Au bout de la route… : massacrés gisant partout dans une fétide gangue de terre fangeuse à jamais délavée par les brouillards. Des cadavres sont agglutinés là, prostrés et figés, enfouis en unités disparates et confuses dans des substrats de glaises ténébreuses. Sous les couches spongieuses de ce terreau partout chamboulé et recouvert de répétitifs leurres sédimentaires, s’entassent ou s’entrecroisent parmi les éclats d’acier indestructibles leurs restes humains entrechoqués, disloqués, éparpillés. Les têtes ne sont plus que des morceaux de crânes démolis, les bras et les jambes, des tibias et des fémurs aux délirantes fractures. Les chairs ne collent plus à eux. En cet état, leur nation, leurs proches ni même leur mère n’auraient pu les reconnaître.
Comme révulsée par leurs enfouissements indus dans sa matière putride et après cent ans encore, la terre indocile continue de les rejeter vers la lumière. Ne serait-ce pas d’ailleurs plutôt leur irréductible attirance vers les souffles de l’air libre qui les pousse obstinément à s’en extraire ? Ils refusent de dormir et leurs insomnies bruyantes perturbent notre sommeil. Pourquoi refusent-ils de se taire malgré tous nos efforts d’apaisement ?