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Articles taggés avec: Dutigny/Elsa Catherine

Hôtels d’Amérique du Nord, Rick Moody

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Samedi, 28 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Roman, USA

Hôtels d’Amérique du Nord, octobre 2016, trad. anglais (USA) Michel Lederer, 240 pages, 21 € . Ecrivain(s): Rick Moody Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Hôtels d’Amérique du Nord est un livre étrange, déconcertant, totalement original. Qui d’entre nous n’a pas un jour cliqué sur TripAdvisor pour lire les évaluations d’un hôtel avant d’effectuer une réservation. Reginald Edward Morse, l’énigmatique héros du roman, rédige des articles pour le site NotezVotreHotel.com, clone de celui que vous avez l’habitude de consulter. Coincées entre une préface aussi improbable que délirante du président de l’Association nord-américaine des hôteliers et aubergistes, et une postface de Rick Moody himself en quête de l’auteur des articles, s’enchaînent dans le désordre chronologique 38 chroniques sur des hôtels, motels, une gare, un parking Ikea ou une aire de repos, pour la plupart américains mais aussi étrangers qui existent dans la réalité (vérification effectuée).

De 2012 à 2014, Reginald Morse, comme le note Rick Moody dans sa postface, « avait publié une fois par mois, ou de temps en temps deux fois, des critiques qui, dès le début, se montraient souvent ambitieuses tant par leur longueur que par leur portée et qui, dans certains cas, ne s’intéressaient guère aux hôtels concernés, lui permettant d’écrire sur l’identité, la vie privée, la solitude et l’amour » (p.224).

Extermination des cloportes, Philippe Ségur

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Samedi, 21 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Buchet-Chastel

Extermination des cloportes, janvier 2017, 288 pages, 18 € . Ecrivain(s): Philippe Ségur Edition: Buchet-Chastel

 

Dix ans après la publication d’Écrivain (en 10 leçons), Phil Dechine, le héros de cet ancien roman a pris du grade. Veuillez désormais l’appeler « Don » Dechine.

Ça fait chic pense son épouse Betty et ça sonne à la hauteur de son ambition : quitter son poste de professeur de lettres modernes pour écrire un best-seller pendant que sa femme passera son doctorat.

Seulement pour écrire un bijou littéraire, il faut du temps, du calme, et surtout une vie débarrassée des petits tracas du quotidien afin de trouver l’inspiration. Or les soucis s’accumulent dans la vie du futur grand écrivain plus vite que les mots sur la page blanche. Après une journée passée à enseigner le français à « quarante titulaires de comptes Facebook et Twitter », à répondre au harcèlement d’un voisin influent auprès du syndic de l’immeuble, à réparer un chauffe-eau récalcitrant, à payer des contraventions et des taxes foncières, quoi de plus naturel et de plus réconfortant pour Dechine que de se caler devant la télévision et de regarder l’un des épisodes de l’intégrale des Soprano.

Comment vivre sans lui ?, Franz Bartelt

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Vendredi, 16 Décembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Gallimard

Comment vivre sans lui ?, octobre 2016, 272 pages, 18 € . Ecrivain(s): Franz Bartelt Edition: Gallimard

 

Dans ce nouveau recueil de treize nouvelles, Franz Bartelt poursuit son travail de sape d’une époque dont il scrute avec toujours autant d’humour noir les innombrables failles. Son inspiration puise dans les travers humains dont il pousse les conséquences à l’extrême. Ses personnages enfermés dans leur logique obsessionnelle deviennent ridicules, pathétiques, mais aussi métaphoriques d’une quête dont ils sont in fine les principales victimes. Ainsi en est-il, dans la nouvelle Le bel été, de cet homme qui passe son existence à retrouver un fils soi-disant disparu alors que le sens de sa vie se résume à la recherche de l’enfant heureux qu’il a été un bref instant dans sa jeunesse, ou encore dans la nouvelle éponyme Comment vivre sans lui ? qui décline les absurdités du star system.

Autre thème : imaginez, c’est l’objet de la nouvelle Le bon chien, que vous ayez recueilli un berger allemand abandonné qui ne réagit à aucun des noms que vous vous êtes ingénié à lui donner et qui brusquement, alors que vous regardez un documentaire télévisé sur la seconde guerre mondiale, manifeste une jubilation spectaculaire en entendant un soldat du Reich prononcer « Heil Hitler ! ». Dès lors, il n’obéit à vos ordres qu’à cette unique apostrophe. Maintenant emmenez le chien avec vous dans la rue et assumez les conséquences.

Souvenirs en marge du livre Un fauve d’Enguerrand Guépy

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 06 Décembre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

Un fauve, Enguerrand Guépy, éd. du Rocher, octobre 2016, 192 pages, 17,90 €)

 

La lecture du roman Un fauve d’Enguerrand Guépy, biographie romancée du dernier jour de la vie de l’acteur Patrick Dewaere le 16 juillet 1982, a ravivé des souvenirs lointains, ceux de ma jeunesse estudiantine au tout début des années soixante-dix, dans un Paris et une société encore marqués par les événements de mai 1968.

Le nom de Patrick Dewaere est indissociable de l’aventure du Café de la gare, celui de l’impasse d’Odessa près de la gare Montparnasse, café-théâtre ouvert en juin 1969, au slogan prometteur : « C’est moche, c’est sale, c’est dans le vent ! ». Un lieu de réjouissances implanté dans des murs qui devaient peu de temps après disparaître sous la pression des promoteurs immobiliers. Une verrue libertaire à l’esprit anarchiste, symbole d’une contestation par le rire à la France du Général de Gaulle et de Pompidou. Nous, les 18-20 ans de l’époque, on y allait pour se défouler, goûter un vent d’irrespect déjà fort éloigné des slogans révolutionnaires scandés à peine un an plus tôt. L’esprit soixante-huitard plongeait à gorge déployée dans la déconnade.

Hic et Nunc, par Catherine Dutigny/Elsa

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 23 Novembre 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

La Toussaint et ses chrysanthèmes… Les raisons de ne pas se rendre au cimetière, il en avait des tonnes. Primo, il était athée, deuxio, les astéracées lui filaient le bourdon et des allergies respiratoires comme si ces fleurs de la mort prenaient un acompte sur son prochain trépas en gangrénant ses alvéoles. Des tonnes de raisons dans sa cervelle ; de quoi marcher courbé, la tête au niveau des genoux pour le restant de son existence. Rien qu’à lire les épitaphes sur les marbres polis, il en grimaçait de dégoût. « À mon cher époux », « À ma tendre femme », « À notre regretté père »… la nausée le guettait… Ses parents mortibus, il n’en avait plus rien à secouer. Il n’en avait jamais rien eu à secouer, sauf quand ils s’en prenaient à lui et lui crachaient à la face leur haine. Des envieux, des aigris, des rabat-joie qui lui avaient pourri la vie. Alors là oui, il avait eu des envies de meurtre, de sévices bien tordus, de tortures à petit feu. D’ailleurs le feu, tout le monde le sait, c’est purificateur ; ça nettoie tout, des dépôts sous les ongles jusqu’aux idées malsaines.