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Articles taggés avec: D'Hérart-Brocard Christelle

L’affaire Benedikt Gröndal, Gudmundur Andri Thorsson (par Christelle Brocard)

, le Mardi, 01 Octobre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Roman, Gallimard

L’affaire Benedikt Gröndal, juin 2019, trad. islandais, Eric Boury, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Gudmundur Andri Thorsson Edition: Gallimard

 

 

Ólafur Árnason, le narrateur, vieux magistrat au seuil de la retraite, revient sur sa vie passée dans une Islande rude, austère et tourmentée, qu’il a néanmoins choisi de servir. Aussi verra-t-il bon nombre de ses amis et accointances déserter la terre natale pour un ailleurs plus clément, et parmi eux, Anna, son amour de jeunesse. Cette fidélité indéfectible et irrationnelle à l’égard d’une passion platonique fait écho à son inébranlable loyauté envers l’identité islandaise et donne le ton de sa narration : grave, nostalgique et romantique, parfois caustique, voire incisive envers le microcosme universitaire. Cette voix, riche de nuances et de subtilités, est relayée par une écriture poétique et érudite dont la noblesse pourrait en intimider plus d’un. Et pourtant, quel ravissement de s’élever aux confins d’un univers si religieusement docte et extatique, au cœur d’Un tout petit monde (1) islandais :

L’Imprudence, Loo Hui Phang (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Mardi, 24 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Actes Sud, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman

L’Imprudence, août 2019, 144 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Loo Hui Phang Edition: Actes Sud

 

Dans ce premier roman, Loo Hui Phang affronte courageusement l’épineuse et douloureuse question de l’exil qui se trouve au cœur des préoccupations politiques et sociales actuelles. Son traitement romanesque et distancié (distance inhérente à la fiction et distance temporelle, puisque les événements évoqués eurent lieu durant les guerres d’Indochine) légitime une investigation apolitique, exclusivement centrée sur le chaos identitaire irréversible qui retourne les tripes de celui ou de celle ayant subi le déracinement. Autant dire que ce récit assez court, formellement subtil et aérien, comporte par ailleurs une forte densité émotionnelle, tout en évitant l’écueil des raccourcis psychologisants.

Jeune photographe de 23 ans, la narratrice vit à Paris où elle partage son temps entre sa passion professionnelle et son irrésistible penchant pour les ébats sexuels improvisés et sans lendemain, avec grand nombre de partenaires inconnus. D’où le titre du roman : L’Imprudence, leitmotiv romanesque et véritable substrat héréditaire. Depuis qu’elle a quitté le cocon familial, installé en Normandie, et rejoint la capitale, elle jouit pleinement de sa liberté de jeune femme française émancipée.

Dernier arrêt avant l’automne, René Frégni (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Lundi, 24 Juin 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Dernier arrêt avant l’automne, mai 2019, 176 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): René Frégni Edition: Gallimard

 

Le titre est romantique et poétique et il tient toutes ses promesses dans le corps du roman : Dernier arrêt avant l’automne n’est pas un long poème mais une narration en prose d’une telle sensualité qu’on pourrait presque en oublier l’intrigue et ne s’en tenir qu’à la forme, un peu comme si l’on déballait religieusement un cadeau enveloppé dans du papier de soie, plus envoûté par l’emballage que par son contenu. Cette sensation de grâce et d’harmonie se manifeste dès les premières lignes et perdure jusqu’au bout du récit :

« Le monastère est pourpre. L’automne a lancé sur le cloître et la maison de l’évêque ses longues draperies de vigne vierge, elles mordent les génoises et retombent en pluie de sang devant les sept fenêtres de chaque étage. Seule la chapelle reste blonde et fière au pied de la colline.

Le Narrateur, Bragi Ólafsson (par Christelle Brocard)

, le Jeudi, 23 Mai 2019. , dans La Une Livres, Actes Sud, Les Livres, Critiques, Pays nordiques, Roman

Le Narrateur, avril 2019, trad. Robert Guillemette, 144 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Bragi Olafsson Edition: Actes Sud

 

Etant donné son titre, on conçoit aisément que ce roman accorde une place prépondérante au narrateur. Mais quel statut lui accorde-t-il ? Si les toutes premières pages sont déstabilisantes – on ne sait pas qui raconte quoi –, on devine rapidement que la forme narrative constitue l’ossature fondamentale du texte, à laquelle se rattachent les péripéties relatées. La structure est donc essentielle et s’exhibe sans complexe, au fil d’une narration ludique et insolite : du « je » traditionnel, le narrateur-roi passe sans vergogne au « il » lorsqu’il invente lui-même son personnage ; il n’hésite pas non plus à incorporer des réflexions métatextuelles à son propre discours et à prendre à partie le lecteur qui, de ce fait, se met à jouer, à son insu, un rôle actif dans l’histoire in progress. Une fois démasqué, ce petit jeu formel pourrait lasser le lecteur en mal d’aventures substantielles, or que nenni : l’intrigue n’est pas en reste, bien au contraire !

Ceux que nous avons abandonnés, Stuart Neville (par Christelle Brocard)

, le Jeudi, 16 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Rivages/noir, Iles britanniques, Polars, Roman

Ceux que nous avons abandonnés, avril 2019, trad. Fabienne Duvigneau, 370 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Stuart Neville Edition: Rivages/noir

 

En l’absence de sa femme et de son fils, M. Rolston a été sauvagement assassiné dans sa demeure. Les soupçons se tournent immédiatement vers les frères Devine, deux jeunes orphelins hébergés par la famille Rolston, que la police retrouve prostrés, couverts du sang de la victime.

Ciaran, le plus jeune de deux prévenus, ne tarde pas à passer aux aveux. Bien qu’il soit difficilement concevable qu’un gosse de douze ans puisse être l’auteur d’un crime si effroyable, rien ne permet de mettre en doute sa culpabilité. Il est dès lors incarcéré dans un établissement pénitentiaire pour mineurs et n’en ressortira qu’après avoir purgé une peine de sept ans. Son frère, Thomas, condamné, lui, pour complicité de meurtre, est relaxé deux ans plus tôt. Le jour de sa libération, Ciaran est confié aux soins d’une conseillère de probation, Paula Cunningham, qui se serait bien passée de cette mission d’une nature doublement délicate.