquantes. On imagine sans mal Yvonne Vitti face à Jean-Pierre Marielle sous l’œil amusé de Philippe de Broca, une héroïne comme le cinématographe, aujourd’hui trop occupé à s’auto-célébrer, n’ose plus en inventer.