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A Jérôme Ferrari (4) (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 22 Octobre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Les mondes possibles de Jérôme Ferrari, Entretiens sur l’écriture avec Pascaline David, Actes Sud/diagonale, février 2020, 176 pages, 18 €

 

À la fin de l’été 2018, je me délectais de votre dernier roman à peine sorti, À son image. Deux années… Mais je vous sais gré de votre parcimonie. Elle dompte ma gloutonnerie et me conduit sur le chemin de la lecture telle que Nietzsche la conseillait pour ses propres œuvres, lente afin d’être digérée.

Vos entretiens avec l’éditrice Pascaline David offrent d’ailleurs largement de quoi me faire patienter jusqu’à votre prochain opus, m’invitant, à travers le regard que vous portez sur les précédents, à en reconsidérer mon palmarès personnel. Un dieu un animal a ainsi pris du galon.

J’avoue pourtant que la quatrième de couverture et l’incipit de ces entretiens, qui présentent le livre comme une sorte de recueil de conseils, m’avaient un instant inquiétée. Vous, vous livrer à cet exercice ressassé, consolation pour auteurs devenus stériles ou exutoire pour célébrités littéraires souffrant d’une prétention démesurée ?

L’anniversaire (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mardi, 01 Septembre 2020. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

Daniel avançait, parce qu’elle était petite et nonchalante, du même pas que sa mère, triomphal comme un homme promenant à son bras une femme attirante. Le halo inhabituel de son parfum lui rappelait les grandes occasions. Le manteau de printemps bleu ciel qu’elle étrennait, presque superflu tant l’air était doux, l’avait ébloui. Que maman était belle !

– « Voilà les garçons, je vous laisse » annonça-t-elle en observant alentour sans lâcher la main de son cadet.

À cette heure-ci, les enfants du quartier rivalisaient pour accéder aux balançoires ou au bac à sable, les amoureux à un banc discret. Un groupe de lycéennes riait de confidences murmurées ; peut-être se moquaient-elles du quadragénaire dont l’attention, faussement accaparée par les courtes plaques fixées au socle des statues, louchait sans cesse vers elles.

– « Vous allez pouvoir profiter du beau temps, mes chéris. Christian, fais très attention à ton frère, s’il te plaît, même si tu rencontres tes camarades ».

Maigret et le corps sans tête dans Tout Maigret, volume 6, Georges Simenon (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 17 Juin 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Editions Omnibus

Maigret et le corps sans tête dans Tout Maigret, volume 6, Georges Simenon, 1242 pages, 28 € Edition: Editions Omnibus

 

« C’était la première fois qu’il restait seul dans un petit café

comme s’il en était le propriétaire

et l’idée l’amusa tellement

qu’il se glissa derrière le comptoir ».

 

Routine, pour Maigret, que cette affaire si le cadavre mutilé retrouvé dans la Seine avait été celui d’une femme et si le commissaire, à la recherche d’une cabine pour téléphoner, n’était pas entré par hasard dans le café du couple Calas. Le voici désormais irrésistiblement attiré par un délicieux petit blanc et l’intrigante tenancière. Un monde, pourtant, sépare ce café presque provincial, Quai de Valmy, de la Brasserie Dauphine, cantine attitrée du 36 Quai des Orfèvres.

L’amulette (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Lundi, 11 Mai 2020. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

« Tu sais qu’un Président a dû batailler pour t’imposer, toi » adressa-t-elle en son for intérieur à la Pyramide. Car si l’architecture du Louvre, comme celle des bâtiments patrimoniaux en général, la laissait indifférente, elle se passionnait pour l’implacable volonté de ses commanditaires successifs à laisser d’eux une marque monumentale. L’affleurement des panneaux de verre, quand tous avaient accumulé les étages, était une provocation autant esthétique que politique du XXème siècle. Et quelle plus malicieuse trace d’amours secrètes que cet ajout translucide ?

Une file patientait déjà ; il lui fallut attendre son tour. Henri IV, quelques Louis et les Napoléon s’étaient immortalisés dans ces galeries, colonnades et autres tours. Était-ce à dire que les anonymes comme elle étaient plus mortels que les grands hommes ? Qu’était la mort si elle n’effaçait pas tout de soi ? Le temps et ses leurres donnaient le vertige.

Bien que très en avance, elle se dirigea directement vers le département des Antiquités égyptiennes vérifier si ce fameux Noun serait à la hauteur de l’effet escompté. Elle n’avait découvert que récemment son existence, en cherchant quelle trouvaille pourrait combler un amateur éclairé comme celui auquel elle avait donné rendez-vous.

Monseigneur de B. - La Peste Noire (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Mercredi, 25 Mars 2020. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

– C’est à vous, Monseigneur… Monseigneur ?

– Qu’est-ce qui peut donc bien distraire Monseigneur ? scanda le Marquis.

– Taisez-vous donc, s’insurgea la Marquise, encore toute remuée par la cérémonie expiatoire que l’évêque avait célébrée le jour même sur le Grand Cours.

L’ecclésiastique, comme revenu à la partie, lança mollement les dés.

– Perdu ! Je cède ma place. Chevalier, appela-t-il en avisant un jeune-homme qu’on lui avait présenté avant le souper sans qu’il retienne son nom, à vous de tenter votre chance.

Il se retira près de la fenêtre dont l’entrebâillement avait été âprement discuté. Certains, en faisant suffoquer l’assemblée, prétendaient se protéger de l’épidémie mais Monseigneur de B. avait assuré qu’au deuxième étage, dans ce salon donnant sur la mer, on ne risquait rien.