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Craie des brumes, par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Lundi, 10 Avril 2017. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

Faire tous les voyages au seuil d’un temps sans ride, sans terme, sans mot, un temps d’une lenteur sévère. S’y grefferont des rêves à la sauvagerie de tableau noir.

Il y eut une nuit coupée de lune comme d’étoiles, d’un noir d’araignée où la douleur m’attendait, patiente. La patience n’exclut pas la voracité.

Depuis l’infini de la blessure renaît de ce qui n’est même pas ses cendres.

L’écho des nuits humaines dure au-delà d’elles.

La survivance n’est pas la vie, mais elle la cherche dans chaque geste : le pied meurtri sur la pierre, le poing serré sur un bijou, la mèche écartée d’un souffle et le sommeil savon qui s’amuse à déprendre et rit de l’abandon.

Pas un geste, par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Lundi, 24 Octobre 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

Ça a commencé un lundi, tard le soir. Je suis rentrée chez moi, comme toujours après le travail, en marchant vite parce qu’il faisait froid. Le chat est venu tout de suite frotter son poil sur mon pantalon. Je voyais son joli museau ouvert-fermé, ouvert-fermé. C’est ce que j’appelle le ballet du museau. Quand je pose la main sur mon petit ami, que je parcours son dos souple en signe de retrouvaille, je sens une vibration étrange sur ma paume. J’appelle cela le petit bonjour. Le grand bonjour consiste en un nœud gracieux de virages tricotés entre mes deux jambes, avec un arrêt-frottement-de-la-joue répété, puis une fuite rapide dans une autre pièce. Ensuite, il revient, et de nouveau, ballet-du-museau ; il a faim. A ceci j’offre la danse de mes mains, il les regarde de ses yeux d’émeraudes, et s’agite car il connaît le signe : Manger-pour-toi.

Il s’assoit, sans perdre une miette de la porte de placard qui s’ouvre, le paquet blanc et orange qui déverse dans sa gamelle bleue la pluie de croquettes attendue, puis se précipite quand je pose mon présent à terre.

Voulfe 4 & 5 (Fin), par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Mardi, 05 Juillet 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

- 4 -


Victoire arriva au concert légèrement en avance, décidée à ne pas en perdre une miette et fin prête pour l’inconfort des chaises ecclésiastiques, tant il est vrai que le prix de l’illumination se mesure dans toutes les églises du monde à l’intensité d’un mal de fesses carabiné.

Elle s’assit et ouvrit le programme remis par une dame maussade en chemisier à jabot moisi.

Couperin, Bach, Rameau. Et le Tic-Toc Choc en finale.

Elle jeta un œil distrait à la photo de l’artiste, dont le gentil sourire flouté lui parut charmant, autant qu’on pût l’augurer d’un noir et blanc reproduit avec une mauvaise photocopieuse.

Voulfe (2 & 3), par Joëlle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Mardi, 28 Juin 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

-2-

 

Elle s’éveilla le lendemain avec l’arrière-gorge râpée. Elle avait dû ronfler, mais quelle importance, puisque personne d’autre qu’elle n’occupait sa couche… Au fait, mais si !

Encore ensommeillée, elle se redressa un peu et le vit. Il n’avait pas bougé d’un pouce, couché à côté de ses pieds avec la même tranquillité que sur son paillasson la veille. Il aurait coincé une pancarte entre ses deux pattes de devant – dont l’une noire et étoilée –, avec je suis à la bonne place peint en rouge, que sa confiance n’eût pas semblé plus aveuglante.

Victoire, contente comme tout de le trouver là, se leva avec un vaste sourire, et dit en passant près du chien qui n’avait pas bronché : « T’es une bonne nature, toi ».

Voulfe (1), par Joelle Petillot

Ecrit par Joelle Petillot , le Samedi, 25 Juin 2016. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture

 

Elle le trouva couché sur son paillasson, au moment de sortir pour les courses du jour.

Recroquevillé, mais serein ; le regard d’un qui sait avoir sa place où il se trouve.

Scotché à son collier, un petit mot de Virginia… Elle aurait dû s’y attendre.

Virginia avait pris ce chien sur les conseils d’amis désireux d’en finir avec une déprimée chronique, d’expression funèbre et portée à geindre en permanence.

A en juger par la précision calendaire du papillon arrimé à la bête, ça avait duré trois jours.

Je l’ai acheté lundi, mais ce mercredi je pars au Brésil. Merci de t’en occuper.

P.S. J’ai rencontré un brésilien.

Après une brève seconde d’empathie compassionnelle pour tous les brésiliens, Victoire lâcha sa lecture et regarda vraiment la bête.