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Les bateaux de papier, Florence Ride

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 24 Août 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Les bateaux de papier, éd. Unicité, juin 2016, 143 pages, 15 € . Ecrivain(s): Florence Ride

 

« La manière de s’alimenter chez les Bellokalos était aussi quelque chose de particulier. Ismène, que son imagination créatrice, son égoïsme innocent et sa paresse rendaient en dehors des réalités, ne touchait jamais un objet ménager. La seule fois où Irène l’avait vue avec une pile d’assiettes entre les mains, elle était assise près du vide-ordures et avait trouvé moins fatiguant de jeter la vaisselle plutôt que de la faire (…) Chez les Bellokalos, on s’alimentait par phase. En effet, pendant une période qui variait d’environ six mois à un an, on mangeait immanquablement, trois fois par jour et à profusion, un plat prépondérant qui s’ajoutait aux nutriments de base d’une alimentation tout juste équilibrée. Quand on quittait une phase, il n’était même plus question d’entendre parler de l’aliment dont on venait de se repaître des mois durant. Ainsi, quelle ne fut pas la surprise du mari d’Irène quand, après avoir vu son beau-père se nourrir presque exclusivement de yaourt avec une adoration outrée, il en avait timidement demandé un petit pot pour le dessert, ce à quoi Dzimis, roulant les r, lui avait répondu d’une voix sévère, sur un ton péremptoire, menaçant, dit comme une vérité tragique et incontournable : yaourrrt, saleté ! ».

Deauville, Pierre de Régnier

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 17 Août 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Voyages

Deauville, La Thébaïde, mai 2016, 85 pages, 10 € . Ecrivain(s): Pierre de Régnier

 

A-t-on déjà lu un article de quatre-vingt cinq pages ?

Un guide à l’usage des hôtes lointains de Deauville. On y trouvera de l’humour, de l’enthousiasme, de la désinvolture, de l’élégance et de bien jolies manières. Un ton assurément. Un verbe affûté.

L’auteur est un œil. Un habitué des villégiatures d’été, d’hiver et de toute nature dont il a fait ici son théâtre.

Et puis il y a le jeu d’ombres, derrière.

Une ombrelle et un parfum. Deauville hier, avant 1914, après la guerre, Deauville avant. Agaçante et fascinante. Le ton n’est pas seulement perçant, il est étonnamment intemporel. Ou prémonitoire. S’y produisent des modes, les mêmes, des illustres aux illusionnistes dont l’art consiste à mettre en scène son droit profil et ses plus nobles rivalités.

Voulez-vous partager ma maison ?, Janine Boissard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 08 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Fayard

Voulez-vous partager ma maison ?, mars 2016, 304 pages, 20 € . Ecrivain(s): Janine Boissard Edition: Fayard

 

Vous entrez doucement dans ce livre comme dans un jardin, en trois parties, ce livre est un jardin. L’auteur s’adresse à vous « directement » et la narratrice, Line, vous invite chez elle. Une voix off et la voix d’une femme entrée en cinquantaine. L’atmosphère est agréable, a priori, l’émotion est tangible. Oui c’est un peu ça, un livre confortable qui vous prend par la main et vous dit : regarde.

La narratrice enfant et son père, et son père au-dessus d’elle, son père lui tenant un doigt de la main, son père derrière elle quand il faudra ôter les roulettes du vélo, ce père militaire qui lui intimera « envole-toi ». Ensuite, le mari militaire. Augustin. Le transfert est établi, le cliché est facile. Qu’importe. Vous êtes à Angers, enfin tout près, Line se tient maintenant sur le seuil de sa maison, elle est veuve.

Ses renoncements. Les parenthèses nombreuses où elle entrepose pêle-mêle ses considérations et ses tiraillements. Raconter ce que son mari était, tout ce qu’il n’était pas. Son propos, vous le jugez amusant parfois, enjoué toujours : un ton bienveillant malgré les remontées qui se veulent acides.

Une rivière, un jardin, une maison.

La maison fendue (6 & Fin), par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 20 Mai 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

Un autre jour, une autre destination. Tu pars à pied jusqu’au musée d’Art contemporain, le MONA. www.mona.net.au. Des collections compulsives sur le thème de la mort. Faire la queue. Tu as fait demi-tour. Tu as commandé une tarte au chocolat et un thé, l’art sans doute du meilleur ou l’affaire d’un chef français installé, tu t’es assise dans/sur l’herbe. Tu t’es allongée. Tu t’es endormie face à la rivière, the River of Fundament.

Tu es rentrée de la même manière. Itinéraire pédestre de vingt-cinq kilomètres. Tu es incollable sur la nature de l’herbe, la posture des arbres, la position des nuages ce jour-là, le confort en externe. Tu as admiré un arc-en-ciel et tu as fait un vœu pour elle.

Jeudi. Le parc national de Freycinet. Des roches roses, du sable blanc, des surfaces teintées. Des baies prisonnières ou des miroirs trompeurs. Des arches de pierres qui invitent à la contemplation, en-dessous la mer tantôt fige, tantôt relève. Tu as payé pour être conduite à Bruny Island, le supplément placé à la fin du voyage, au bout de la Tasmanie, un appendice sur la carte. www.brunyisland.org.au. Pour y manger un bout de fromage avec jouissance, un bout de « brie » conçu par un amoureux de la France, une huître servie par un adepte des intérieurs nacrés, du saumon et des fraises d’une qualité imprenable.

La maison fendue (5), par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Samedi, 14 Mai 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Nous avons tous la même couleur de sang. Même la planète a le sang rouge alors laissez-moi revivre et réveiller pour vous Utopia. Mon peuple. Les Aborigènes considèrent que le passé/le présent/le futur ne font/ne faisaient qu’un. Le Temps du Rêve. Où l’Univers à ses débuts tenait au creux de notre/Sa main. Le passé/le présent/le futur formait une seule cellule. Laissez-moi vous rappeler qu’il faudra rendre la Terre à Son propriétaire aussi propre que si nous devions restituer un lieu que nous aurions loué. Laissez-moi vous guider et je vous livrerai quelques-uns de nos secrets, ils sont des contes, ces temps où les arcs-en-ciel servaient de ponts au Créateur pour nous apporter des messages de paix.

Elle te raconte son village de Doo Town et doucement, elle sourit. Les arbres qui se tournent, qui dansent et se penchent pour toucher la lumière, ils frémissent lorsque nous les touchons. Les animaux qui pleurent, meurent à jamais exploités comme sont exploitées les mines jusqu’à épuisement. Les montagnes qui s’effondrent. Le monde en gros, les animaux en vrac.