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Ploutos, dieu du fric, Aristophane (Trad. Michel Host)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Avril 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Bassin méditerranéen, Théâtre, Mille et une nuits

Ploutos, dieu du fric. Trad. grec ancien, notes et postface Michel Host. 142 p. 4 € . Ecrivain(s): Aristophane Edition: Mille et une nuits

Qu’on se le dise à son de trompes d’Athènes à Wall Street : ce petit opuscule est – pour parler comme les personnages d’Aristophane « revisités » par Michel Host – à se tordre de rire, à se péter les boyaux. Une petite heure d’une récréation hilare, pleine de bonne santé mentale et de rage joyeuse.

Ploutos, dieu du fric, se fait détourner de ses devoirs d’obéissance aveugle (il est aveugle !) envers Zeus et entame une manif anti Zeus digne des luttes contre les p’tits chefs des maos de naguère ! Carion et La Toussaille, esclave et maître (mieux vaut les placer dans cet ordre s’agissant de comédie) rencontre un pauvre hère aveugle et sale. Or ce SDF (faisons comme Michel Host – l’anachronisme structurel) n’est autre que Ploutos, Dieu de l’argent – enfin du fric. Les deux bonshommes entreprennent alors de convaincre le dieu de s’affranchir de son sort affreux : il est condamné par sa cécité – infligée par Zeus – à n’accorder ses largesses financières qu’aux salauds (qu’il ne peut repérer étant aveugle !).

Voilà donc notre Ploutos installé chez La Toussaille. Grâce à Asclépios (dieu de la médecine) il retrouve la vue et s’engage à ne donner désormais le fric qu’aux gens de bonne volonté, négligés par le sort. Ce qu’il fait.

Siam, Lily Tuck

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 25 Mars 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, USA, Editions Jacqueline Chambon

Siam. Février 2012. Trad. USA Frédéric Joly. 222 p. 21 € . Ecrivain(s): Lily Tuck Edition: Editions Jacqueline Chambon

 

Voyage littéraire inhabituel mais assurément « Siam » est un voyage.

Lointain. Exotique. Dans une Asie du Sud-Est à peine post-coloniale, encore pleine des parfums des bungalows chics des occidentaux, des thés parfumés et des domestiques indigènes obséquieux. C’est Bangkok, en 1967, vrombissant déjà des envols lourds de menaces des bombardiers américains en mission vers le Vietnam du nord.

Comme un présage de la période noire qui s ‘ouvre, le livre commence par le départ de Claire vers la Thaïlande :

« Claire et James s’envolèrent de Boston pour Bangkok le jour de leur mariage. Vol de nuit qui dura presque vingt-quatre heures ; l’avion volant vers l’ouest ne rattrapa jamais le soleil. Il fit nuit tout le temps du voyage. »

Et pourtant, ce qui attend Claire, jeune femme fragile et émotive, c’est un vrai voyage : la découverte fascinante, obsédante, d’un pays qui la submerge de son étrangeté, de ses règles de comportement, de cette langue Thaïe qui s’apparente à des exercices de vocalises :

« Mai, mai, mai, mai – non, nouveau, brûle, bois »

La deuxième personne, Sayed Kashua

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Dimanche, 18 Mars 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, L'Olivier (Seuil), Recensions, Moyen Orient, Roman

La deuxième personne. Sayed Kashua. Trad. Hébreu Jean-Luc Allouche. L’Olivier février 2012. 356 p. 23 € . Ecrivain(s): Sayed Kashua Edition: L'Olivier (Seuil)

Qui, mieux qu’un Arabe israélien, peut se poser – et nous poser - la question de l’identité ? Pas seulement celle d’un citoyen arabe dans l’état d’Israël – ce serait intéressant mais un peu court – mais au-delà, de l’identité dans sa dimension la plus métaphysique.

Sayed Kashua nous raconte le destin de deux arabes israéliens – les destins plutôt, car il s’agit de deux trajectoires distinctes qui vont, en fin de compte, se croiser – dans une technique de construction qui n’est pas sans évoquer les films d’Alejandro Gonzalès Iñarritu.

