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Une Rose pour Emily / Soleil couchant / Septembre ardent, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 29 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Nouvelles, USA

Une Rose pour Emily / Soleil couchant / Septembre ardent, Folio bilingue, 148 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

Quand on prononce le nom de Faulkner, surgissent aussitôt à l’esprit du lettré les grands romans écrits entre 1929 et 1936. Six romans – sept si on inclut Sartoris – qui marquent à jamais l’histoire de la littérature américaine et l’histoire universelle du genre romanesque, jusqu’au point de se demander si après ces monstres le roman a survécu. L’œuvre nouvelliste du maître du Sud est pourtant d’une importance telle qu’elle rivalise avec ses romans. Les passerelles entre les deux mondes faulknériens sont nombreuses : l’un nourrit l’autre, dans les deux sens. Des personnages, des situations, les lieux (bien sûr, avec Faulkner le territoire est récurrent) se retrouvent, communiquent, se font écho dans une osmose complexe, parfois surprenante.

Dans ce recueil célèbre, écrit entre 1929 et 1931 c’est-à-dire au sommet de la création faulknérienne, on peut jouer à établir les liens entre les textes – autres nouvelles, romans. Mais il s’agit bien de nouvelles, autonomes, qui se lisent comme telles.

Une dame perdue, Willa Cather (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 22 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Rivages poche, Roman, USA

Une dame perdue (A Lost Lady, 1923), trad. américain, Marc Chenetier, 190 pages, 7,20 € . Ecrivain(s): Willa Cather Edition: Rivages poche

 

Willa Cather est une incomparable portraitiste de femmes. Nous l’avions pointé déjà à propos de Mon ennemie mortelle (My Mortal Enemy, 1927), où le personnage de Myra Driscoll éclaboussait le lecteur de sa beauté, de son intelligence et de sa séduction. C’est une autre dame splendide qui est le personnage central de ce roman, Marian Forrester. Elle règne sur la propriété familiale, quelque part à l’Ouest, sur la ligne de chemin de fer Burlington qui ouvre le chemin des Nouvelles Frontières. Sa beauté parfaite, son élégance vestimentaire et morale, sa générosité et son attention envers les autres, en font une femme d’exception. Le bon capitaine Forrester, son vieil époux – ils ont 25 ans d’écart – débonnaire et au grand cœur, la rend parfaitement heureuse.

Une ombre cependant : ils n’ont pas eu d’enfant mais Marian sait attirer autour d’elle ceux du village, des gamins pauvres pour la plupart et éblouis par leur bonne « déesse », qui s’intéresse à eux, les invite à jouer sur ses terres et au bord de son étang, leur offre des goûters délicieux.

King Zeno, Nathaniel Rich (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 15 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Seuil

King Zeno (King Zeno, 2018), Nathaniel Rich, Seuil Cadre Noir, septembre 2021, trad. américain, Camille de Chevigny, 427 pages, 21,90 € Edition: Seuil

 

La Nouvelle-Orléans meurtrie, bouillonnante, est la seule véritable héroïne de ce roman taillé comme une passionnante monographie noire. La période racontée, à peu près 1918-1920, fait se croiser l’Histoire réelle et les histoires fictionnelles (vraiment ?) comme la trame d’une narration serrée, prenante, souvent vertigineuse. Les traumatismes de la grande guerre – les cauchemars peuplés de tranchées et de corps déchiquetés, les désordres mentaux – la Ville qui naît au modernisme dans une agitation mafieuse grandissante (le Grand Canal du Mississippi au Lac Pontchartrain est en construction), la Grippe Espagnole qui frappe la ville de ses vagues meurtrières et le Jazz (Jass) à sa naissance aux sons des cornets et des pianos des gamins Louis Armstrong, Drag Nasty et Funky Butt.

Nathaniel Rich dynamite toute notion pré-acquise de « roman noir » et propose une ode à la modernité, ses grandeurs et ses ravages. Dans une langue rugueuse et syncopée – scandée par les sons – il invente une véritable mélopée sombre qui porte les drames d’une ville et d’une époque.

Plasmas, Céline Minard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 07 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Roman

Plasmas, août 2021, 158 p. 17 € . Ecrivain(s): Céline Minard Edition: Payot

 

Céline Minard est heureusement là dans le paysage littéraire français. Elle étonne et détonne par une virtuosité stylistique hors du commun et une imagination débridée, capable d’inventer des mondes fictionnels plus encore qu’improbables. Le Grand Jeu, Olimpia, Faillir être flingué, Bacchantes (entre autres), sont des jaillissements de territoires inexplorés, saisissants, des explorations de genres ignorés ou presque par la littérature française. La déclamation antique, le western, l’ermitage, le casse et, avec ce roman, la Science-Fiction. Minard est un écrivain. La chose est si rare aujourd’hui en France. Elle crée des mondes et les fait vivre, de toutes pièces, sans s’emberlificoter dans on ne sait quel rapport à la réalité ou à l’actualité. Minard, c’est la mort de l’auto ou de l’exo fiction, c’est la chose littéraire dans sa pureté, sa raison d’être, sa brutalité. Aux tâcherons d’aujourd’hui qui s’essaient péniblement à extraire de l’Histoire, du fait-divers, des biographies de gens célèbres, un vague roman tirebouchonné, emprunté dans tous les sens du terme, sans surprise, Céline Minard répond que la littérature est libre de toute entrave, de toute attache, de tout genre, qu’elle est le territoire infini de l’imaginaire et qu’elle n’a de compte à rendre à personne.

Le Cercueil de Job, Lance Weller (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 01 Septembre 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallmeister

Le Cercueil de Job (Job’s Coffin, 2021), septembre 2021, trad américain, François Happe, 465 pages, 25 € . Ecrivain(s): Lance Weller Edition: Gallmeister

 

Lance Weller place son roman sous les ombres tutélaires de Cormac McCarthy et de Shelby Foote. Sa maîtrise stylistique, son sens prodigieux de la structure romanesque, lui permettent cette audace qu’il assume et transcende. Le Cercueil de Job est une traversée sous le ciel du Sud alors que grondent les canons meurtriers de la Guerre Civile, sous les étoiles d’un ciel sans Dieu ou d’un Dieu indifférent au malheur des hommes, jetés dans l’enfer de la folie guerrière ou de la folie raciale et dont la solitude ne se brise que quand une balle vient leur traverser le corps, pour les enlever à ce monde de terreur, ou les en extraire, brisés, abîmés pour toujours. On entend dans l’écriture de Lance Weller le chant désolé de La Route, de Méridien de sang, de Shiloh ; mais on entend surtout la scansion particulière de l’écriture de Lance, qui tourne autour d’une scène, en extrait tout le champ de vision, capte la douleur des personnages et nous l’envoie comme autant de blessures dans nos consciences d’hommes – étrange espèce de ceux qui sont capables de ça. De haïr, de pendre, de brûler vifs, de castrer, de violer, d’exclure des hommes et des femmes de la condition d’humains.