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Tête en bas, Etienne Faure, par Nathalie de Courson

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 31 Août 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Tête en bas, Etienne Faure, Gallimard, mai 2018, 140 pages, 15 €

 

Tête en bas, sixième recueil de poésies d’Etienne Faure, est un livre non moins acrobatique – voire vertigineux – que son titre et ses deux exergues :

« Celui qui chute, vole », Hannah Arendt

« … je voyais l’envers de la vie que l’on menait en ville… », Anton Tchekhov

La composition de l’ensemble reste, comme celle des recueils précédents, rigoureuse, équilibrée, avec 130 poèmes de seize à vingt vers, répartis en douze sections et s’étendant chacun sur une page et une phrase à la fois. Ils portent tous un titre placé, à deux exceptions près, à la fin du poème, en quelque sorte tête en bas. Cette caractéristique de la manière d’Etienne Faure, partagée avec les autres recueils, prend ici toute sa signification, dans des pages que l’on est amené à reparcourir de bas en haut en même temps que s’effectuent dans les thèmes traités diverses descentes, remontées et retournements en doigts de gants.

L’Abattoir de verre, J. M. Coetzee

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 24 Août 2018. , dans La Une Livres, Afrique, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Seuil

L’Abattoir de verre, août 2018, 166 pages, 18 € . Ecrivain(s): John Maxwell Coetzee Edition: Seuil

 

Sait-on bien vers où l’on s’embarque lorsqu’on entre dans un livre de J. M. Coetzee ? Malgré sa prose limpide et le retour d’un personnage connu de ses lecteurs : Elizabeth Costello – la vieille écrivaine australienne éponyme du roman de 2003 – cet auteur nous fait sciemment perdre dans L’Abattoir de verre sextant et boussole.

Moral tales est le titre anglais de ce recueil de sept histoires écrites entre 2003 et 2017, et dont la deuxième est un récit d’adultère tranquillement amoral intitulé Histoire sans plus. Autre élément surprenant : l’auteur a voulu que Moral tales paraisse d’abord en traduction espagnole à Buenos Aires et à Madrid sous le titre de Cuentos morales, comme s’il voulait marquer ses distances envers sa langue et les pays anglo-saxons. Serait-il proche d’Elizabeth Costello qui, d’un récit à l’autre, après avoir refusé de vivre ses vieux jours à Nice près de sa fille Helen, repousse énergiquement l’offre de son fils John de s’établir près de lui à Baltimore, car « venant d’une Australie qui bave littéralement devant son maître américain », elle ne veut pas se « fixer dans le ventre du Grand Satan » ?

Derrière le Cirque d’hiver, Xavier Person

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 18 Mai 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Verticales, Roman

Derrière le Cirque d’hiver, mars 2018, 143 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Xavier Person Edition: Verticales

 

Xavier Person a beaucoup écrit sur les autres. Dans son recueil d’articles de 2014, Une limonade pour Kafka, il posait la question : « Sur quoi écrit-on vraiment en écrivant sur le texte d’un autre ? Sur le fait de n’avoir pas écrit soi-même ce qu’on rêvait d’écrire ? ». Mais dès la page 51 se glissait au mode conditionnel l’ébauche d’un projet d’écriture plus personnelle : « (…) Oui, mon livre serait ainsi fait de courts récits insignifiants, minces événements que je ne saurais pas interpréter ».

Ce souhait contribue à définir la soixantaine de récits d’une à six pages qui constituent quatre ans plus tard Derrière le Cirque d’hiver. Xavier Person ne campe plus entre les maisons des autres comme cet homme du premier récit qui « vit dans un mur », mais s’installe dans ses quartiers à lui, au sens géographique (il demeure effectivement derrière le Cirque d’hiver), comme au sens littéraire, seul à seul avec lui-même.

Patria, Fernando Aramburu

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mercredi, 09 Mai 2018. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Espagne, Roman

Patria, mars 2018, trad. espagnol Claude Bleton, 614 pages, 25 € . Ecrivain(s): Fernando Aramburu Edition: Actes Sud

 

« Celui qui n’a pas lu Patria,c’est qu’il vit sur la planète Mars », entend-on dire ici et là en Espagne. Fernando Aramburu ne se plaint pas de son succès, bien que, disait-il le 4 avril à Paris, il s’agisse d’un phénomène social sans rapport direct avec la littérature. La modestie de ce propos ne doit pas nous empêcher d’accorder à Patria l’attention littéraire qu’il mérite.

Ce poignant roman au titre laconique pourrait avoir pour sous-titre « Histoire d’une discorde » car il met en récit la grande discorde civile du pays basque ravagé par les années de lutte armée que continua d’y mener, entre la mort de Franco et 2011, l’ETA (acronyme d’Euskadi Ta Askatasuna, signifiant Patrie basque et liberté).

Aramburu fait le choix de la présenter sous la forme d’une tragédie familiale couvrant un peu plus de deux générations. Bittori, villageoise en exil à Saint-Sébastien, pleure son mari Le Txato, patron d’une petite entreprise de camions, abattu à deux pas de chez lui, après un long harcèlement de graffiti et de lettres de menaces, pour avoir refusé de payer « l’impôt révolutionnaire ». L’amie d’enfance de Bittori, Miren, restée au village, récrimine contre l’incarcération interminable, au fond de l’Andalousie, de son fils Joxé Mari, membre de l’ETA ayant appartenu au commando qui a assassiné Le Txato.

Le Lévrier, Vanessa Montfort

Ecrit par Nathalie de Courson , le Lundi, 12 Mars 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Théâtre

Le Lévrier, Actualités Editions, coll. Les Incorrigibles, 2016, trad. espagnol, David Ferré, 126 pages, 11 € . Ecrivain(s): Vanessa Montfort

 

Le Lévrier de Vanessa Montfort est une pièce qui affirme avec un magnifique brio la vitalité du jeune théâtre d’auteur espagnol.

Dans la cuisine d’une maison madrilène encombrée de cartons, cinq personnages s’affrontent autour d’un lévrier abandonné : Elena et Daniel, qui l’ont recueilli pendant quelques mois et qui souhaiteraient le garder sans en avoir les moyens financiers ; Hans et Greta, couple plus aisé venu d’Allemagne pour l’adoption officielle ; et Rita, membre bénévole d’une association de défense des animaux, chargée de superviser l’adoption.

Le lévrier – que l’on entendra sans le voir – est un animal hautement symbolique, un galgo de pure origine espagnole qui témoigne du panache perdu de la vieille nation. En cette période de crise économique où les propriétaires insolvables doivent déménager, les chiens abandonnés pullulent et les lévriers impropres à la chasse subissent de mauvais traitements causant un grand émoi dans l’opinion publique.