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La Lettre Écarlate (The Scarlet Letter, 1850), Nathaniel Hawthorne (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 05 Mars 2025. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman, USA

La Lettre Écarlate (The Scarlet Letter, 1850), Nathaniel Hawthorne, Folio, 1977, trad. américain, Marie Canavaggia, 368 pages Edition: Folio (Gallimard)

Écarlate est ce roman, comme la braise qui scintille dans les yeux de la mère sous l’opprobre, et ceux de la fille dont on ne sait si elle est fille de Dieu ou du Diable. Cet ouvrage brûle les doigts et ouvre la route qui mène au torrent de lave incandescente qui irrigue la littérature gothique américaine. Ce roman est un moment-clé de la littérature d’Outre-Atlantique qu’il place à tout jamais sous le thème du combat du Bien et du Mal, du péché et du remords, du châtiment et de la rédemption.

Le génie de Hawthorne est de brouiller sans cesse les lignes, d’éviter radicalement le pathos de la lutte entre le Bien et le Mal pour nous emmener dans des territoires effrayants où la morale ne trouve plus ses repères. La tentation est forte de prêter aux Puritains inquisiteurs les pires penchants mais jamais dans le roman ils ne seront les seuls acteurs du Mal, de même que la femme qui subit l’infamie de la lettre écarlate ne sera – ni elle ni sa petite fille – l’incarnation pure du Bien. Les traits se mêlent, s’entortillent, en un combat douteux dirait Steinbeck, allant jusqu’à superposer les images symboles. Ainsi la madone qui prend forme dans la femme honnie et exposée à la vue d’un public hostile :

Le Chant du prophète, Paul Lynch (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 19 Février 2025. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Iles britanniques, Roman

Le Chant du prophète, Paul Lynch, Albin Michel, janvier 2025, trad. anglais (Irlande), Marina Boraso, 293 pages, 22,90 € . Ecrivain(s): Paul Lynch Edition: Albin Michel

 

Souvent – à la suite d’une métaphore brechtienne – les pouvoirs totalitaires sont comparés à une bête immonde. Ce roman de Paul Lynch prend à la lettre cette incarnation et, dans une dystopie terrifiante, la Bête s’introduit, rampe, progresse, envahit, étouffe. Nulle considération idéologique, nulle référence historique, nulle analyse des processus de l’installation du totalitarisme. Paul Lynch laisse visiblement cela aux experts, politologues ou historiens. Seule l’intéresse la tête d’une femme, espace intérieur dans lequel l’ordre nouveau va balayer l’ancien, construire ses règles, inventer ses syntagmes, sans scrupules, sans le moindre égard pour ceux qui vont subir. La tête d’Eilish Stack devient le théâtre horrifique de l’événement qui frappe l’Irlande, du coup d’Etat qui prend ses citoyens en otages et les écrase lentement, comme un serpent constrictor dans ses nœuds.

La porte étroite, André Gide (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Février 2025. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

La porte étroite, André Gide, Folio, 182 pages Edition: Folio (Gallimard)

 

Un roman sublime est le mot qui s’impose à la lecture de cet ouvrage. Sublime dans toute sa polysémie, à la fois d’une beauté fabuleuse, d’une élévation d’âme absolue, d’une intensité incandescente et enfin le roman d’une sublimation amoureuse irrésistible vers l’Autre et vers Dieu. Alissa et Jérôme sont les doubles littéraires de Ada et Van (Ada ou l’ardeur, Vladimir Nabokov) qui, par le mécanisme puissant de la sublimation, transfèrent l’ardeur des sens vers l’ardeur des âmes. Dans les deux cas la quête suprême est l’absolu et pour Gide le chemin est celui d’un voyage intérieur. Dans un récit marqué par une tension extrême et continue, il tisse une histoire introspective qui met en jeu la possibilité de la pureté.

Aux élans irrépressibles du cœur de Jérôme répondent les passions spirituelles d’Alissa, l’un amoureux, l’autre extatique. Non qu’Alissa aime moins Jérôme que Jérôme aime Alissa mais les chemins de la passion diffèrent, plus amoureux pour l’un, plus mystiques pour l’autre comme une exigence intangible de pureté qui ne supporte aucune trace triviale. Ainsi Alissa :

Rome sous la pluie (Beard’s Roman Women), Anthony Burgess (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 05 Février 2025. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, La Découverte

Rome sous la pluie (Beard’s Roman Women), Anthony Burgess, Editions La Découverte, trad. anglais, Georges Belmont, Hortense Chabrier, 165 pages Edition: La Découverte

 

Loin, très loin des amateurs de cartes postales. La Rome de Burgess est désespérante, inondée de pluies continuelles, sombre, peuplée de personnages douteux et de fous dangereux. Beard, le héros du roman, y trace une route erratique dans les ruelles du Trastevere et dans les abysses de sa vie personnelle. Leonora, sa femme, y meurt dans les premières pages de cirrhose du foie, ouvrant sous ses pas le gouffre d’une dérive incontrôlable. Enfin, il paraît qu’elle meurt, ce qui semble contredit par les coups de téléphone et les messages qu’il reçoit d’elle.

Burgess est un écrivain de la démesure, on le sait avec Orange Mécanique et Les puissances des ténèbres. Le souffle rabelaisien qui anime ses personnages emporte tout sur son passage. La Rome baroque fait écrin à ce roman qui ne l’est pas moins, une Rome disséquée, photographiée (en biais), détestée, injuriée et… grande parce que folle comme les fous du roman.

La Ballade du Café Triste (The Ballad of the Sad Cafe), Carson McCullers (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 29 Janvier 2025. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Le Livre de Poche

La Ballade du Café Triste (The Ballad of the Sad Cafe), Carson McCullers, Livre de Poche, trad. américain, Jacques Tournier, 106 pages Edition: Le Livre de Poche

 

On sait la fascination qu’exercent sur Carson McCullers les marginaux, les réprouvés, les amoindris, les exclus du monde. Son roman le plus célèbre, Le Cœur est un chasseur solitaire, est une ode à cette humanité oubliée, méprisée. Le Café Triste se constitue en point focal de cette lie humaine, si humaine.

Au cœur d’une bourgade perdue du Sud, autour de l’improbable Amélia, va se tisser une sorte de communauté des âmes perdues, phare inespéré dans un océan de misère. Dans une préface peu inspirée, Jacques Tournier (dit Dominique Saint-Alban) s’aventure à énoncer l’extériorité de McCullers au regard de ses confrères écrivains sudistes, ne lui reconnaissant pas comme prédécesseurs et maîtres Faulkner, O’Connor, Caldwell. Erreur d’autant plus frappante que La Ballade du Café Triste est sûrement, avec Frankie Addams, le roman le plus profondément sudiste de McCullers. Les cadres, les maisons, les gens, la pauvreté, l’idiotie, la folie, tout suinte le Sud. Le début du roman est une évocation toute faulknérienne de la ville en août, on n’attend que Lena* avec son gros ventre…