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Éloge de l’érection, suivi de Lycaon, apologie du désir, Barbara Polla, Dimitris Dimitriadis

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 09 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Éloge de l’érection, suivi de Lycaon, apologie du désir, Dimitris Dimitriadis, Le Bord de l’Eau, Coll. La Muette, novembre 2016, trad. Michel Volkovitch, 160 pages, 20 € . Ecrivain(s): Barbara Polla

Barbara Polla propose à travers l’œuvre de Dimitris Dimitriadis une apologie d’un gai savoir. La figure du phallus y est moins totem que source de vie et initiatrice de toutes les créations et plus précisément autour d’une scène : la Grèce qui n’est plus seulement antique. L’érection est envisagée ici comme le contraire de la dépression. Elle est un état intérieur général de création. Les Grecs l’ont prouvé jadis et, écrit Dimitriadis, « ils y parviendront encore, j’en suis persuadé, dans la situation actuelle ».

Comme l’être, toute société abattue se relève et s’érige par l’engagement dans la pensée, la culture, la politique et l’art. Et Dimitriadis de préciser encore : « Tout acte créateur est par conséquent fondamentalement politique ». Mais pas seulement : pour preuve l’écologie architecturale. Le « construire haut » n’a rien d’une aberration écologique : elle est le seul espoir d’un développement durable. Manhattan est un modèle en termes de surface et d’énergie consommée. Et plus généralement, tout art est érection d’un point de vue non pas « créateur » mais « instaurateur » de ce qui érige, de ce qui s’érige.

Lettres III (1957-1965), Samuel Beckett

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 06 Janvier 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Correspondance, Gallimard

Lettres III (1957-1965), novembre 2016, trad. anglais (Irlande) Gérard Kahn, 812 pages, 58 € . Ecrivain(s): Samuel Beckett Edition: Gallimard

 

Un homme comme les autres ?

Partagé entre le besoin de solitude, de silence et la nécessité de répondre à de multiples sollicitations qui ne sont pas qu’intellectuelles, plongé – avec hésitation, puis enthousiasme – au sein du monde théâtral, Beckett – dans la période qui recouvre ces lettres – collabore à la mise en scène de ses propres pièces, travaille à des pièces radiophoniques pour la BBC, réalise Film (le plus grand film irlandais de tous les temps selon Gilles Deleuze) et revient, après 10 ans d’interruption, à la fiction, avec Comment c’est. L’auteur, dans ces lettres, est plus précis sur son travail, d’autant qu’il bénéficie d’une destinataire privilégiée, Barbara Bray, productrice, traductrice, critique. Elle le rencontre en février 1958 en produisant All That Fall (Tous ceux qui tombent). En suit une liaison intellectuelle et amoureuse méconnue.

Inévitables bifurcations, Lambert Schlechter

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 13 Décembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Inévitables bifurcations (Le murmure du monde, tome 4), éd. Les doigts dans la prose, mai 2016, 161 pages, 20 € . Ecrivain(s): Lambert Schlechter

 

La horde sauvage

Lambert Schlechter ose les fantaisies sexuelles tout en se maintenant proche de son « dada », à savoir Dieu. Néanmoins, c’est plus la femme qui fait jouir le texte par la petite mort qu’elle accorde, face à la grande que l’auteur prend soin de retarder. Car si Dieu existe, sa rencontre est à retarder d’autant que l’auteur n’est pas forcément attendu au paradis.

Ce nouveau texte est donc le quatrième temps de l’histoire de ses folies en fragments poétiques. Il y chercha à travers sa culture une énergie par ses remises en scènes et ses réinterprétations en vue de défendre et illustrer ses obsessions. Il fait jouer le présent et le passé, le réel et le virtuel, dans une thématique de la présence la plus proche comme celle à distance au moment où la poésie devient un instrument d’extraction. Toute une appréhension se constitue dans les circuits reliant l’action et l’écriture (qui en est une autre forme) dans un dédoublement spéculaire.

Malraux face aux jeunes, Mai 68, avant, après. Entretiens inédits

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 06 Décembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Folio (Gallimard), Essais, Histoire

Malraux face aux jeunes, Mai 68, avant, après. Entretiens inédits, novembre 2016, 102 pages, 2 € . Ecrivain(s): André Malraux Edition: Folio (Gallimard)

 

Quoique historiquement codés dans une période précise, ces entretiens inédits la dépassent largement. Plus que de parler uniquement aux jeunes et plus que de s’installer dans son statut de ministre, Malraux prolonge son soliloque avec lui-même sans chercher de pose et de rôle de magister dans ce contexte particulier.

De fait sa réflexion reste toujours la même : accorder le sens qu’il convient à l’histoire, à la révolution, au jeu de pouvoir qu’entretiennent les maîtres du monde avec leur propre idéologie et leur peuple et bien sûr à la religion et son – dit Malraux – « inépuisable » question.

Au passage l’auteur lance quelques discrètes flèches à un intellectualisme germanopratin qui préfère Le Flore à l’action en oubliant que « le catéchisme est cinq cent fois plus sérieux que les professeurs » lorsqu’on parle de révélation. Et ce même si l’auteur relit les Evangiles « avec une certaine déception ».

Désordre du jour, Henri Droguet

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 30 Novembre 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

Désordre du jour, novembre 2016, 168 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Henri Droguet Edition: Gallimard

 

 

Henri Droguet poursuit sa route en franc-tireur. Dans la poésie francophone du temps, il reste solitaire car inclassable (et vice versa). Plus son œuvre avance, plus elle devient profonde et vivace. Poète « classique » – c’est-à-dire travaillant de l’intérieur de l’histoire de la poésie – il crée dans une tension permanente entre tradition et révolution, et se dresse contre la vulgarité contemporaine de la fabrication et de l’usage des mots. Pour lui, la vie véritable n’est pas dans un ailleurs. Elle est dans notre banalité ordinaire, un peu dérisoire, un peu magique également, comme le sont les beaux moments de lumière sur la mer. Et ce, même si comme le rappelle le liminaire du livre emprunté à Karl Kraus, « plus on regarde de près les mots, plus ils vous regardent de loin » (Karl Kraus). Reste cependant à tirer des bords. Qu’importe si « canardent » un vent désordonné ou le fracas des mouvements urbains.