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Contes étranges, Sade

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 15 Janvier 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Contes

Contes étranges, Sade, 384 pages, 5,80 € . Ecrivain(s): Marquis de Sade Edition: Folio (Gallimard)

 

D’un libertinage à l’autre, lecture des Contes étranges de Sade

Pourquoi les adeptes des Infortunes de la vertu ou des Crimes de l’amour iraient-ils lire ces « historiettes » dont l’appellation, quoique choisie par Sade lui-même, convient si mal à sa réputation ? D’autant qu’elles sont en partie des réécritures de certaines Lettres historiques et galantes de Madame Du Noyer.

Mais avant l’invention des droits d’auteur, une histoire n’était à personne, donc à tous ceux qui se l’appropriaient par l’écriture. Ainsi Sade met-il du sien dans des anecdotes comme par exemple celle des Harangueurs provençaux où il situe à Marseille la scène qui se déroule initialement à Versailles pour ridiculiser les magistrats de sa province à cause desquels il est en prison.

Mais en dehors de quelques particularités de ce genre, pourquoi les amateurs de sexe et de violence se plongeraient-ils dans ces historiettes qui font l’économie des termes crus et autres habituelles évocations scabreuses, marques de fabrique de l’écrivain ? La déception ne les guette-t-elle pas dans des détails, comme ces points de suspension pour révéler que La fleur de châtaignier « sent le f… » ?

Bertrand Russell, penser avec et au-delà des mathématiques Épisode 3 : Il faut savoir déraison garder ou Russell philosophe de l’amour

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 12 Novembre 2015. , dans La Une CED, Etudes, Les Dossiers

En 1900 (il a vingt huit ans), Russell publie La philosophie de Leibniz. Il a en effet repris à son compte le projet que le philosophe et mathématicien allemand avait entrepris dès le XVII° siècle : créer une langue logique universelle qui permettrait de réduire tous les raisonnements à des calculs afin que l’erreur disparaisse. Ne plus se tromper en rationalisant tout, voilà le rêve poursuivi par Russell jeune. Fi de l’intuition, du cœur et autres balivernes. Les mathématiques apparaissent comme le seul havre de vérité digne d’être recherché.

Vingt huit ans plus tard, son admiration pour le penseur allemand s’est tempérée. « Leibniz, dans sa vieillesse, écrivit à un de ses correspondants qu’une seule fois dans sa vie il a demandé à une femme de l’épouser, et alors il était âgé de cinquante ans. “Heureusement, ajouta-t-il, la dame demanda du temps pour réfléchir. Cela me donna également du temps pour réfléchir moi-même, et je retirai ma demande”. Il n’y a pas de doute que sa conduite n’ait été rationnelle, mais je ne dirai pas que je l’admire » (1).

Cette réserve n’est-elle pas étrange de la part de Russell tel que nous l’a montré l’épisode 2, partisan d’une « éthique rationnelle » ?

Bertrand Russell, penser avec et au-delà des mathématiques Épisode 2 : De l’amour des mathématiques à La conquête du bonheur

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 07 Octobre 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Dans la très abondante bibliographie de Russell, des ouvrages probablement jugés mineurs par certains universitaires apparaissent rarement. Ce ne sont ni des traités de mathématiques ni des essais de philosophie analytique. Parce qu’ils semblent impossibles à classer, ces textes sont repoussés comme des divagations dans une carrière sérieuse. Tel est le cas de La Conquête du bonheur que Russell publie en 1930 lorsqu’il a 50 ans. C’est dans ce livre aux accents parfois autobiographiques qu’il raconte brièvement comment les mathématiques l’ont sauvé du suicide. Dans ce bref traité se révèle un philosophe original et attachant comme savaient l’être de grandes figures de l’Antiquité, au premier rang desquelles Socrate. Mais Russell est un penseur de son temps ; scrutant les mutations politiques, économiques et sociales résultant du triomphe de l’âge industriel, il propose une philosophie du bonheur adaptée à une époque où le mécanisme a libéré les hommes des travaux les plus pénibles mais aussi engendré des maux inattendus.

Bertrand Russell, penser avec et au-delà des mathématiques Épisode 1 : Du mathématicien au prix Nobel de littérature

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 03 Septembre 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

En 1950, le Prix Nobel de littérature est attribué au mathématicien et philosophe britannique Bertrand Russell. Ses 78 ans l’ont écarté de la médaille Fields décernée depuis 1924 à de jeunes chercheurs en mathématiques et la philosophie ne fait quant à elle l’objet d’aucune distinction particulière.

Est-ce donc comme pis-aller que le penseur se voit remettre le Nobel ? Il est certain que son œuvre n’a rien de commun avec celle de ses compatriotes déjà récompensés, parmi lesquels Rudyard Kipling ou George Bernard Shaw. C’est pourquoi Russell confie, dans son Autobiographie, la surprise qui fut la sienne : « Quand je dus me rendre à Stockholm, à la fin de 1950, afin d’y recevoir le prix Nobel – de littérature, ce qui m’étonna, pour mon livre Mariage et Morale – je n’étais pas sans appréhension car je me rappelais que trois cents ans auparavant, presque jour pour jour, Descartes avait été invité en Scandinavie par la reine Christine en hiver et qu’il y était mort à cause du froid » (1).

Jardins de papier. De Rousseau à Modiano, Évelyne Bloch-Dano

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Samedi, 11 Juillet 2015. , dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Stock

Jardins de papier. De Rousseau à Modiano, Évelyne Bloch-Dano, avril 2015, 250 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Évelyne Bloch-Dano Edition: Stock

Qu’est-ce qu’un jardin ? Le lexique ouvrant la première partie de Jardins de papier. De Rousseau à Modiano, égrène le vocabulaire : clos, parc, verger et même paradis, tous ces lieux expriment à la fois la nature originelle de l’homme et son inépuisable capacité à la dépasser. L’auteur invite donc d’abord à une excursion dans le temps, de la préhistoire jusqu’aux jardins à l’anglaise en vogue à partir du XVIII° siècle, car la première culture pratiquée par l’homme fut celle de la terre, et les civilisations peuvent se comprendre à partir de leur façon particulière de faire fructifier celle-ci.

Mais la culture, c’est aussi l’art et la littérature. Alors les « jardins de papier » – objet de la seconde et principale partie du livre – sont le décor parfois primordial, parfois en arrière-plan mais jamais anodin de scènes de romans. Parterres fleuris, haies, tonnelles et autres compositions végétales racontent des jeux de rencontres et d’évitement, de confidences murmurées et de secrets préservés, enfin se font coquins comme dans Le Lys dans la vallée où Balzac, à propos d’un bouquet, ne lésine pas sur les connotations érotiques : « du sein de ce prolixe torrent d’amour qui déborde s’élance un magnifique double pavot rouge accompagné de ses glands prêts à s’ouvrir ». Dans Le ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras, la façon dont Lol et Tatiana ont dessiné, chacune, allées et massifs, nous en apprend plus sur leur psychologie qu’une analyse verbale car les jardins sont « des révélateurs, des projections de notre moi dans l’espace ».