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Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Mirouault les murs seuls nous écrivent, Serge Prioul (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 19 Septembre 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Mirouault les murs seuls nous écrivent, Serge Prioul, Editions La Plume de Léonie, mai 2024, 90 pages, 10 €

 

Né à Fougères en 1955, Serge Prioul a travaillé dans le textile et a deux passions, la pierre et le poème. Poète-maçon, maçon-poète, il s’inscrit dans les pas fervents du « manœuvre » que fut le grand poète Thierry Metz.

A l’occasion de travaux de maçonnerie à Mirouault, le poète a alterné les ciseaux et la truelle, la plume et le ciment, la taille et la pierre, l’écriture des murs et celle des mots.

Sans un mot de trop, comme une pierre s’enchâsse, le poème déroule sa fatigue, sa précision d’orfèvre, le coup d’œil de l’artisan, la griffe du poète.

Pas de graisse entre les mots. Pas de surplus de colle ou de ciment entre les pierres. L’esthétique de notre poète sent l’économie et la justesse. Au fil des travaux, les poèmes viennent, le soir après travail, ou durant la journée, sur un bord de bétonneuse.

As-tu rejoint l’île ?, Jeanine Salesse (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 13 Septembre 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

As-tu rejoint l’île ?, Jeanine Salesse, éditions Pétra, juin 2024, 86 pages, photographies de l’auteure, 16 €

 

D’une Jeanine l’autre ou le journal tenu par l’amie à propos des derniers mois de vie de Jeanine Baude, poète, éditrice chez Pétra, amoureuse de l’Océan et de l’île d’Ouessant. Le livre accompagne l’amie, chez elle, à Ouessant, à l’hôpital où elle est soignée pour un cancer.

Les 71 poèmes tracent, entre souvenir et déploration, le portrait d’une femme qui aimait la vie, les autres, la poésie, l’amitié. Mais comment rejoindre la disparue ? Sinon par les poèmes, sinon par la ferveur de l’amitié. Comme dans le beau livre de René de Ceccatty, L’accompagnement, Jeanine Salesse honore la mémoire toute proche d’une sœur d’écriture :

« Cantate de la remémoration

Quelle joie de retrouver ta maison après un séjour à l’hôpital ! » (p.21).

Tant que le poème n’aura pas dit son dernier mot, Marc Baron (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 05 Septembre 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

Tant que le poème n’aura pas dit son dernier mot, Marc Baron, Le Taillis Pré, mai 2024, 156 pages, 17 €

 

Durant cinq années, le poète de Fougères a tenu un « vrai cadastre » de ses jours, de ses nuits. Ecrire un poème, c’est pour lui entrer dans la nuit de la connaissance et de l’humilité. Ainsi ces nombreux poèmes se sont écrits la nuit, quand silence et profondeur tissent le travail de création.

Le poète ne peut vivre sans : le poème c’est le « labour » intérieur qui s’impose chaque jour, c’est l’exutoire, c’est « la lumière » des mots qui fend l’obscurité.

Les titres disent assez tout le travail de sape du poème, auquel le poète s’adresse sans cesse : confident, interlocuteur du songe, outil existentiel, etc.

Ressasser le mot « poème » convoque ici tous les sens : la nuit délivre la gangue de tous les mots, susceptibles de trouver une voie dans cette « recherche » quotidienne.

Voix sous les voix, Angèle Paoli (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 30 Août 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Al Manar, Recensions, Poésie

Voix sous les voix, Angèle Paoli, Al Manar éditions, juin 2024, belles peintures de Marie Herber, 64 pages, 18 € . Ecrivain(s): Angèle Paoli Edition: Al Manar

 

Ce livre est non seulement un beau recueil de poésies et de peintures abstraites très colorées, il est également un hommage soutenu et fervent à l’écriture et au destin de plusieurs poètes et écrivaines, disparues suite à des suicides ou morts violentes.

Se glissant dans la peau de voix aimées, notre chère poète de Canari prend appui sur les textes des défuntes pour en donner une nouvelle lecture, grâce à sa voix personnelle, réussissant à renouveler son « je ».

Parler au nom des autres est un fameux défi que la poète remplit sans problème : sa voix épouse d’autres voix, celles de V. Woolf, de Marina Tsvetaïeva, de S. Plath, d’A. Pizarnik, d’Amelia Rosselli, d’I. Bachmann.

Il s’agit d’épouser aussi la douleur constante que ces écrivaines ont sans cesse ressentie lors de leurs parcours, souvent fulgurants : une vraie difficulté de vivre, avec soi, avec les autres, avec le tourment infernal du mal être dans un monde trop grand pour elles.

Papa, Fumiko Hayashi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 11 Juin 2024. , dans La Une Livres, Japon, Les Livres, Recensions, Roman

Papa, Fumiko Hayashi, Editions du Canoë, juin 2024, trad. japonais, René de Ceccatty, 128 pages, 12 €

 

L’auteure de Vagabonde a l’art de raconter de petites choses sans y toucher, en conservant candeur, gentillesse et légèreté.

L’histoire se déroule à Tokyo. Le papa est rentré de guerre, après la défaite. Ken-chan, qui a deux frères et sœurs, relate la vie quotidienne, assez chiche, on manque de tout et le papa ne retrouve pas d’emblée du travail. Mais cette vie est pleine de rencontres, d’amitiés, de petites visites en famille.

Comme chez Ozu, l’existence est auréolée de beauté et de bonté. L’enfant narrateur a le don de « s’émerveiller de tout » et le lecteur participe de ce bonheur. En vingt chapitres, la romancière réussit à nous plonger dans l’atmosphère de ces années d’après-guerre, avec les restrictions, les bouffées d’espérance, les familles réunies enfin, après tant d’années de conflit. Dans une langue économe, poétique, qui relaie les pensées d’un enfant, l’écrivaine japonaise nous fait partager les soucis d’une famille ordinaire : la maladie de la mère, la quête du travail par le père, les tâches ménagères que les enfants aussi assument.