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Tropique de la violence, Nathacha Appanah, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 15 Juin 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Tropique de la violence, Nathacha Appanah, Folio, mai 2018, 192 pages, 6,60 €

 

« Ils prennent leur élan sur la jetée de béton, leurs jambes noires et maigres comme des bâtons filant à vive allure. Arrivés au bout, ils se jettent dans l’océan en remontant leurs genoux, ouvrant leurs bras, criant leur joie ».

La légèreté du désespoir. L’attraction du vide lorsque l’espoir ne retient plus.

À propos de ce livre magistral, qu’ajouter sinon saluer ici la note de lecture de Pierre Perrin, rédacteur à La Cause Littéraire.

Et pourtant !

Ici les odeurs ont un corps. Les sons. L’invisible est omniprésent.

Il faut écouter Mayotte pour qu’elle ne sombre pas. Le rapport à l’Autre qui ne fonctionne plus, l’accueil qui n’opère plus, le chômage et la pauvreté qui sont inacceptables, les politiques et la parole impeccable. Impraticable. Sentir ses couleurs, la couleur de ses peaux, la peau de ses enfants que même la terre n’accroche plus. Les enfants seuls, les enfants abandonnés. Ils errent, ils se terrent. Ils grandissent comme des fruits sur un arbre. Ils pourrissent.

Mes intimes étrangers, Luc Duwig, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 30 Avril 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Mes intimes étrangers, Luc Duwig, Carnets Nord, mai 2018, 167 pages, 16 €

 

Au jeu du réel et du fictionnel, Luc Duwig gagne. Attention ami lecteur, il va te malmener. Te dire toute la vérité ou travestir toutes les lignes. Tu es averti. Le lien et la famille, celui auquel tu t’attaches parce que tu le crois vrai, parce que tu crois que le mot est vrai. La place de chacun sur la ligne. Sa patine, sa légende et son héritage. Le récit a existé. Les personnages. Reconstitution imaginaire. Treize photos à mi-parcours. Et deux cartes. Trente-deux chapitres. Tu es intrigué.

Jeest le narrateur né en 1961, au pied du mur. Berlin et la guerre froide. Jeest le petit-fils sous l’ombre du grand-père, Jean-Ferdinand. La belle histoire de famille. Et pourtant. Taches et dates manquantes sur l’échiquier familial. Le grand-père que chacun prétend disparu, que chacun efface avec sa propre langue.

C’était mieux avant !, Michel Serres

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 26 Février 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Le Pommier éditions

C’était mieux avant !, août 2017, 96 pages, 5 € . Ecrivain(s): Michel Serres Edition: Le Pommier éditions

 

Le prochain qui nous dira : « C’était mieux avant ! »

Nous entendrons : « J’étais mieux avant ! »

Écoutons plutôt l’un d’entre nous, et pas des moindres, l’optimiste penseur, l’inventeur heureux, ce regardeur d’immensité nous parler d’un immense sans barrières. Avec la passion qui le caractérise. Pour notre salut et notre longévité. Les livres comme autant de miracles. Pour notre plaisir.

Ne désespérons plus surtout !

Il y aurait des phosphorescences un peu partout pour éclairer, non pas la nuit entière mais les nôtres, nos petites nuits, clamer que notre époque est grande et belle, non pas transparente mais lumineuse en chacun de nous. Nous devrions vivre plus longtemps pour pouvoir imaginer d’autres formes, inventer d’autres sources, nourrir d’autres modèles. Créer d’autres possibles. Il en va de notre survie collective.

Les enfants de Rodrigues, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 07 Février 2018. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

Cette sensation a commencé un 13 novembre, le lendemain de mon arrivée à Rodrigues. L’île Rodrigues. Par un petit-déjeuner d’abord sur une nappe bleue cousue de rubans rouges. Du riz, des lentilles, du potiron cuisiné avec soin, les soins de mon hôte dont le prénom aurait dû déjà m’éclairer. Héloïse. Son sourire d’abord, au téléphone, depuis l’aéroport de Port-Louis, à l’île Maurice. Un premier retard, un problème technique, un problème d’appareil, un problème de pilote malade, des passagers absents, des bagages à débarquer, cinq heures de retard. Par chance pas de vents violents, ce jour-là, je me souviens avoir regardé le ciel, je crois que le ciel était clair. Ses bras ouverts à mon arrivée, elle sur le seuil de son gîte, la terrasse entre nous, moi sur mes gardes. Où déjà ?

Rodrigues.

Psychothérapie de Dieu, Boris Cyrulnik

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 19 Janvier 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Odile Jacob

Psychothérapie de Dieu, septembre 2017, 314 pages, 22,90 € . Ecrivain(s): Boris Cyrulnik Edition: Odile Jacob

 

 

Dieu était en souffrance. L’homme devait prendre soin de Lui. Et l’appeler par son Nom. Pour cela, il a créé l’outil, il a pensé le mythe. L’ordre imaginaire. L’intersubjectivité. Or il a oublié son Nom.

L’idée de Dieu serait donc née de la nécessité de vivre ensemble, de cette obligation absolue à vivre. Vivre par soi et avec l’autre, vivre par son corps et avec sa mort. Tenir les hommes entre eux par une seule et même réponse. L’idée de Dieu serait donc née du désespoir, entre autres née de l’effroi, noire terreur ou immensité noire, lueurs tremblantes telles ces fusées déclenchées en cas de détresse. Inspirée de la subdivision parentale, elle serait alors le souvenir réactivé du paradis familial. Dieu à l’image de l’homme. Père, mère, l’homme son enfant. L’homme engagé à reproduire l’image, devenir père, devenir mère. Redevenir Dieu. Et rappeler à Lui la biologie de l’âme.