Identification

Articles taggés avec: Compère-Demarcy Murielle

Le Royaume sans murailles, suivi de : L’aurore intranquille, Catherine Andrieu (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 26 Août 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Le Royaume sans murailles, suivi de : L’aurore intranquille, Catherine ANDRIEU, éd. Rafaël de Surtis [120 p.] – 17 €

Je suis née trouée, dit Catherine Andrieu, le laps fulgurant d’un souffle puisé dans une transfiguration chamanique du monde et l’alchimie d’un style, au cœur d’un Royaume sans murailles blotti tel une grotte au creux de la Terre, à l’écart du monde normatif, géode cosmique grandeur nature à même la paroi du vertige. « Je me suis levée avec la sève aux poignets », poursuit-elle, dressée à l’assaut du ciel sous l’arche végétale où le velours des fougères cervidées, entre autres -au milieu d’une faune sauvage qui n’a de sauvage qu’une liberté indomptable- peuple l’animale forêt de sa pensée. Par les interstices du feuillage, ceux de l’observation patiente, de la peur, du doute,  de la clairvoyance, elle s’y incarne par le sang de ses mots prenant racine « sur un sol (…) de sources invisibles » (arbre, clairière, « langue rauque des torrents », …), dans une osmose alchimique de sourcière, renversant la perspective, accouchant d’oiseaux en vol du Saint-Esprit sur les persiennes de sa chair, par le ventre de l’œil à l’écoute visionnaire (« des oiseaux carnivores sont nés dans mes cils »). Elle remue les globules de son encre dans le calice d’une immobilité figurative incorporant le total univers non domestiqué qui nous entoure.

Ulla ou l’effacement, Andréas Becker (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 30 Juin 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Ulla ou l’effacement, Andréas Becker, Éditions d’En Bas Illustr. de couverture : Jean-Denis Bonan

 

S’effacer devant le monde, comme Ulla dans l’insoutenable absurdité de vivre, ouvre un espace scriptural vertigineux au tempo singulier. Un ravissement a lieu ici dans le laps d’effacement d’une femme, au sens d’un rapt de soi et d’une violence aussi tragique que sublime opérée dans le ravissement de la vie le long d’une descente infernale. Est sublime ce qui nous dépasse, nous terrifie, nous fascine. Ulla, personnage principal, nous sidère autant que le monde lui est jusque dans son agonie un scandale dans son affirmation de soi et de la vie. Dans Ulla ou l’effacement la langue narrative, ciselée, opère à cœur ouvert l’absence au monde progressive d’une femme que le narrateur et le lecteur accompagnent dans un mal-être irréversible. La joie de vivre pourrait-elle (re)jaillir de l’effacement, comme dans la chanson Le Mal de vivre de Barbara ?  Et, que peut dire encore la langue, que lui reste-t-il d’exprimable lorsque la vie s’en va ? Nous retrouvons ces questions existentielles (essentielles) posées par l’écrivain-essayiste-peintre-auteur-interprète et correspondant littéraire, Andréas Becker, comme il le fit par exemple dans un dialogue avec Philippe Bouret autour de la créativité, dans Je suis redevenu celui que je n’avais jamais été (éditions Douro, 2024).

Un certain goût d’opiniâtreté (Journal 1991-1996) précédé de Journal reconstitué (1986-1991), Alain Marc (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 28 Mai 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Un certain goût d’opiniâtreté (Journal 1991-1996) précédé de Journal reconstitué (1986-1991), Alain Marc, Éditions Douro

Une écriture cathartique, afin d'opiniâtrement résister aux vents et marées. Le Phare : la Littérature (le lirécrire), avec ses "phares allumés" (Baudelaire). Dans ce deuxième livre publié chez Douro, le poète-écrivain Alain Marc –auteur d'un essai remarquable et remarqué : Écrire le cri (préfacé par Pierre Bourgeade) puisqu'il remonte jusqu'à la source de l'Ecrire– exprime sa persévérance au sein de la matière brute et noire de la Littérature en tant qu'écrivain et lecteur, matière subtile coexistant avec celle baryonique, ordinaire. Par son influence gravitationnelle, alchimique et ascensionnelle, la Littérature émet des voix sidérales énergiquement influentes sur le monde observable. Son agonie actuelle serait comme un refroidissement jusqu'à l'invisibilité d'une naine blanche... Mais le poète, opiniâtrement debout, reste dressé jusqu'à se brûler sur cette extinction progressive, dressé sur les traces incandescentes d'une Littérature aujourd'hui en berne. C'est bien plutôt son cheminement ardu d'écrivain que nous suivons ici, avec ses aléas, semé d'embûches et de ses difficultés en Littérature à avancer, à pouvoir voir propulser son œuvre dans la lumière publique.

Le Feuilleton, Julien Carré, Jean-Louis Rambour (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 08 Avril 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Le Feuilleton, Julien Carré, Jean-Louis Rambour, éditions La Salamandre, 468 pages

 

L’ambition du travail de Julien Carré est, d’entrée, explicite : dans une lettre manuscrite adressée à l’éditeur il annonce, en effet, vouloir entreprendre « de mettre en mots le respect qu’il a de (l’)œuvre » de son pair, ancien professeur, Jean-Louis Rambour. Il s’agit pour l’élève-écrivain de se glisser dans l’univers de l’œuvre, de l’investir et d’y inscrire, par-ci par-là, un autre texte. « Jean-Louis a bâti une œuvre et dans cette œuvre je me retrouve », affirme Julien Carré qui s’y retrouve, tout au long de ce livre copieux (pas moins de 468 pages) intitulé Le Feuilleton, en écrivant son propre texte sur le manuscrit-palimpseste de la Littérature, à partir d’une réécriture du texte original de son inspirateur.

(…) Tu grattes les écrits de Jean-Louis Rambour comme un parchemin déjà utilisé, et tu inscris un autre texte. Tu effaces avec de la ponce pour t’offrir un espace où coller tes mots (…).

Chine, Gilbert Bourson (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 25 Mars 2025. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Chine, Gilbert Bourson, éditions Douro, Coll. La Bleu-Turquin, 2023, 164 pages, Ill. couverture Jacques Cauda, 19 €

 

Paru dans la Collection dirigée par Jacques Cauda, La Bleu-Turquin, le roman de Gilbert Bourson – aussi baroque qu’un « fouinage » exquis, qu’un « dépôt de choses à récupérer » par attachement sentimental, devoir de mémoire ou encore en vue d’un recyclage – décharge des trésors enfouis pourvu que, comme en Littérature, l’observateur ait l’œil, pourvu qu’il sache chiner comme un brocanteur digne de ce nom sait repérer dans le fourbis la trouvaille, voire la pépite… Chine, à l’instar d’une musique futuriste qui stockerait dans ses données un bric-à-brac ou florilège de sons figurant l’âme musicale des foules, constitue un roman baroque où l’exposition des motifs du phrasé romancé (l’exposition des éléments hétéroclites qui compose la brocante qu’est ce livre) joue avec brio avec une mécanique vivante bien huilée des mots connectée à notre vie quotidienne.

Il dit, y a qu’à fouiller dans les ruines, de sa voix éraillée qui commande. Et puis il s’est tiré pour chercher un engin roulant, brouette ou soi-disant. Dieu peut-être, avec sa roue voilée qui couine.