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Articles taggés avec: D'Hérart-Brocard Christelle

Histoire d’un chien mapuche, Luis Sepúlveda (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Mercredi, 10 Octobre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Contes, Jeunesse, Métailié

Histoire d’un chien mapuche, octobre 2018, trad. De l’espagnol (Chili) Anne Marie Métailié, dessins Joëlle Jolivet, 98 pages, 7 € . Ecrivain(s): Luis Sepulveda Edition: Métailié

Il n’en a pas toujours été ainsi mais aujourd’hui, force est de constater que le roman représente un, sinon le genre prééminent dans le paysage littéraire. Faut-il pour autant bouder les autres genres, ceux dits mineurs, tels que la nouvelle, le conte ou encore la poésie ? C’est une question ouverte qu’il serait intéressant de poser à Luis Sepúlveda, ce conteur si talentueux qu’il serait bien capable d’attendrir les âmes les plus endurcies. Histoire d’un chien mapuche fait partie de ces contes merveilleux abolissant naturellement les frontières entre le réel et l’imaginaire sans toutefois verser dans l’écueil d’une littérature dite de jeunesse, tout à fait méritoire, certes, mais qui, comme son nom l’indique, ne serait destinée qu’à un jeune lectorat. Aussi les adultes y trouveront-ils également leur compte, et quel conte !

Le narrateur est un animal, un chien nommé Afmau. D’abord recueilli par Nawel, le jaguar, il est ensuite adopté par les Mapuches, une communauté d’hommes, avec laquelle il vit des jours heureux. Mais Wenchulaf, le chef indien de cette communauté, est tué par des hommes blancs et son clan logiquement chassé du territoire. Capturé par les assaillants, Afmau perd son nom propre et devient « le chien ».

Eléni, ou Personne, Rhéa Galanaki (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Mardi, 02 Octobre 2018. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Bassin méditerranéen, Roman, Cambourakis

Eléni, ou Personne, août 2018, trad. grec René Bouchet, 380 pages, 20 € . Ecrivain(s): Rhéa Galanaki Edition: Cambourakis

 

Bravant règles et interdits dans son pensionnat, Eléni Altamura-Boukoura croque frénétiquement ses camarades et tout ce qui l’entoure, et prolonge cet exercice, la nuit, à la lueur de bougies volées. Si sa mère désapprouve sévèrement cette excentricité, son père, le célèbre marin et capitaine de Port Ioannis Boukouris (qui a fait helléniser son nom libanais), non seulement s’en amuse, mais encourage les ébauches de sa fille adorée, son aînée et sa préférée, jusqu’à lui offrir des cours particuliers avec le célèbre peintre italien, Raffaello Ceccoli. Mais ces petites transgressions et largesses prennent une tournure beaucoup plus sérieuse et inquiétante le jour où la jeune fille émet le souhait de se rendre en Italie afin d’étudier la peinture, de parfaire ses connaissances et de réaliser pleinement sa vocation artistique. C’est là que la figure héroïque du père, fantasque et charismatique en public, se réalise aussi dans l’intimité, avec une grandeur d’âme et une noblesse tutélaire hors du commun. Aussi, lorsqu’il accepte d’accompagner sa fille à Rome, dans un contexte politique troublé et incertain, amorce-t-il en même temps qu’il le scelle le destin exceptionnel de la première femme peintre grecque qui, au XIXème siècle, est allée étudier en Italie :

Le Stade de Wimbledon, Daniele Del Giudice (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Lundi, 24 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Italie, Roman, Voyages, Seuil

Le Stade de Wimbledon, Daniele Del Giudice, Seuil, Coll. La Librairie du XXIe siècle, mai 2018, trad. italien René de Ceccatty, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Daniele Del Giudice Edition: Seuil

Saluons en tout premier lieu la très belle écriture de Daniele Del Giudice. Servie par l’excellente traduction de René de Ceccatty, elle reste homogène et poétique malgré quelques passages techniques insolites et l’insertion incongrue de realia contemporains. C’est en effet la noblesse, la sensibilité et la musicalité d’une langue à la fois humble et littéraire qui se dégage et illumine le récit de la première à la dernière page. Aussi le lecteur se laissera-t-il facilement bercer et envoûter par les tâtonnements du narrateur qui, dans une quête quasi-religieuse, le menant de Trieste à Londres, s’efforce de suivre les traces de Roberto Bazlen (dit Bobi), un écrivain très apprécié des milieux littéraires de son temps, bien qu’il n’ait rien publié de son vivant.

