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Articles taggés avec: Mahdi Yasmina

Polygraphie - à propos de Yann Andréa, Cet amour-là, par Yasmina Mahdi

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Samedi, 28 Mai 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Yann Andréa, Cet amour-là, éd. Pauvert, mars 2016, 192 pages, 18 €

 

« L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie »

Marguerite Duras, Ecrire

Dès la première phrase, le style durassien de cette écriture polygraphique est reconnaissable par cette impossibilité de nommer, une sorte d’aplatissement de la langue et des phrases pronominales. L’histoire d’amour de Yann Andréa et de Marguerite Duras commence. Impliquée. Dans Calcutta désert ? Non. D’abord à Caen. L’alcool accompagne les premières rencontres épistolaires : les bitter Campari, la bière, le whisky, le vin, rouge, rosé, blanc… L’alcool s’immisce dans l’organisme de Yann Andréa et imbibe sa maladie d’amour. Il écrit le personnage que Marguerite Duras a composé pour lui, pour elle, qu’elle lui a choisi, comme dans un film. Avec des parcours symboliques, des noms d’emprunt.

Journal d’un peintre - à propos du livre de Bruno Mathon, Et puis, et puis encore

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Samedi, 21 Mai 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Bruno Mathon, Et puis, et puis encore, éd. impeccables, février 2016, 80 pages, 18 €

 

Un objet s’est mis en mouvement dans la matière de l’oubli (…) cet objet mental, surgi d’on ne sait où…

Bruno Mathon

 

Ainsi, deux mondes se rejoignent, comme dans le miroir circulaire que Van Eyck a suspendu derrière le portrait des Arnolfini, le monde des vivants de haute stature, constructeurs de cathédrales et tailleurs d’images, le monde magique de l’infiniment petit.

Henri Focillon, Vie des formes

Black-out - A propos du livre "Le Célibataire" (The Bachelor) de Stella Gibbons

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Samedi, 09 Avril 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Le Célibataire (The Bachelor) de Stella Gibbons, traduit de l’anglais par Philippe Giraudon, éd. Héloïse d’Ormesson, 2016, 560 pages, 24 €

 

L’intrigue

Le Célibataire pourrait être un « roman réaliste », qui crispe et confine les êtres dans des registres de rôles sociaux répétitifs. Le temps historique, lui, est situé lors de la seconde guerre mondiale, ce qui donne lieu à des scènes pathétiques : « une mère fluette avec trois petites filles robustes et crasseuses qui grimpaient sur elle et entrechoquaient bruyamment leurs masques à gaz (…) laissant le bébé aux pieds nus et sales sauter sur sa robe fanée », ou surprenantes : « Alicia ne participait jamais à ces manifestations de zèle communautaire, et elle aurait laissé mourir d’une attaque une vieille dame… » Son habileté littéraire n’est pas sans rappeler celle d’autres très grandes romancières, Virginia Woolf ou Doris Lessing, car elle dissèque les us et coutumes de ses compatriotes, dont l’existence est régie par un « Principe du Bien ».

Un peu de beauté (4ème et dernière partie)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 26 Juin 2015. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers, Côté Arts

 

Réalisme symbolique (19ème siècle)

Portrait de la sœur de l’artiste (1887, 96x74,5 cm) (1) de Fernand Khnopff (1858-1921)

Quand l’artiste Fernand Khnopff peint sa sœur Marguerite, son double, une jeune fille énigmatique apparaît, en pied, dans une robe immaculée. 400 ans plus tard, telle La Dame à la Licorne de Raphaël, elle ne nous livre qu’une part d’elle, une bouche fermée, un regard fuyant et un visage tourné sur le côté. Elle tient son bras ganté, ne dénude aucune partie de sa chair. La couture du milieu de la robe suture le buste, la poitrine haute. Tous les blancs – de l’ivoirin des longs gants au laiteux de l’étoffe – sont traités de manière liliale. La sœur inspiratrice du Beau s’élève comme une colonne lactescente, dans un environnement clair où, à la hauteur du cœur, un objet rond, en or, est accroché au mur.

Un peu de beauté (3ème partie)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Samedi, 20 Juin 2015. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

 

La modestie du beau (18ème siècle)

Enfant, c’est au musée du Louvre que j’ai découvert la simplicité des tableaux de Jean-Baptiste Siméon Chardin, dont certains étant placés à une hauteur telle qu’il m’était difficile d’en cerner les détails, à cause des reflets. Ce que mon œil de fillette apercevait : le velouté, une lumière un peu opaque d’intérieurs modestes d’un quotidien très ancien. La délicatesse irradie les antichambres, les cuisines, les coins de table, les étagères de pièces éclairées à la bougie. Autant de fragments découpés dans le monde lointain du 18ème siècle, bouleversé (dont le peintre ne sera pas le témoin, étant né en 1699 et mort en 1779, avant les épisodes sanglants de la Révolution). Un blanc un peu gras, poudreux, s’étend à l’ensemble de la composition, de la mise de la garde-malade aux plis de la nappe, jusqu’aux ustensiles de cuisine irradiant de lumière ou plutôt engloutissant celle-ci. Cette toile de 46x37 cm, Aliments de la convalescence (1) atteste de l’importance du sujet : celui de la maladie puis de la période de rétablissement, des faits et gestes du siècle des Lumières.