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Articles taggés avec: Fiorentino Marie-Pierre

L’élève du philosophe, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 14 Septembre 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Iles britanniques, Roman, Gallimard

L’élève du philosophe, Iris Murdoch, Gallimard, 1985, trad. anglais, Alain Delahaye, 606 pages, 23,20 €

 

George et Stella McCaffrey rentrent sous une pluie battante, passablement ivres, d’un repas de famille. L’habitacle retentit de leur dispute lorsque l’accident se produit. Le véhicule dont George a pu s’extraire tombe dans le canal. Mais le mari a-t-il aidé l’engin à basculer dans les eaux troubles avec l’intention d’assassiner sa femme ? Le Père Bernard, témoin inattendu de la scène, en a peut-être une idée.

La question primordiale est pourtant celle-ci : pourquoi la colère de George est-elle devenue incontrôlable lorsque Stella a évoqué l’arrivée annoncée de Rozanov ? Et ce célèbre philosophe, ancien professeur de George installé aux Etats-Unis, revient-il dans sa ville natale pour écrire le livre de sa vie ou pour une raison plus obscure ? Ce qui est certain, c’est qu’il provoque l’émoi de toute la population de cette station thermale que le narrateur, parce qu’il tient à rester anonyme sous l’initiale de N., décide de nommer Ennistone. Ses habitants, des plus marginaux comme Diane, prostituée maîtresse de George, aux notables, se retrouvent hebdomadairement aux thermes. Ne pas paraître autour des piscines, bassins, cascades fait autant jaser qu’y paraître faussement serein ou mortellement contrarié. Rozanov s’y montrera-t-il ou préfèrera-t-il prendre les eaux dans l’une des chambres dont peuvent disposer les baigneurs désireux de discrétion ?

L’homme qui peignait les âmes, Metin Arditi (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Lundi, 29 Août 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Grasset

L’homme qui peignait les âmes, juin 2021, 292 pages, 20 € . Ecrivain(s): Metin Arditi Edition: Grasset

 

Qui a réellement peint le Christ guerrier attribué à tort, par la tradition, à Théophraste le grec, et exposé aujourd’hui dans une église au sud de Bethléem ? Indiscutablement « un iconographe de génie » dont Metin Arditi nous raconte, en sept dates décisives, l’existence vécue entre Acre, Mar Saba et Capharnaüm.

En 1079, Avner, adolescent juif, livre au monastère orthodoxe le poisson que pêche son père. Il goûte dans ce Petit Paradis la joie de l’accueil toujours chaleureux et gourmand que lui réserve frère Thomas et découvre l’art des icônes. Seule sa cousine Myriam avec laquelle il a grandi connaît son rêve, devenir à son tour peintre. Mais il lui faudrait alors se convertir au christianisme, rompre avec ses parents qui ne lui pardonneraient pas cette trahison et surtout renoncer à épouser Myriam.

L’art vaut pourtant tous ces sacrifices. Avner va même lui sacrifier la sincérité. Ainsi, le jour de son baptême, devenu Petit Anastase il « savait qu’il trichait » car il « avait lu et relu les Textes. Il les avait étudiés, commentés. Il avait été ébloui par leur intelligence, leur finesse, leur concision. Mais il n’avait pas réussi à croire à la Révélation ».

Sous le filet, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 08 Juillet 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Folio (Gallimard), Iles britanniques, Roman

Sous le filet, Iris Murdoch, Folio, 1957 (réédition de mars 1985), trad. anglais, Clara Malraux, 348 pages, 9,70 €

 

En 1954, Iris Murdoch enseigne la philosophie à Oxford. Son charisme et son intelligence font déjà sa renommée d’universitaire et fascinent John Bayley, qui termine ses études de lettres. Quarante-cinq ans plus tard, dans la biographie qu’il lui consacre (1), celui-ci se souvient.

Dès leur première rencontre, elle l’interrogea : avait-t-il déjà songé à écrire un roman ? Le jeune homme crut à une simple politesse car « étant philosophe, il était évident qu’elle ne pouvait s’intéresser à ce genre de choses ». Miss Murdoch, qu’il épousa deux ans plus tard, lui déclara pourtant ce soir-là « qu’elle avait elle-même écrit un roman qui n’allait pas tarder à paraître ».

Sous le filet est ce premier roman. Clara Malraux le traduit et exprime son admiration dans quelques lignes de préface où elle saisit l’essence de l’œuvre naissante : son « éblouissante cocasserie », typiquement britannique, « une bonté vraie » qui s’étend aux hommes et aux animaux et « ce ton de tranquille évidence », révélateur plus efficace des méandres du réel que n’importe quelle étude prétendument sérieuse.

Client (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mardi, 03 Mai 2022. , dans La Une CED, Ecriture


« Quand la lune apparaît, tu peux la croiser en ville […]

La nuit tous les chats sont gris et tous ses clients sont seuls […]

Et quand son maquillage coule elle dit que c’est la pluie ».

Extrait de la chanson Salope ! sur l’album La vraie vie, Bigflo et Oli

 

« Je te promets Clo c’est la première fois depuis que t’es partie mais fallait bien que ça arrive un jour je te jure j’ai même pas regardé à quoi elle ressemblait cette fille d’ailleurs je devrais pas te raconter ça mais à qui tu voudrais que je le raconte il n’y a toujours que toi dans ma tête tu me reprochais de pas te parler assez ça te faisait de la peine et maintenant faut que ça me vienne pendant ma première baise depuis des mois ou des années j’ai pas compté parce que tu te souviens avant la fin on le faisait plus le cœur y était pas

Un balcon en forêt, Julien Gracq (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 30 Mars 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions José Corti

Un balcon en forêt, 230 pages, 19 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

À se fier au titre, on imaginerait une maisonnette ou une grande cabane à l’orée d’un bois ; à toute heure du jour, les planches craquantes suspendues dans le vide seraient un point d’observation privilégié pour vacancier en mal d’aventure, citadin en quête de nature.

Mais n’est-ce pas un peu dans cet état d’esprit que l’aspirant Grange s’installe dans la maison forte des Hautes-Falizes ? De l’autre côté de la frontière belge vers laquelle court la Meuse, la rumeur de l’invasion allemande gronde mais en cet automne doux, qui pourrait croire à l’imminence de la guerre ?

Grange prend donc dans les Flandres ses quartiers – bientôt d’hiver – en même temps que ses habitudes et qu’une maîtresse. Ou c’est plutôt elle, Mona, qui le prend comme amant de même que les trois hommes sous ses ordres, le caporal Olivon, Gourcuff et Hervouët l’adoptent comme chef et le capitaine Varin comme oreille complaisante pour de sombres prédictions.