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Le jour fait l’adieu, Zohra Mrimi (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 03 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Maghreb, Poésie, Z4 éditions

Le jour fait l’adieu, mars 2019, 114 pages, 12 € . Ecrivain(s): Zohra Mrimi Edition: Z4 éditions

 

Chez Zohra Mrimi, la solitude se conçoit de façon artistique : « Je blanchis ma solitude comme un tableau de maître » dit-elle. Fondante sur les lèvres, suggérée aux anges, cette solitude parfaitement apprivoisée, évoquée dans des jeux d’ombre en noir et blanc, inversant d’ailleurs les couleurs dans leurs rôles « normaux », se fait davantage sentir « quand un poète s’absente ».

La poète avance avec sa déclaration d’Amour à la boutonnière, multipliant la progression émotive de ce qu’elle dit : « Je t’aime/Je double mes pas/double mes jours ».

Comme dédoublée d’une absence, l’auteur a ce recul nécessaire pour prendre conscience, se servant sans doute d’un paysage familier, que « l’Amour ne passe pas vers telle sécheresse ».

Vulnérable, la protagoniste énoncée à la troisième personne, semble être une projection de celle qui écrit, une sorte de miroir : « Elle est libre/Elle est nue/Elle est invisible aux couteaux qui la tuent/Le rythme de l’agonie est visible ».

Tignasse étoile, Evelyne Wilwerth (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 17 Avril 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Tignasse étoile, Evelyne Wilwerth, éditions M.E.O., février 2019, 168 pages, 16 € . Ecrivain(s): Evelyne Wilwerth

 

Le dialogue est endiablé, presque incisif mais joyeux chez cette enfant (fille), Jacinthe soucieuse de son aspect transcendé par ce que peut être ou devenir (parfois malgré elle) sa coiffure.

L’intelligence, elle, se pose en adulte : « Mais je distingue bientôt des oiseaux étranges qui tournent, tournent dans le ciel. Dans mon ciel, à l’intérieur de moi. Vite sous les couvertures ».

Style enlevé. Phrases courtes emportant l’idée : « Annonce l’arrivée du ministre dans dix minutes ».

Gestuelle impeccable. Diction irréprochable.

Introduction claire et charpentée. Choyé, l’enfant se fait son monde : « Je ferme les yeux. J’entre dans de l’ouate. Je n’entends plus rien. Sauf ma respiration ».

En très peu de mots mais qui se succèdent à eux-mêmes comme une évidence, Evelyne suscitant une idée évaluée à la rapidité de l’action, suggère l’envie de lire en continu et presque même de la précéder dans sa démarche, ce genre de style motivant fortement l’intrigue à percevoir.

Battre l’immense, Béatrice Libert (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 05 Avril 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Battre l’immense, Revue Nunc, éditions De Corlevour, 2018, 74 pages, 15 € . Ecrivain(s): Béatrice Libert

 

Chez Béatrice Libert, le poème brasse le quotidien ; le mot est dans chaque geste, dans chaque attente.

Vivant en poésie, presque en « Petit Poucet », elle (je) « pose ses galets sur la page/ Et trace en silence la Voie prodigieuse/ De l’émerveillement ».

En effet, le poème et le jour ne font qu’un dans sa belle assimilation à ouvrir un visage ou éclairer une nuit (« Eteignez la lumière/ Ouvrez votre visage/ Laissez-les éclairer votre nuit/ »).

En recherche de cette communication ultime pensée en « lettre d’amour », dans « une portion étrange et vide/ Décalée du réel/ A l’intervention du fracas », la poète, funambule en mots de Vie, sait que « même les écureuils/ Connaissent le vertige ».

C’est que, Béatrice, équilibriste en mots simples, gère le poème de main de maître avec une sorte de fracas qui l’habite, mais sans état d’urgence. Toute appellation serait-elle donc vaine puisque « l’arbre n’est pas l’arbre » et que « le (ce) poème/ N’est pas un poème/ ».

Ce que le bleu ne sait pas du fragile, Anne-Marielle Wilwerth (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 25 Mars 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Ce que le bleu ne sait pas du fragile, Éditions Le Taillis Pré, 2019, 98 pages, 14 € . Ecrivain(s): Anne-Marielle Wilwerth

 

Comme pour laisser ouverte l’infinitude qui l’habite, Anne-Marielle n’a pas numéroté la page du dernier texte du recueil, laissant peut-être ainsi s’échapper les mots afin qu’ils se fassent, en pensées, oiseaux libérés confondus avec les lentes vagues de l’écrit qui, presque en permanence, l’habitent : « Les mots/ de l’inespéré à eux seuls/ sont capables d’ouvrir/ le monde ».

Si les thèmes d’Anne-Marielle Wilwerth sont universels, la manière de les appréhender est très personnelle : « ce que le bleu ne sait pas du fragile », la poète le sait mieux que personne.

Elle a appris. Dans le sens noble du terme, avec patience et progressivité, construisant, de livre en livre, un univers propre dans lequel, promeneuse, elle guide le lecteur dans le sens humain et littéraire de ses bonnes intentions à faire éclore, faire découvrir le monde à la fois réel et onirique qui l’habite.

L’auteur utilise, à bon escient, le mot choisi nécessaire à sa vocation partageuse : « Les vagues/ parlent si bas/ qu’on les entend à peine/ C’est l’instant où le silence/ éteint l’incendie/ des inutiles bavardages ».

Le mendiant sans tain, Philippe Leuckx (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 18 Mars 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Le mendiant sans tain, éd. Le Coudrier, février 2019, ill. Joëlle Aubevert, préface Jean-Michel Aubevert, 54 pages, 16 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx

 

« Ma peau n’est qu’un poème déserté Qui m’inflige patience » : c’est effectivement à sa fleur que s’entame cette absence de toucher qui fait si mal à l’indifférence.

Y aurait-il triste mais lumineuse référence à rappeler que « parfois un souvenir étoile un front éteint » et faire ainsi un parallèle indirect à l’individu isolé montré du doigt ?

Avec ce carton littéraire à vouloir protéger cette grandiose image de l’être seul, mais profond, Philippe Leuckx ne rate pas sa cible à vouloir dénoncer ce « nœud de la douleur allongé (A s’allonger) ainsi sans se plaindre ».

Les images sont telles que le poète semble avoir vécu, lui-même, l’expérience de « n’être qu’un reflet De l’autre côté de la vitre Ou de la vie ».

Mais le poète n’est-il pas éponge pour ses semblables ?