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La vie princière, Marc Pautrel

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 26 Janvier 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

La vie princière, janvier 2018, 10,50 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

« Ton enthousiasme est extraordinaire, c’est la chose la plus précieuse chez toi, cette électricité rieuse, cette acceptation par principe de toute proposition, et la façon dont tu me salues quand j’arrive ensuite : en faisant de la main, paume ouverte dressée à la verticale dans ma direction et oscillant de droite à gauche, comme ces dizaines de mobiles de carton en forme de mains que j’avais vus une fois, accrochés avec une ventouse sur la baie vitrée de l’aéroport Marco Polo de Venise, face aux pistes d’envol… ».

La vie princière est une lettre à l’aimée, L.

Une adresse romanesque, ciselée, ouvragée, où chaque mot, chaque phrase semble pesée par une balance Trébuchet – il y a de la poudre d’or dans ce roman. Le narrateur séjourne au Domaine, lieu où se côtoient des chercheurs, des scientifiques, des universitaires et un écrivain. Le soir de son arrivée, le narrateur tombe sur L. « – Oh, pardon, je ne vous avais pas vue », un éclair traverse sa vie, la foudre qui s’abat sur son regard et enflamme sa peau. Elle, travaille « sur la figure du Christ chez les auteurs du XXe siècle ». Lui, écrit des livres, l’un sur « un pays lointain, ou plutôt ma succession de projets autour de mon impossible roman sur ce thème ».

Tina, Christian Laborde

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 17 Janvier 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Les éditions du Rocher

Tina, janvier 2018, 128 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Christian Laborde Edition: Les éditions du Rocher

 

« La nuit est un animal qui ne dort que d’un œil. Elle sent bien que cette sortie à moto est une fuite, qu’une peau est en jeu. La nuit prend soin de Tine, de ses cheveux. C’est elle qui règle l’intensité du vent, le maintient à distance du side-car. Le vent ne doit pas décoiffer Tine ».

Tina fuit, elle fuit la fureur des hommes, la vengeance des vauriens de Vissos, le charivari, elle ne laissera pas ces résistants lui voler sa longue chevelure flamboyante, elle refuse les crachats, les insultes, et l’infamie. Alors, elle fuit, elle fuit dans la nuit occitane avec l’aide de Gustin, fidèle et silencieux, elle fuit vers la ville, vers Toulouse où personne ne la connaît, pour se cacher chez les Sœurs de la rue des Trois-Fontaines. Elle a une mémoire affutée Tina, comme son regard, elle ne plie pas, elle s’ouvre au monde, comme elle ouvrait ses bras à son amant Karl, l’officier allemand qui lui offrait en retour des vers de Verlaine, d’Hugo, de Musset, d’Apollinaire : « En admirant la neige semblable aux femmes nues ».

Le Bon Cœur, Michel Bernard

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 10 Janvier 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La Table Ronde

Le Bon Cœur, janvier 2018, 240 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde

« Les sons et les mouvements de la nuit ne les inquiétaient plus. Leurs sens s’étaient habitués. Le hululement d’un hibou sur son territoire de chasse, suave et prenant, la solitude d’un chêne, son orbe découplé sur la nuit, le vol errant d’une chauve-souris, étaient les signes d’amitié de la forêt. Ils avançaient comme des ombres dans un rêve, et c’était le rêve de la jeune fille ».

Le Bon Cœur est le roman d’une jeune paysanne dont le prénom deviendra un nom, et dont le nom inspira historiens, musiciens et cinéastes : Jeanne d’Arc. De Jules Michelet à Georges Duby, de Joseph Delteil à Anatole France, de Dreyer à Victor Fleming et Otto Preminger, de Robert Bresson à Jacques Rivette, sans oublier Gérard Manset, avec une passion commune, saisir le visible et l’invisible, faire voir ce qui a fait de l’histoire de Jeannette de Domremy une histoire française. Le Bon Cœur fait entendre l’histoire de la reconquête du Royaume de France, et une voix singulière et unique, qui résonne, comme celles qu’elle a entendues avant de se lancer dans cette aventure, les voix font parfois l’Histoire et souvent les grands livres. Cette voix singulière est aussi celle du roman de Michel Bernard, il conte avec finesse cette folle épopée française, qui la conduit à Orléans et à Reims, avant de tomber dans les mains des Bourguignons et des Anglais, cette traversée de l’Histoire, et des histoires, cette guerre de reconquête et de mots, où l’héroïne insaisissable et troublante écrit une Histoire nouvelle, les armes à la main.

Œuvres romanesques précédées de Poésies complètes, Blaise Cendrars en la Pléiade

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 22 Décembre 2017. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Critiques, Poésie, Roman

Œuvres romanesques précédé de Poésies complètes, Edition établie et présentée par Claude Leroy, 2 volumes, 115 € (jusqu’au 31 mars 2018) . Ecrivain(s): Blaise Cendrars Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Je resterai ma vie durant

à regarder couler la Seine…

C’est un poème dans Paris »

(La Seine, Poèmes tardifs).

Blaise Cendrars fait une nouvelle apparition dans la Bibliothèque de la Pléiade, avec deux volumes d’œuvres romanesques et poétiques, aux mille éclats de paillettes d’or. En 2013, Gallimard publiait deux premiers opus, consacrés aux Œuvres autobiographiques – si essentielles à l’écrivain voyageur : L’Homme foudroyé, La Main coupée, Bourlinguer, et Prière d’insérer. Le Tour du Monde poétique et romanesque du poète armé du bouclier de son œuvre (1) s’achève. L’arpenteur, le guerrier du présent, le bourlingueur lettré, l’engagé volontaire, nous livre ses Mémoires d’outre-vie composées sur le vif du sujet, sur le motif, à la manière de Cézanne et c’est admirable.

Lettres à Dominique Rolin (1958-1980), Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 12 Décembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Correspondance, Gallimard

Lettres à Dominique Rolin (1958-1980), novembre 2017, Edition de Frans de Haes, 400 pages, 21 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Cela vit, s’agite, semble me cerner de toutes parts, moi et ma torpeur. Et par un phénomène intérieur assez fréquent, j’ai l’impression d’être, au-dehors, autre chose que moi-même, qui se mêle au jeu silencieux et mouvant du jardin ; de me perdre et de m’ignorer sans trop de peine. Je suis donc pour finir, un jardin qui t’aime, et rien d’autre : c’est trop fatigant » (Feydeau, lundi 23-24 mars 1959).

Dominique Rolin est la grande aventure romanesque et physique de Philippe Sollers, l’absolue complicité. Cette correspondance (le premier acte, les autres sont annoncés) est le cœur en mouvement de deux écrivains inclassables, un premier acte saisissant de justesse, de vérité et de beauté. Et que l’on ne s’y trompe pas, il faut, pour réussir ce pari inouï, s’accorder au mouvement musical de la vie, la faire sienne, et rejeter dans les ténèbres les compromissions, les mensonges, les petits arrangements littéraires, les peurs et les hontes, et ne garder que le bonheur d’être. Je suis, donc j’écris. Je suis, donc j’aime. Je suis, donc je mets tous mes muscles à l’écoute de ce qui se révèle là sous mes yeux, semble-t-il dire.