L’un est « l’avocat » (on ne saura jamais son nom). Représentant type d’une moyenne bourgeoisie arabe israélienne, assurément attachée à ses racines et au destin de la Palestine, mais néanmoins citoyen israélien, loyal et – presque – fier de sa nationalité ! L’argent, la Mercédès noire, la belle maison, la piscine … Les rêves matériels (et symboliques) d’une middle class palestinienne d’Israël.


« L’avocat s’assura que sa fille avait bouclé sa ceinture à l’arrière de sa Mercédès noire, tandis que son épouse attachait le bébé dans sa Golf bleue. Hormis le jeudi, c’était sa femme qui conduisait leur fille à l’école et le bébé chez sa nourrice… »

Editorial : Un an déjà ! (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 08 Mars 2012. , dans La Une CED, Les Chroniques, Editoriaux


Un an. Aujourd’hui.

Un an que La Cause Littéraire a vu le jour et s’est installée sur le Net. C’est peu. C’est beaucoup : pendant ces quelques mois notre Cause s’est imposée tranquillement, et avec un dynamisme qui étonne tous nos observateurs – en vérité qui nous étonne un peu nous-mêmes ! -  dans le paysage de la critique littéraire. Par sa densité (près de 2000 articles déjà !), la qualité constante de sa production, la richesse et la diversité croissante de son équipe rédactionnelle, la Cause s’est fait une place, naturellement. 80 rédactrices et rédacteurs, dans la plus grande dispersion géographique, dans la plus grande variété de sensibilités, de goûts, de passions, de méthodes d’analyse. Le pari relève de l’acrobatie mais il est gagné, ou en train de l’être. Nous avons tenu promesse : La littérature, les littératures, sans chapelle, sans sectarisme, avec comme seules exigences la liberté des regards, la rigueur des approches, le refus des dogmes, et l’absence de complaisance envers les logorrhées écrites qui nous envahissent – sous le nom de littérature. La littérature n’est pas mondanité même si les mondanités l’ont souvent, plus ou moins, accompagnée !

Les champs de Bataille, Dan Franck (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 29 Février 2012. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Grasset

Les Champs de bataille. 29 février 2012. 280 p. 18 € . Ecrivain(s): Dan Franck Edition: Grasset

Dan Franck signe ici un livre comme on n’en fait plus guère ! Par les temps qui courent, de nivellement de la pensée, d’écrasement des enthousiasmes et d’abandon des idéaux humanistes, ce livre fait figure de pavé dans la mare inerte. Dan Franck tisse une œuvre à la gloire de Jean Moulin (bien sûr !) mais aussi et surtout à la gloire des grands élans qui l’ont porté, de victoire en victoire, au sein de la Résistance Française, jusqu’à la mort. Jusqu’à ce sombre jour, premier de l’été 1943, où des salauds (lequel ? Lesquels ?) l’ont donné au sinistre Barbie. A Caluire, dans la tristement célèbre salle d’attente du Docteur Dugoujon.

René Hardy, grand résistant, responsable du réseau Résistance-Fer, est le suspect N°1, le coupable le plus probable de la trahison. Jugé deux fois, deux fois il est acquitté, en 1947 (Albert Camus lui-même, dans Combat, lui apporta son soutien !) et en 1950. Pourtant le dossier était chargé et les preuves presqu’évidentes ! Opacité de l’histoire … L’affaire Jean Moulin restera sans dénouement. De Gaulle et les anciens de la France libre préfèreront lui offrir le Panthéon plutôt que la vérité !

Dan Franck ne se résout pas à ce choix lâche. Son roman (car ç’en est bien un !) est le roman du troisième procès de René Hardy, le roman du procès qui n’a jamais eu lieu. Un juge, à la retraite, noir sénégalais, rouvre le dossier et « convoque » René Hardy devant son tribunal, très exactement dans sa cuisine !