Identification

Articles taggés avec: Gavard-Perret Jean-Paul

L’œil de tous les yeux, Bérénice Constans

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 28 Novembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Essais, Fata Morgana

L’œil de tous les yeux, novembre 2017, 96 pages, 16 € . Ecrivain(s): Bérénice Constans Edition: Fata Morgana

 

Histoires de l’œil

 

Poétesse et peintre, Bérénice Constans apprend à voir, renverse les règles de la peinture (mais pas seulement) afin d’apprendre au lecteur ce qu’il y a dedans. Il faut parfois des stratégies et, avant d’entrer en ce qu’on nomme art, passer par d’autres surfaces. Mais non sans de multiples précautions que souligne la « narratrice » de L’œil : « Se servant de l’entrelacs de branches tombantes pour mieux se dissimuler, elle observait la tache sur le mur, en se mordant nerveusement la lèvre. Plusieurs fois de suite, elle ouvrit et ferma les yeux, en essayant de s’arracher à̀ sa vision. Mais, il y eut en elle comme une cassure. Elle n’osait plus bouger, de peur de découvrir de nouvelles taches », et ce avant un ébranlement : « L’obscurité́ allait s’abattre sur elle en une pluie de cendres noires ». Mais les taches demeurent, comme la peinture (du moins celle de Bérénice Constans), entre réalité et onirisme.

Œuvres romanesques précédé de Poésies complètes, Blaise Cendrars, en la Pléiade

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 24 Novembre 2017. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Critiques, Poésie, Roman

Œuvres romanesques précédé de Poésies complètes, novembre 2017, Édition publiée sous la direction de Claude Leroy, 2912 pages, 115 € . Ecrivain(s): Blaise Cendrars Edition: La Pléiade Gallimard

 

Selon la légende, Freddy Sausey devint poète à New-York dans la nuit du 6 avril 1912. Pour honorer cette révélation il change de nom : Blaise Cendrars naît. Néanmoins, dans Panama ou les aventures de mes sept oncles, il donne une autre voie à la gestation de l’œuvre : « C’est le crash du Panama qui fit de moi un poète/ C’est épatant / Tous ceux de ma génération sont ainsi /Jeunes gens /Qui ont subi des ricochets étranges ».

Il ne faut pas prendre bien sûr ses aveux au pied de la lettre. Mais – et justement – tout Cendrars est là. Non seulement il refuse de jouer « avec des vieilleries » et entame son parcours. Il s’agira pour lui de casser « la vaisselle » et surtout de ne cesser de s’embarquer vers l’ailleurs pour « tuer les morses » ou – sous d’autres climats – de craindre les piqûres de la mouche tsé-tsé.

Jamais, Véronique Bergen

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 15 Novembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Tinbad

Jamais, novembre 2017, 126 pages, 16 € . Ecrivain(s): Véronique Bergen Edition: Tinbad

 

Paradoxalement là où la voix se ferme et s’éteint, Véronique Bergen ouvre des possibles. Ecrivant ce récit, l’auteur est pris par quelque chose qui vient du plus profond, du plus fort, et qui ramène à la sidération, de déprise et en reprise, dans le mouvement de l’écriture. Ici la voix de la mère juive exilée et débordée par les remugles de l’Histoire s’excède dans un mouvement autant jouissif que colérique. Bref la figure maternelle se débonde sans que pour autant le récit ne capote dans l’autofiction.

Le roman parcourt une seule heure de la vie d’une femme : le temps que la mère puisse énoncer ce qu’elle ne peut pas dire, sinon par les mots de l’autre : sa fille qui en filigrane lui impose la rectitude de sa texture lexicale. Mais s’opère une sorte de renversement entre les mots de la mère et le contrôle qu’exerce l’écrivaine sur eux.

Richard Millet entre deux rives, 2 livres, par Jean-Paul Gavard-Perret

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 09 Novembre 2017. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

La nouvelle Dolorès, Richard Millet, Editions Léo Scheer, septembre 2017, 210 pages, 18 €

Rouge Gorge, Richard Millet, Jean-Gilles Badaire, Fata Morgana, 2017, 32 pages

 

Richard Millet entre deux rives

La littérature de Richard Millet est une quête dont le corps, avant le texte, est la surface d’enregistrement. Il est nécessaire que le second soit soumis à la force du premier pour émettre une sensation et le cri plutôt que l’horreur ou l’extase, c’est-à-dire exprimer le corps surpris, par une force invisible, le faisant crier, et non un spectacle horrible ou érotique.

Les descriptions ne sont là que pour donner sens à un fait interne du sujet en tant qu’expérimentation vécue de l’intérieur du corps. Millet sait à la fois la restituer, fixer et mettre à distance, c’est-à-dire représenter le visible en une littérature non de visualisation « cinématographique » mais de la présence.

Le ralenti des choses, Jacquie Barral

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 02 Novembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Fata Morgana

Le ralenti des choses, octobre 2017, 56 pages, 17 € . Ecrivain(s): Jacquie Barral Edition: Fata Morgana

 

Avec son livre, Jacquie Barral ramène à l’essentiel du geste et l’art à travers son origine : « Lorsque l’on trace, enfant, son premier trait avec un crayon sur un bout de papier, ou avec un bâton dans le sable, ou un doigt sur une vitre embuée, on ignore tout de l’aventure extraordinaire qui va suivre. Et pourtant la magie du dessin vient d’être découverte ». Le dessin permet donc de réaliser une arche d’acier qui invite naturellement l’être à pénétrer dans l’enceinte d’un lieu qui donne le plus merveilleux des points de départ et des points de vue.

Jacquie Barral a trouvé en lui l’élément déterminant pour confirmer et développer la singularité de son travail et de son apport à la postmodernité. Grace à lui, elle a découvert l’effet d’une ouverture et le sens du mouvement. Il lui suffit parfois d’une table pour créer les cascades dont elle a le secret. Le dessin, entre lenteur et vitesse, produit chez elle différentes arêtes, fentes et intervalles qui participent à la construction d’un vaste réseau graphique.