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Nouvelle histoire de la Révolution, Annie Jourdan, par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 05 Juillet 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Nouvelle histoire de la Révolution, Annie Jourdan, Flammarion, coll. Au fil de l’Histoire, février 2018, 658 pages, 25 €

Innombrables sont les histoires de la Révolution française, du petit livre de quelques dizaines de pages au luxueux volume illustré et légèrement ostentatoire (ce que les Anglo-Saxons appellent un coffee-table book), sans parler des périodiques spéciaux. Ceux qui ont connu l’année 1989 se souviennent de la frénésie éditoriale qui avait sévi, lorsqu’il ne se passait pas une semaine, pas une journée même, sans que parût un ouvrage consacré à cet événement vieux de deux siècles. L’effet de saturation aidant, l’activité s’est ensuite calmée, ce qui n’implique pas que les historiens aient cessé de travailler. Annie Jourdan propose une Nouvelle histoire de la Révolution, dont la première de couverture s’orne d’une sorte de motto : « Rien n’est définitivement écrit. En histoire, plus qu’ailleurs » (le procédé paraît s’inspirer des affiches de films). Ce qui tire l’œil et pique la curiosité, c’est bien entendu l’épithète nouvelle. En quoi cette histoire est-elle nouvelle ? On observera d’abord qu’elle est éminemment orientée au point de vue politique et ne s’en cache pas (dès la page 16, Annie Jourdan note que « nous-mêmes, nous [qui ça, « nous » ?] sous-estimons l’opposition réactionnaire ou conservatrice aux avancées sociales, culturelles et politiques » qui s’est cristallisée lors des grandes manifestations contre l’union homosexuelle).

Monde arabe : les racines du mal, Bachir El-Khoury, par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 29 Juin 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Monde arabe : les racines du mal, Bachir El-Khoury, Actes Sud Sindbad, février 2018, 252 pages, 22 €

 

On peut à présent le déclarer avec l’absolue sûreté du coup d’œil rétrospectif, le « printemps arabe » a été un échec cuisant, à la mesure des espoirs qu’il a suscités. L’étincelle qui mit le feu aux poudres fut (sans mauvais jeu de mots) le suicide, dans des circonstances atroces, d’un jeune marchand de légumes ambulant, Mohamed Bouazizi. De ce personnage, un des plus importants de l’histoire arabe contemporaine, il n’existe guère de photographies, si ce n’est celle d’une momie agonisante allongée sur un lit d’hôpital, partiellement recouverte d’une sorte de plaid rouge, qu’on imagine bien dans une maison de campagne, mais qui apparaît étrangement incongru dans un service des grands brûlés. Présent sur le cliché, le président Ben Ali se doutait-il que ce corps détruit le ferait chasser du pouvoir, aussi efficacement que des milliers de soldats armés fomentant un coup d’État militaire ? Le geste de Mohamed Bouazizi a peut-être d’autant plus frappé les esprits que l’immolation par le feu est un mode de suicide et de protestation étranger au monde arabe. Ce geste désespéré fit des émules à travers la Tunisie, par un phénomène mimétique, avant que la contestation ne s’étende bien au-delà.

Les Héritiers du Roi-Soleil, Gilbert Mercier

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 12 Juin 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Editions de Fallois

Les Héritiers du Roi-Soleil, février 2018, 300 pages, 22 € . Ecrivain(s): Gilbert Mercier Edition: Editions de Fallois

 

La phrase est une des plus simples qu’on puisse formuler en français : « Le roi est mort ». Sujet – verbe – attribut. Elle a résonné au long des siècles pour dire l’imperturbable continuité de la monarchie, sitôt prononcée la suite : « Vive le roi ! ». Si la phrase est simple, le processus qu’elle résume n’est moins et, dans un cas précis, il avait atteint un niveau de complication particulier.

Le long règne de Louis XIV s’accompagna d’un véritable jeu de massacre parmi ses descendants et successeurs potentiels. Ses six enfants disparurent avant lui. Son fils aîné, le Grand Dauphin, successeur naturel, mourut en 1711. L’année suivante, ce fut le tour du petit-fils, le duc de Bourgogne, pour qui Fénelon avait composé le Télémaque. Saint-Simon l’admirait (c’est assez rare pour être signalé), ce qui ne l’empêcha pas de mourir à trente ans, peu après sa femme et avant son fils aîné. Ne restait plus, comme une flamme vacillante, qu’un arrière petit-fils encore enfant, le duc d’Anjou. Ces décès successifs ne pouvaient qu’exciter les ambitions, surtout parmi les bâtards que le Roi-Soleil avait déposés de ci de là et qui avaient été légitimés. La continuité monarchique en ligne directe ne tenant plus qu’à un fil, tous les espoirs leur étaient permis.

Relation des voyages faits en France, en Flandre, en Hollande et en Allemagne (1708), Élie Richard

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 05 Juin 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Voyages, Editions Honoré Champion

Relation des voyages faits en France, en Flandre, en Hollande et en Allemagne (1708), Elie Richard, octobre 2017, 334 pages, 60 € . Ecrivain(s): Kees Meerhoff Edition: Editions Honoré Champion

 

Les historiens ne se sont jamais accordés quant aux motivations exactes qui, à partir des années 1680, déterminèrent Louis XIV à prendre certaines décisions, au premier rang desquelles figure la Révocation de l’Édit de Nantes. Volonté politique de clore la parenthèse ouverte par les guerres de religion et de revenir à l’unité médiévale ? Influence de madame de Maintenon (dont le propre grand-père fut un Huguenot hystérique) ? Crise mystique (chez un monarque à peu près dépourvu de culture religieuse) ? Désir de plaire au Pape et d’être un jour canonisé, à l’égal de son ancêtre saint Louis ? Bêtise pure (contre laquelle, disait Goethe, les dieux mêmes ne peuvent rien, et dont les historiens ont tendance à minorer le rôle) ? Quoi qu’il en ait été, cette décision fit le bonheur des Pays-Bas, de l’Angleterre et de l’Allemagne, tous pays à ce moment adversaires ou futurs ennemis de la France. On appelle cela familièrement se tirer une balle dans le pied. Il est injuste que la postérité ait fait de Louis XVI un despote, alors que ce dernier s’était efforcé d’adoucir le sort des protestants français.

Déchristianisation de la littérature, Richard Millet, par Gilles Banderier

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 28 Mai 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Déchristianisation de la littérature, Richard Millet, Léo Scheer, coll. Variations n°XXXI, janvier 2018, 228 pages, 16 €

 

 

Avec le Désenchantement de la littérature (2007) et L’Enfer du roman. Réflexions sur la post-littérature (2010), Richard Millet avait posé le diagnostic de ce qu’on appellera pudiquement une situation de crise. L’analyse se poursuit avec Déchristianisation de la littérature. Même si le livre n’a pas la structure d’un essai, mais celle d’une suite de notations dont le lien n’est pas toujours apparent, la thèse se révèle de façon nette, qui associe deux phénomènes : la crise de la littérature et la déchristianisation du monde occidental (« la déchristianisation entraîne la fin de la littérature au profit de sa métamorphose dans les divertissements de l’athéisme marchand », p.13-14 – voir également p.182). Que le rapport au livre se modifie, nul n’en doute.