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Articles taggés avec: du Crest Marie

Debout un pied, Sufo Sufo (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 24 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Espaces 34

Debout un pied, 2018, 70 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Sufo Sufo Edition: Espaces 34

 

Depuis des années déjà, le monde est confronté à la question des « réfugiés, des migrants, des exilés ». Des guerres, le terrorisme, des dictatures, la misère, ont poussé des millions de gens à partir de chez eux et à se mettre en route vers L’Europe, vers les Etats-Unis, en traversant les déserts, les grands fleuves, l’Océan et la Méditerranée. La littérature sous toutes ses formes, l’art, témoignent de ces parcours terriblement périlleux, mais la plupart du temps il s’agit d’un point de vue occidental. Le texte de Sufo Sufo, lui, est un regard africain posé sur ces départs vers un « là-bas » fantasmé. L’image de la première de couverture détermine le cœur du texte : des amarres et un fragment de coque de bateau : il sera question en vérité d’attachement ou de détachement, de partir ou de rester au port, au pays. A aucun moment l’auteur par le biais de ses personnages ne révèlera explicitement le nom du pays, de la ville portuaire, qui fait l’unité de lieu. Toutefois à plusieurs moments, le lecteur comprend qu’il s’agit bien du Cameroun, avec des allusions à l’entreprise coloniale allemande ou aux émeutes de la faim de 2008 ; sans parler des tensions et des violences dans les zones anglophones du pays. Un état de guerre (sociale, politique) qui ne s’avoue pas.

D’Amours, David Léon (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 09 Septembre 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Espaces 34

D’Amours, septembre 2019, 40 pages, 10 € . Ecrivain(s): David Léon Edition: Espaces 34

 

« L’art d’aimer »

Je reprends pour cette chronique le titre en traduction française du célèbre texte d’Ovide, mais en le détournant, parce qu’il me semble que David Léon considère, quant à lui, l’amour dans sa dimension créative entre théâtre et poésie. Le poète latin de son côté proposait à ses lecteurs une manière d’envisager l’amour. David Léon, lui, fait entendre une suite fragmentaire des états amoureux (chaque page correspond avec son titre, à un moment, à un lieu, à un état de l’amour) : son écriture fait art des corps, du désir, des  scènes érotiques et des voix des amants.

Le titre du livre plonge la lectrice, le lecteur, dans les songeries de textes qu’elle a lus. Je me souviens alors des Amours de Ronsard, du stendhalien De l’Amour, et des Fragments d’un discours amoureux de Barthes, que l’auteur lui-même convoque en épigraphe et dont il adopte, en quelque sorte, le principe de saynète comme celle de la rencontre, ou du regard porté sur l’endormi. Une expression populaire remonte aussi à ma mémoire : vivre d’amour et d’eau fraîche, comme si justement l’amour se vivait dans la simplicité régénératrice du monde. Et il y a de cela dans le lyrisme de David Léon.

Mephisto, Klaus Mann (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 29 Août 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Mephisto, Klaus Mann, Grasset, Coll. Les cahiers rouges, 2006, trad. allemand Louise Servicen, Préface Michel Tournier, 415 pages, 11,40 €

 

Klaus Mann naît en 1906. Il est le fils de Thomas Mann. Il est d’abord critique de théâtre dans sa jeunesse, et participe à la vie intellectuelle de l’Allemagne de la République de Weimar, qui voit grandir inéluctablement le nazisme dans un climat d’agitation politique, sociale et culturelle, fiévreux, et où il assiste à la montée de la violence qui en 1933 fera d’Hitler le dictateur effroyable du pays.

L’écrivain témoigne dans ses œuvres romanesques d’alors d’une incroyable lucidité face à cette montée des périls et s’engage contre les nouveaux maîtres de l’Allemagne, alertant aussi les intellectuels en Europe. Il est déchu de sa nationalité en 1934. Comme son père qui rejoint la France puis la Suisse, il s’exile d’abord aux Pays-Bas où il écrira d’ailleurs Mephisto.

Il gagne Les Etats-Unis dont il devient citoyen en 1943. Après la guerre, il retourne en Allemagne où avec amertume il constate que beaucoup de « collaborateurs » du régime nazi sont toujours en place. Il se suicide en 1949 à Cannes où il est enterré. Son œuvre dense mérite d’être découverte : Klaus Mann n’est pas que le fils de Thomas Mann.

Mephisto Rhapsodie, Samuel Gallet (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 10 Juillet 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Espaces 34

Mephisto Rhapsodie, février 2019, 180 pages, 17 € . Ecrivain(s): Samuel Gallet Edition: Espaces 34

 

« Revenir à Klaus Mann et à Goethe »

J’ai beaucoup lu Samuel Gallet ; j’ai vu parfois son travail sur scène et j’ai aimé ses chants nocturnes et urbains. Sa dernière pièce, Mephisto Rhapsodie, plus épaisse, plus ambitieuse peut-être, semble montrer que son auteur n’est plus malheureusement tout à fait celui des éclats poétiques de ses débuts. Quelque chose en trop…

Ainsi la distribution tout d’abord frappe-t-elle par le nombre de rôles : d’un côté des « théâtreux », des comédiens au metteur en scène en passant par le critique ou le directeur de centre dramatique, et de l’autre, marqué par la conjonction de coordination et des personnages empruntés à l’histoire culturelle de l’Allemagne, de la musique avec Richard Strauss et Furtwängler à la littérature, Benn le poète et Klaus Mann, auteur de l’œuvre « adaptée », sans oublier quelques apparitions comme celle d’un majordome. Cette distribution binaire semble proposer au lecteur du texte un système d’intertextualité, de miroirs historiques un peu faciles et souvent entendus : la situation rappelle les années 30 et la montée du nazisme… Des strates de sens se mettent en place de cette façon :

Notre Décennie, Trilogie, 25, L’Immobile, Rudimentaire, Stéphane Bonnard (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 03 Juillet 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Théâtre, Espaces 34

Notre Décennie, Trilogie, 25, L’Immobile, Rudimentaire, septembre 2018, 92 pages, 15 € . Ecrivain(s): Stéphane Bonnard Edition: Espaces 34

 

Stéphane Bonnard cofonde en 1996 KompleX KapharnaüM, dans l’agglomération lyonnaise. Le collectif propose à travers des performances sonores, visuelles, musicales, une approche poétique et sociale dans l’espace urbain de la vie contemporaine, en impliquant le public. Le texte a également toute sa place dans ce dispositif. La trilogie porte la voix littéraire de ce monde impitoyable de la mondialisation et du management inhumain.

R.H. ou la trilogie contemporaine

La trilogie est une forme récurrente de l’écriture musicale ou littéraire. Trois pièces se font écho à travers la contamination des lieux de l’action : Stéphane Bonnard en effet s’attache à montrer du dedans l’organisation du monde du travail qui broie les individus. Dans la première pièce, 25, il sera question du Groupe (tout le monde reconnaît France Télécom devenu Orange derrière ce nom en majuscule anonyme et glaçant), ou dans L’Immobile, de l’architecture presque carcérale des Tours (celles de la Défense ou de La Part-Dieu à Lyon). Et de l’Hôtel particulier en siège de la toute puissance dans la dernière pièce.