Identification

Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Pardon pour l’Amérique, Philippe Rahmy (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 06 Septembre 2018. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Récits, La Table Ronde

Pardon pour l’Amérique, août 2018, 320 pages, 22 € . Ecrivain(s): Philippe Rahmy Edition: La Table Ronde

 

Philippe Rahmy nous a quittés il y a un an. Il rentrait de son voyage en Floride profonde. Vient juste de paraître Pardon pour l’Amérique, un récit terrifiant. Nous avions, pour La Cause Littéraire, évoqué les vertus de Allegra et Monarques. L’acuité du regard de ce grand voyageur (à l’affût sensible des gens et de leur milieu) plonge à vif dans une Amérique meurtrie, et ses déglingues à quelques encablures de la jet-set. L’expérience à vif nous offre des tableaux inouïs de réalisme et d’horreur économique et sociale. Ainsi des ouvrières mexicaines, rabattues à grand renfort d’arguments spécieux, ramassent des tomates engluées de pesticides frais (une heure à peine après l’arrosage massif, alors que vingt-quatre heures au moins sont requises) : la Floride profonde, profonde de notre époque, se dévoile. Depuis 2004, les pesticides ont généré nombre de naissances à malformations dans les populations latinos. Ailleurs, des coups de fouet pour les ouvriers-enfants malhabiles ! Ailleurs, des prisons à perte de vue : 97% de détenus noirs y sont pour des délits mineurs (trafic de drogue…) ! Ah non, ce n’est pas l’Amérique selon Kerouac ou London. C’est retour à toutes blindes à celle de Steinbeck de 1939 (Les Raisins de la colère) !

Dans le vert des montagnes En cheminant avec Gaspard, Jacques Viallebesset

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 28 Août 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Contes, Poésie

Dans le vert des montagnes En cheminant avec Gaspard, éditions Entrelacs, janvier 2018, 82 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Jacques Viallebesset

 

Entre conte et récit raconté à la lumière de l’âtre, et dans l’esprit des beaux romans nature d’Henri Pourrat (1887-1959) et de l’un de ses héros fétiches, Gaspard, Jacques Viallebesset nous offre un beau brin de montagne et d’aventure retour dans le passé « chaumières, escapades au frais de la forêt, amitié et solidarité des pauvres ».

Son héros, dont le recueil donne à lire toute l’histoire, vit au vert, dans le vert de ces hauteurs suisses et autres, à « l’appel de la forêt » – London, ses trappeurs, ses neiges, ses forêts ombreuses, ne sont pas loin –, devient un proche familier du lecteur, au fil de ces très longs poèmes aux titres éclairants : « La forêt d’enfance », « Par monts… », « Batailles du haut pays »…

Il y est question de bandits qui dépouillent, de héros au grand cœur, de pauvres qui se portent les uns les autres.

Depuis une fissure, Elisa Biagini

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 21 Août 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Depuis une fissure, Cadastre8zéro, décembre 2017, trad. italien Jean Portante, Roland Ladrière, 208 pages, 13 € . Ecrivain(s): Elisa Biagini

 

Publié en langue originale par Einaudi en 2014, Da una crepa a obtenu en 2015 le Prix Marazza. Il vient d’en recevoir un autre (décerné par la revue Nunc) pour la traduction, remis officiellement lors du Marché de la poésie de Paris, Place Saint-Sulpice, ce printemps 2018.

En édition juxtalinéaire – italien/français – le livre de poèmes d’Elisa Biagini joue des formes économes (on ne va presque jamais au-delà des huit vers), d’une densité qui donne forme aux objets, aux images fortes (j’ai des chaises dans la poitrine), aux lieux faits d’angles, de tables, de chandelles.

La « fissure », l’échancrure (du cœur ? du corps ?) offrent au lecteur passage à des aveux (tu écris aux bords, /pour laisser du souffle/ à tes mots) et à une nouvelle traversée des poèmes-frères/sœurs de Celan et Dickinson.

En peu de mots, dire le peu, le chagrin de vivre ainsi, la réclusion derrière des persiennes closes, écoutant le poisson dans/ l’oreille, l’étrange destin d’être :

Matières Fermées, William Cliff

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 15 Août 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Table Ronde

Matières Fermées, mars 2018, 256 pages, 16 € . Ecrivain(s): William Cliff Edition: La Table Ronde

 

Deux cent dix-sept sonnets, disposés en huit « liasses » de textes, relatent l’ordinaire de la vie passée et présente de l’auteur belge, naguère publié chez Gallimard, dont l’incipit commence mal : « Me voilà déjeté… honni » ; qui se clôt sur le terme « oblivion » (ignoré par le petit Robert) ; entre les deux, pour combler la dose de haine ressentie et l’oubli inévitable qu’un sommeil peut accomplir, le temps d’une nuit de répit.

Dans une langue, qui prend son temps, pâte épaisse, toute de participes présents et de conjonctives, densément syntaxique, le poète de Gembloux (qu’il honore de nombre de mentions) retrace l’enfance, l’adolescence, les années de formation et de déformation (Petit-Séminaire…), les « sujets » au travail de ses parents, son « pauvre corps abattu, abîmé », ses amours, ses rencontres de hasard, de fortune, la voyoucratie qu’il exècre, ces impolitesses notoires dont sont victimes les voyageurs de train : « un malotru orné de deux donzelles/ monta et fit sonner des musiques “nouvelles”/ dont il voulait nous imposer le plein régime » (p.141).

L’églantine et le muguet, Danièle Sallenave

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 11 Juillet 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Récits, Gallimard

L’églantine et le muguet, Danièle Sallenave, Gallimard, mars 2018, 544 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Danièle Sallenave Edition: Gallimard

 

Romancière, essayiste, traductrice de l’italien, ethnographe et mémorialiste des vies proches et ordinaires (Un printemps froid La vie fantôme Passages de l’est D’amour), Sallenave poursuit son travail de géologue et d’historienne des terres qu’elle connaît bien. Sa méthode éprouvée – fouiller les strates d’une culture, qu’elle soit antique (Rome) ou contemporaine (Nous, on n’aime pas lire) –, réussit à éclairer des pans entiers d’une province qu’elle comprend bien, l’Anjou, elle native d’Angers, qu’aujourd’hui, mis à part ses lisières, le département de Maine-et-Loire occupe.

Début 2017, Danièle Sallenave entreprend en voiture ses multiples traversées de ce département natal en quête de savoirs et d’éclairages. Cette terre des contrastes, des contradictions, tissée d’histoire révolutionnaire, écartelée entre communautés et intérêts bien étrangers les uns aux autres, a vécu les tragiques événements des Vendéens, des Chouans, entre 1793 et 1795.