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Articles taggés avec: Mahdi Yasmina

Sœurs dans la guerre, Sarah Hall (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 25 Juin 2021. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman

Sœurs dans la guerre, mai 2021, trad. anglais, Éric Chedaille, 300 pages, 20 € . Ecrivain(s): Sarah Hall Edition: Rivages

Les centurionnes

Le roman Sœurs dans la guerre se présente comme un document de profilage d’archives, du fichier 1 au fichier 7. Nous allons suivre la quête de Sœur, le personnage principal, depuis une cité, Rith, située dans un secteur « où rodaient les chiens sauvages ». La description des humeurs humides d’une planète nécrosée, ravagée du point de vue climatique, « un fumoir à poisson », d’où s’échappent des miasmes léthaux, provoque la nausée. Les souvenirs de famille, la routine réconfortante, ont cédé la place à un enfer. Les survivants de l’ancien monde sont parqués sur des aires surveillées, répartis dans un habitat insalubre – un univers orwellien. De ce monde périmé ne subsiste plus qu’une « version fantomatique », au milieu « des débris non identifiables ». « La réorganisation », « l’effondrement » qualifient ce no man’s land cauchemardesque.  Il n’y a plus que désolation et pillage, il ne subsiste que des ruines, noyées sous la boue et les ordures. Les administrés sont prisonniers d’un camp sous contrôle de « sbires » au service d’un régime totalitaire, militaires et mercenaires. Il s’agit de « la zone », un endroit non répertorié, une arrière-base où les citoyens sont encagés, d’où il est impossible de s’échapper sans encourir de graves dangers. L’eau courante est réduite, l’électricité coupée, les pluies, les inondations, les ruisseaux, les égouts infiltrent les murs, les appartements, les rues.

Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi, Fawaz Hussain (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 18 Juin 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi, éditions du Jasmin, septembre 2020, 140 pages, 18 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain

 

De la mort à la résurrection

Le roman de Fawaz Hussain commence à Paris, où un professeur retraité, Faramarz Hajari, reçoit un appel inattendu d’une ancienne étudiante de la Sorbonne, l’invitant à explorer les traces d’Ibn Arabi – « ach-Cheikh al-Akbar » (« le plus grand maître »), né en 1165 à Murcie, mort en 1240 à Damas, théologien, juriste, poète, soufi, métaphysicien et philosophe andalou, auteur de 846 ouvrages présumés. Habitant un « dernier étage mansardé » où « des corneilles et des pies se chamaillaient sur les bords de cheminée qui leur servaient de perchoirs » et observant « une femme maghrébine » étendre son linge, l’écrivain Faramarz Hajari réceptionne cette invitation à Murcie avec joie et un peu d’appréhension, devant rencontrer d’éminents spécialistes du Maître, honnis par les islamistes égarés dans de fausses doctrines.

Les jumelles, May Angeli (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 08 Juin 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Jeunesse

Les jumelles, May Angeli, Les Éditions des Éléphants, avril 2021, 26 pages, 14 €

 

L’une frisée, l’autre bouclée

May Angeli, née en 1935 à Clichy, de mère française et de père tchèque, a suivi une formation à l’Ecole des métiers d’arts à Paris, ainsi qu’à l’Académie d’arts graphiques d’Urbino en Italie où elle découvre la gravure sur bois. Illustratrice confirmée, elle anime régulièrement des ateliers à destination des enfants. Elle a entièrement conçu ce tendre album destiné aux enfants dès l’âge de 3 ans. Livre très maniable, aux dimensions harmonieuses de 21cm par 24cm, sa couverture cartonnée est ornée d’un paysage montagneux, escarpé, sur fond maritime. Deux jumelles, deux biquettes à tête noire, Bouclette et Frisette, s’y observent mutuellement, sous un vol de mouettes de mêmes couleurs, noires et blanches. Les doubles-pages les représentent endormies près de leur mère, une brebis accorte, sur un fond bleu-gris de crépuscule – la paisibilité d’une maternité. La nourriture – le lait la bonne herbe – est assurée par maman brebis.

Le monde secret d’Adélaïde, Elise Hurst (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 04 Juin 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Jeunesse

Le monde secret d’Adélaïde, Elise Hurst, Éditions D’Eux, avril 2021, trad. anglais, Christiane Duchesne, 32 pages, 13 €

 

Un monde flottant

Le monde secret d’Adélaïde est le titre du livre-jeunesse d’Elise Hurst, dont la couverture, au format conséquent de 31cm par 24,5cm, propose deux tableaux brossés avec souplesse, en léger flouté, au recto et au verso de l’album. Deux tonalités également, l’une nocturne, où une hase vêtue de rouge écarlate veille sous un ciel étoilé, et l’autre plus diurne, où le Léporidé prend le thé avec en vue des buildings.

Une grande ville, voire une mégalopole, peut-être New-York, Canberra ou Sydney, est peuplée d’animaux reprenant les postures, les us et coutumes des humains, buvant un café, se dépêchant le matin, travaillant, créant, etc. Ainsi, des lapins, des lièvres, un singe, un éléphant, des chats, des ours et des oies, une kyrielle d’animaux voisinent étrangement parmi des femmes et des hommes aperçus dans les foules. Les mammifères, les carnivores et les herbivores de tous horizons se côtoient en paix, anthropomorphisés, genrés, s’envolant même parfois !

Le voyage de Nerval, Denis Langlois (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 28 Mai 2021. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Le voyage de Nerval, Denis Langlois, éditions La Déviation, avril 2021, 232 pages, 18 €

Perambulation

Le séjour du narrateur Denis Langlois au Liban commence par le dit d’un poète arabe : « Ne sois pas fou comme les amandiers, ni sage comme les grenadiers ». Dès lors, « La montagne druze du Chouf » résonne de mythes ardents, ainsi que « ces vallées du Hauran à la fois humides et poudreuses où s’extravasent les rivières qui arrosent la plaine de Damas ». Comme dans Les Métamorphoses d’Ovide, des fleurs de sang, des « anémones écarlates », nées des amours enflammés d’Aphrodite et d’Adonis, poussent dans les vallées et les montagnes du pays du cèdre, en souvenir de leur passage. Le Voyage en Orient de Nerval fait écho au voyage de Denis Langlois, un séjour hanté par des écrivains prestigieux, façonnant un « Orient (…) encore magique ». Le tutoiement est la voix d’adresse au grand poète décédé tragiquement, dont la présence se dédouble, s’invoque, se décante en un tutoiement admiratif, compassionnel et aussi critique. Plus concrètement, le tu interpelle la complicité du poète. L’emploi du « tu » est parfois motivé par une notion de solidarité sociale, mais également par une locutionalité de type proverbial, et une formule en « Appel aux citoyens » évoquant le tutoiement « républicain », tentative échouée de suppression du vouvoiement lors de la Révolution (voir Brunot, 1967).