Identification

Articles taggés avec: Garcia Cathy

Pourquoi j’ai construit une maison carrée, Jean Guilaine

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 16 Novembre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Babel (Actes Sud), Roman

Pourquoi j’ai construit une maison carrée, juin 2013, 333 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Jean Guilaine Edition: Babel (Actes Sud)

 

On prend plaisir à lire cette histoire qui prend place au Proche-Orient, il y a 10.000 ans, on peut la considérer comme un divertissement agréable, mais c’est aussi une intéressante source de réflexion. Elle pose surtout un questionnement qui reste d’actualité : le progrès est-il toujours un progrès ?

Nous plongeant dans cette période néolithique qui fut un grand tournant de l’histoire humaine, elle met en scène en version accélérée et avec humour les diverses étapes de la transition entre le mode de vie multimillénaire du chasseur-cueilleur nomade et celui de l’agriculteur-éleveur, la naissance des premiers villages, l’abandon de la tente, puis de la maison ronde pour les bâtisses carrées à une, puis plusieurs pièces, la découverte de nouvelles techniques comme le tissage, la terre cuite. A chaque pas en avant, outre un confort bien réel, correspond aussi l’apparition de problèmes inconnus jusque-là : avec l’entreposage de céréales, l’invasion de rongeurs et en contrepartie la domestication du chat ; avec la concentration de bêtes, des maladies ; avec la découverte du tissage, le souci de l’apparence ; avec le sédentarisme, la propriété et la convoitise, donc le besoin de se protéger ; avec les premiers villages fortifiés, la guerre, et avec la vie en société de plus en plus organisée, le goût du pouvoir, du luxe et de la luxure…

Les hamacs de carton, Colin NIel

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 04 Novembre 2013. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Polars, Roman

Les Hamacs de carton, une enquête du capitaine Anato en Amazonie française, juin 2013 (première édition aux Ed. du Rouergue en 2012), 380 p. 8,80 € . Ecrivain(s): Colin Niel Edition: Actes Sud

Une intrigue dense et bien ficelée, des personnages consistants, pour cette enquête policière dans laquelle on se laisse volontiers embarquer. Son originalité est sans conteste l’univers dans lequel elle se déroule, peu exploré habituellement dans ce genre de littérature : la Guyane française, et plus particulièrement les communautés de Noirs-Marrons qui vivent le long du fleuve Maroni.

Le capitaine Anato mène l’enquête, fraîchement débarqué de la capitale métropolitaine, de la nécropole, comme certains Guyanais appellent la France. Anato est lui-même d’origine ndjuka, l’une de ces communautés de Noirs-Marrons, mais de ses origines, il ne connaît pas grand-chose, car ses parents avaient quitté la Guyane pour la France alors qu’il était encore enfant. Il a donc passé la majeure partie de sa vie à Paris. Mais le jour où ses deux parents, retournés en Guyane pour la première fois depuis tout ce temps, meurent là-bas dans un accident de voiture, le capitaine Anato ressent le besoin de se rapprocher de ses origines. Il postule donc pour un poste à Cayenne, sans trop savoir ce qu’il espérait retrouver là-bas. Il y retrouvera des membres de sa famille, mais se sentira au départ véritablement étranger, ne connaissant rien ou presque de la culture ndjuka d’une part, et d’autre part à cause de son métier, car une des premières enquêtes qui lui sera confiée le plongera de plain-pied dans ces communautés qui vivent au bord du fleuve.

Le plancher, Perrine Le Querrec

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 26 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Le plancher, Éditions Les doigts dans la prose, avril 2013, 134 pages, 15 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec

 

Le plancher est un livre d’une densité singulière, qui au fur et à mesure confine à l’étouffement, et pour cause, l’histoire peinte ici raconte le basculement dans la folie de toute une famille. Peinte, car la langue dont use l’auteur est un matériau quasi organique qui est à elle toute seule une œuvre d’art. La poésie n’y est pas un décorum, mais véritablement la seule langue possible pour formuler l’indicible, pénétrer l’intolérable et infuser la folie dans les tripes même du lecteur. Car si dans la première partie nous sommes encore dans la narration, dans la seconde nous culbutons du côté où la langue elle-même s’affole. Une langue pleine de terre, taillée au couteau, absolument magnifique cependant, flamboyante comme un crépuscule d’automne. Dans la troisième partie, elle nous immerge pour de bon dans un bourbier de démence.

La première partie est intitulée La souche. La souche, ce qui reste d’un arbre que l’on a coupé, les racines toujours plongées dans la terre, nourricière ou collet, c’est selon. Ici cette terre, cette terre de paysans, passera de nourricière à cocon toxique, jusqu’à ce que piège, elle se referme définitivement. Nulle métamorphose heureuse n’en sortira.

Requiem, Marie-Josée Desvignes

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 09 Octobre 2013. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Poésie, Cardère éditions

Requiem, avec 12 encres de l’auteur et des photos d’Hélène Desvignes, septembre 2013, 108 pages, 14 € . Ecrivain(s): Marie-Josée Desvignes Edition: Cardère éditions

 

Requiem comme son nom l’indique est une pièce maîtresse et bouleversante. Il s’agit bien comme son titre l’indique d’un hommage à un défunt, une cérémonie du souvenir, mais aussi une pièce d’un puzzle jusque-là resté inachevé, qui vient donc combler un manque, refermer autant que possible une plaie béante, car le défunt, ici, n’a jamais eu d’existence, il n’a jamais été reconnu parmi les vivants et donc impossible de le compter parmi les morts.

Pas de pleurs, sauf les miens, en silence, toujours – loin des autres, quelque chose de honteux – faut cacher.

Il faut cacher et il faut oublier, lui a-t-on dit, et le silence est tombé comme une chape sur la mère. Cette mère qui ne l’a pas vu elle, seul le père l’a vu, l’enfant. Cet enfant non viable, lourdement handicapé, mort peu de temps après avoir été tiré du ventre, deux mois avant terme. Cet enfant qu’il fallait oublier, ne pas nommer, juste un blanc dans la lignée familiale.

Le désespoir des anges, Henri Kénol

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 02 Octobre 2013. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Roman

Le désespoir des anges, avril 2013, 326 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Henri Kénol Edition: Actes Sud

 

Ce roman qui se déroule à Haïti est un roman coup de poing, sans concession, qui nous plonge au cœur de la Cité, ces quartiers à la périphérie de Port-au-Prince, ville qui ne sera jamais citée autrement que par le terme de centre-ville, en opposition à ces ghettos tombés entre les mains de gangs d’une violence qui n’a d’équivalent que la misère dont ils sont issus. Peu importe la qualité de la graine, pour survivre dans ce terreau-là, elle ne pourra devenir que mauvaise. Des gangs qui maintiennent leur pouvoir tout en servant, chef après chef, car les têtes tombent vite, le Président et ses sbires, y compris leurs intérêts étrangers, chez qui là aussi, sinon plus, trafic, violence et corruption sont les maîtres mots. Ainsi les gangs fournissent d’innombrables mains sales et promptes à faire parler fusils et machettes, les malheureusement trop fameuses « chimères » d’un président dont le nom ne sera pas cité. Qu’importe, l’histoire se répète à Haïti comme ailleurs. Des hommes de mains pour semer la terreur dans la population, faire taire des opposants et manifestants gênants. En échange, les zotobrés, les notables, ferment les yeux sur les abominations commises dans les territoires-prison qui sont sous contrôle des gangs, ces quartiers miséreux et cette population dont personne ne veut ailleurs, ils y envoient parfois discrètement des bulldozers pour enterrer les morts et cacher les charniers quand ils sont trop nombreux…