D’aucuns pourraient y déceler la peur d’écrire un roman raté, ou un prétexte à la paresse, voire la répugnance à se lancer dans une entreprise exigeante et fastidieuse. D’autres, plus compréhensifs, parleront plutôt de son intégrité intellectuelle lui ayant toujours interdit une voie déjà empruntée, puisqu’il serait inutile d’écrire, sinon pour soi et ses amis, sinon une œuvre totalement inédite.

Le Chien rouge, Philippe Ségur (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Mercredi, 19 Septembre 2018. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman, Buchet-Chastel

Le Chien rouge, août 2018, 240 pages, 17 € . Ecrivain(s): Philippe Ségur Edition: Buchet-Chastel

Quinquagénaire, Peter Seurg est professeur de droit à l’université. Il jouit d’une bonne situation, celle que ses parents ont pour lui toujours ambitionnée, puisque malgré son appétence, il aurait été tout à fait inconvenant qu’il se lance dans une carrière artistique, et pour preuve de l’absurdité d’une telle fantaisie : les artistes meurent jeunes (dixit sa mère). Mais le narrateur s’ennuie à mourir et présente tous les aspects du dépressif désabusé, observateur lucide d’un monde trop simplifié, trop connecté, dans lequel les idées sont fades, préfabriquées et délétères, et où tous les biens accumulés finissent par posséder, à leur insu, leurs propriétaires :

« Néanmoins, je détestais d’un même élan ce ramassis de mensonges et de dissimulation qui faisait l’esprit bourgeois […]. Cette certitude de soi et de ses convictions, ce goût des convenances et du paraître, cette obsession pour la sécurité, la propriété et le qu’en-dira-t-on, cet instinct grégaire et cette sacralisation des dogmes, de la morale et des traditions, des héritages jamais remis en question ».

« Chaque jour, je constatais que des bracelets de fer supplémentaires se refermaient autour de mes chevilles et que des chaînes aux maillons plus épais me reliaient à une énorme ventouse numérique, à des machines vampires qui, depuis la Silicon Valley, consommaient mon existence en me laissant croire qu’elle m’appartenait ».

Le Syndrome du varan, Justine Niogret (par Christelle d'hérart-Brocard)

, le Mardi, 11 Septembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Seuil

Le Syndrome du varan, mai 2018, 220 pages, 16 € . Ecrivain(s): Justine Niogret Edition: Seuil

 

 

Ceux et celles qui sont familiers de l’univers romanesque de Justine Niogret ne manqueront pas de s’étonner à la lecture du Syndrome du varan qui, réaliste à l’extrême, tranche radicalement avec le genre de la fantasy. Ils s’accorderont aussi, sans doute, à reconnaître les indéniables qualités littéraires de l’auteure. Cela étant dit, quid de ce roman détonnant ? Car il s’agit bien là d’un récit qui se veut sinon excessivement provocant, du moins fortement dérangeant. En tout premier lieu, c’est l’écriture crue et choquante qui fait saillie dès les toutes premières pages et qui reste irrévérencieuse jusqu’à la dernière ligne. « Pute », « bite », « con », « merde », « poil de cul », « faire chier », « bordel de merde » et « esprit de chiotte » ne représentent qu’un tout petit échantillon du champ lexical coloré qui rythme et scande le récit. A cela s’ajoute, très logiquement, une syntaxe grammaticale plutôt simple, voire parfois relâchée.