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Loups solitaires, Serge Quadruppani

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 31 Janvier 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Polars, Roman, Métailié

Loups solitaires, octobre 2017, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Serge Quadruppani Edition: Métailié

 

Des régions désertiques du nord du Mali au Limousin, en passant par l’Italie, Serge Quadruppani nous invite dans un polar d’une brûlante actualité et sans doute pas si rocambolesque qu’il n’y paraît. L’auteur prend plaisir cependant à appuyer sur le grand guignolesque de la brutalité des comportements humains, qui font ressortir la sagesse de quelques personnages plus simples, plus droits, plus proches de la nature et des animaux : chat, poules, choucas, ânes, blaireaux, abeilles… qui eux aussi savent faire preuve d’une certaine noblesse.

Ce polar est à la fois cruel et drôle, cruel comme le sont les hommes et drôle comme ils peuvent l’être quand il n’y a plus de limite au ridicule de leur arrogance. Il y a une vraie morale qui sous-tend ce polar, entre farce et fable. L’humour avec lequel l’auteur s’empare du sujet ne rend pas moins efficace la critique sous-jacente et soulève des questionnements concernant les nouvelles technologies mises au service de soi-disant guerres menées contre le terrorisme et l’opacité des agissements de différents services à la solde de pouvoirs, mais aussi concernant notre rapport à la nature et notamment à la destruction méthodique d’animaux qualifiés de nuisibles. Et question méthode, des animaux à l’homme, le pas a déjà été franchi.

Des abribus pour l’exode, Marc Tison

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 23 Janvier 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Poésie

Des abribus pour l’exode, éd. Le Citron Gare, novembre 2017, images et peintures Raymond Majchrzak, 82 pages, 10 € . Ecrivain(s): Marc Tison

 

Sensations vivaces qui imprègnent le mental, maintiennent sous tension le réseau de nerfs, scarifications émotionnelles sur le corps de la mémoire qui n’accepte pas la reddition, ni la soumission. Mémoire du corps jamais rassasiée de cette ivresse qui nous propulse dans le corps de l’autre. Sexe, musique, jeunesse, pures sensations qui lancent les rêves à l’assaut des horizons, pied sur l’accélérateur.

« On ne va plus dans les étoiles. Les fusées sont dépiécées. La tête en feu de joie c’était pourtant bien là, claquant le réel à l’enchantement du voyage.

Il y a si peu de temps. Il y a si peu de soi ».

Mémoire du corps accro à l’intensité, à la sensation de liberté, aussi illusoire soit-elle.

« Il y a tant d’espaces délabrés que tu revisites plein d’espoir, incrédule. L’avant ne s’est pas peint d’éternité ».

Le Chant des blessures, Sybille Claude

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 08 Janvier 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Le Chant des blessures, Sybille Claude, LEGS édition, Haïti, août 2017, 110 pages . Ecrivain(s): Sybille Claude

Dans un langage simple, direct, un langage parlé avec des tournures qui peuvent parfois dérouter le lecteur, mais parsemée de fulgurances poétiques, Sybille Claude dans ce premier et court roman laisse entrevoir la naissance d’un écrivain qui va compter. Cette île on le sait est ô combien riche de poètes, d’écrivains, dont les désormais célèbres sont majoritairement masculins. Pourtant il y a bien des voix de femmes aussi dans la littérature haïtienne, aussi saluons cette plume nouvelle qui est celle d’une toute jeune femme, tout comme le personnage central et narrateur du roman.

Après l’assassinat du père adoré, poète, intellectuel et militant politique, un accident cardiovasculaire cloue la mère inconsolable de Sarah Aurore Barreau dans un fauteuil et toute leur vie avec, qui dégringole au plus bas. Un grand frère, adoré lui aussi, a tenté le tout pour le tout en s’embarquant clandestinement sur une de ces embarcations lancées en vain vers une hypothétique Amérique. « L’eau a eu raison de la ténacité de mon frère ». Sarah Aurore Barreau s’est retrouvée seule avec une mère qui ne la regarde plus et dont elle doit cependant s’occuper à Lanfèpam, nom dans lequel on ne peut qu’entendre le mot « enfer », quartier de tôles et de mouches, d’eaux puantes où « le soleil te cherche et te trouve à l’intérieur de ces trous crasseux » et « où il n’y a pas d’espace entre deux taudis lézardés pour insérer même une plante ».

Le jour où Beatriz Yagoda s’assit dans un arbre, Idra Novey

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 20 Décembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Les Escales

Le jour où Beatriz Yagoda s’assit dans un arbre, octobre 2017, trad. anglais (USA) Caroline Bouet, 272 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Idra Novey Edition: Les Escales

 

Que l’auteur soit américaine et traductrice du Portugais, spécialiste de l’œuvre d’une romancière brésilienne, n’a sans doute pas rien à voir avec cette histoire de traductrice américaine qui vole au secours de son auteur brésilienne, Beatriz Yagoda, soudainement disparue.

Idra Novey nous fait entrer dans la peau de cette traductrice qui elle-même, au bout de toutes ces années à traduire sa romancière carioca, ne sait plus trop dans quelle peau elle vit. Rajoutons à cela les enfants de la romancière, un peu égarés eux aussi dans son sillage de mystère, dont le très beau Marcus qui a les mêmes yeux vert électrique que sa mère.

Laissant derrière elle chats, pavillon, future belle-mère et futur mari adepte de la course chronométrée, Emma prend le premier avion pour le Brésil où elle s’est déjà rendue de nombreuses fois dans le cadre de son travail. Sitôt débarquée, la traductrice montre tous les symptômes de cette douce maladie, que connaissent bien tous les amoureux du Brésil, ce virus brasiliensis dont on ne peut plus jamais se défaire.

Tu écris des poèmes, Murièle Modély

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 04 Décembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions du Cygne

Tu écris des poèmes, novembre 2017, 95 pages, 12 € . Ecrivain(s): Murièle Modély Edition: Editions du Cygne

« Tu écris des poèmes », écrit l’auteur, s’adressant à elle-même en usant de ce tu, ce tu qui résonne comme une affirmation ou une accusation, une violence ; aussi bien un silence épais qui vient boucher la sortie des mots qu’un débordement de mots pour recouvrir le silence. Le volcan revient souvent dans l’écriture de Murièle Modély, on pense bien sûr à l’ile de la Réunion, un volcan peut-être « vibrant et lumineux comme le mot racine/dissimulé dans ta première dent de lait ». Volcan métaphore aussi de ce qui couve dans les entrailles, sous la croûte du quotidien, ce qui brûle et déborde par la moindre fissure, tantôt montagne solide, muette et impassible, tantôt menace d’explosion quand le solide pris de fièvre intense se fait liquide, salive, sueur, sperme, cyprine, alors tout tremble et les mots dévalent « dans tous les sens/à bride abattue/jusqu’à respirer sur la table/l’odeur de langue coupée ».

Le poème sourd de l’intérieur, il vient dire quand dire est trop difficile, voire impossible. « Tu écris des poèmes/lorsque tu sens le réel se dérober/dès l’instant où personne ne te comprend/et vice et versa où tu ne comprends personne ». Alors le poème jaillit du cratère, du gouffre : « comme le poème, tu as un trou au milieu de la phrase ». Chez Murièle Modély, les poèmes suintent de ce trou, forment le corps du poète. « Tes poèmes sont n’importe quelle partie de ton corps/n’importe laquelle (…) sauf la tête ».