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Articles taggés avec: Guyomard Fanny

Quitter les mots ?, Corinne Lellouche (par Fanny Guyomard)

Ecrit par Fanny Guyomard , le Mardi, 06 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie

Quitter les mots ?, Editions Michel de Maule, janvier 2018, 168 pages, 20 € . Ecrivain(s): Corinne Lellouche

 

Au début, ce livre peut rebuter (le lecteur est d’ailleurs prévenu dès la première phrase). Mais il faut lui laisser sa chance. Sa langue erratique, obscure, exige un effort : la poésie se mérite.

Parce qu’au début, on peut se perdre avec ce personnage tantôt féminin, tantôt masculin. Parfois, on n’y comprend rien, on se bat un peu avec la syntaxe, on ne saisit pas où l’auteure nous entraîne, le sens de cet écheveau d’idées. Mais laissons-nous entraîner par ce flux de parole.

Il faut lui laisser sa chance, parce qu’à certains moments, la langue s’éclaire en formules d’une extraordinaire clarté : tout à coup, l’auteure assène une idée, qui jaillit d’une éblouissante fulgurance.

Alors, on finit par être transporté dans ce flot d’écriture, a priori désordonné. Au fur-et-à-mesure, les pages se répondent entre elles, un réseau se tisse, et l’on comprend comment les idées disparates font sens.

C’est un long monologue, sur la perte de l’être cher, sur la marchandisation et la virtualisation du monde. Sur la précarité sociale et mentale de la société. Sur la perte de la parole.

Mais leurs yeux dardaient sur Dieu, Zora Neale Hurston (par Fanny Guyomard)

Ecrit par Fanny Guyomard , le Vendredi, 02 Novembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Zulma

Mais leurs yeux dardaient sur Dieu, septembre 2018, trad. américain Sika Fakambi, 336 pages, 21 € . Ecrivain(s): Zora Neale Hurston Edition: Zulma

 

« L’amour ! C’est juste ça qui nous fait toutes à tirer à traîner à suer à trimer de peut pas voir au matin jusqu’à peut pas voir au soir. C’est de par ça que les anciens d’avant y disent que d’être un imbécile ça va pas jamais tuer personne. Ça va juste de faire à suer » (p.45).

Mais leurs yeux dardaient sur Dieu est un roman d’apprentissage, celui d’une femme métisse dans la Floride du début de siècle, qui doit s’affirmer face aux attentes sociales d’autant plus contraignantes lorsqu’on est femme, de couleur, femme du maire par exemple ou approchant d’un certain âge. Janie apprend aussi l’amour, à travers trois mariages lui faisant traverser une palette d’états : de la résignation innocente à la désillusion, de la colère contenue au désespoir, de la jalousie inquiète à l’euphorie.

Ce roman est une réflexion sur la liberté, le libre arbitre n’étant possible qu’avec une dose de curiosité et de courage. A cet égard, Zora Neale Hurston construit un personnage fort, qui brave les croyances et le regard pesant de la société cherchant à lui dicter sa conduite.

Les jours de silence, Phillip Lewis, par Fanny Guyomard

Ecrit par Fanny Guyomard , le Mardi, 16 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Belfond

Les jours de silence, août 2018, trad. américain Anne-Laure Tissut, 448 pages, 22 € . Ecrivain(s): Phillip Lewis Edition: Belfond

 

Quête du père, quête de l’autre et des mots pour exprimer l’amour. Avec sa plume sensible et élégante, Phillip Lewis offre un magnifique roman qui interroge les silences de notre enfance, les questions demeurées insolubles sur nos pères impénétrables dont on cherche la reconnaissance.

Comme ces romans qui se déroulent sur plusieurs décennies, Les jours de silence convoque un puissant et tendu sentiment de nostalgie. Nous ressentons les sept années qui ont été nécessaires pour écrire ce roman, ce temps qui infuse l’écriture et qui la fait traverser plusieurs phases.

Le regard enchanté de l’enfant narrateur devient lors de son exil le récit d’une longue déchéance, d’une errance destructrice. Un déni du passé, qui ne cesse pourtant de resurgir. Car en fuyant et en s’oubliant, le narrateur ne fait que redevenir ce père alcoolique. Il devient (involontairement ?) son double, comme pour mieux le comprendre. Et dans cette quête s’exprime en filigrane l’essence ambivalente de la littérature : elle est autant force d’illusion que de désillusion.

Helena, Jérémy Fel (2ème critique)

Ecrit par Fanny Guyomard , le Mardi, 04 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Rivages, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman

Helena, août 2018, 768 pages, 23 € . Ecrivain(s): Jeremy Fel Edition: Rivages

 

Décor : une ferme américaine perdue au milieu des étendues de maïs. Personnages : une adolescente en manque d’affection, une mère rongée par le secret et qui trouve son échappatoire dans un rêve américain. Ses trois enfants.

Action : la jeune fille tombe en panne, et atterrit chez cette famille apparemment sans histoires. Mais dans cette maison hantée, le pire va arriver. Et le cercle des vengeances sera impitoyable.

Ce récit interroge les relations familiales, et explore les situations les plus malsaines qui émergent de la détresse existentielle de chaque personnage. Les chapitres alternent les focalisations, pour explorer les pulsions les plus personnelles, les peurs les plus profondes.

Mais en même temps, l’auteur propose un moyen de les dépasser, en introduisant la fructuosité de la relation entre l’enfant et la mère, quand celle-ci l’encourage dans ses projets, quand son amour est un tremplin pour son accomplissement.

Presque une nuit d’été, Thi Thu

Ecrit par Fanny Guyomard , le Vendredi, 31 Août 2018. , dans La Une Livres, Rivages, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman

Presque une nuit d’été, août 2018, 180 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Thi Thu Edition: Rivages

 

« Je voulais capter ce qui fait de l’homme un homme » (p.14).

Une narratrice erre dans les rues d’une ville indéterminée, ou dans l’imaginaire des récits qu’elle recueille. A travers son regard de photographe et les mots d’une romancière, elle tente de restituer la condition humaine, cette fragile existence emportée dans le flux des éléments, mais qui peut se retourner en force lorsqu’elle accepte d’épouser ce mouvement qui nous est imposé.

Le roman suit ce long cheminement, qui au départ ne semble concerner qu’une individualité ennuyée et vagabonde. Mais au fil des rencontres et des histoires, la narratrice de notre temps moderne prend pleinement conscience de l’universalité de sa quête personnelle. Car chaque protagoniste vit la même quête : trouver sa place.