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Ad libitum (3/3) (par Isabelle Morino)

Ecrit par Isabelle Morino , le Mardi, 07 Septembre 2021. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Quelques instants plus tard, le téléphone me prévenait : Nina venait d’être emportée sur une civière par les pompiers. Ils étaient en route pour l’hôpital, elle serait aux urgences dans une dizaine de minutes. Je restai interdit.

C’était le même coup de fil de Philippe, celui d’il y avait quelques heures, celui que j’avais reçu en plein boulevard Suchet. Sauf que j’étais chez moi. Je me précipitai à la Salpêtrière. On défibrillait son cœur. Mais cette fois, il se stabilisa et Nina resta en convalescence quelque temps, avant de quitter l’hôpital pour venir s’installer chez moi.

Aujourd’hui, Nina est à la maison. Hier aussi. Elle y est tous les jours. Son état lui interdit l’agitation, les mouvements de foule dans le métro. Son cœur est stable, mais il l’est par le truchement des pilules qu’elle avale à chaque repas. Elle doit consigner sa fréquence cardiaque et son pouls dans un journal, tous les jours. Elle est souvent prise d’étourdissements, elle a des chutes de tension inattendues. Je suis le seul à savoir combien son cœur est fragile. Elle a dû arrêter le travail et elle remplit régulièrement des papiers administratifs pour continuer à percevoir un salaire qui a diminué de moitié. La dépression la tient prisonnière des murs : elle ne sort que pour aller voir son médecin, poster ses arrêts maladie et récupérer de nouvelles plaquettes de bétabloquants et d’anti-dépresseurs. Parfois, vaincue, elle se les fait livrer.

Ad libitum (2/3) (par Isabelle Morino)

Ecrit par Isabelle Morino , le Mardi, 31 Août 2021. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Les jours suivants, rien ne changea. Je restai cet être invisible aux yeux des femmes de la rue, du supermarché, du bureau. Mais un concours de circonstances m’amena à remplacer le meneur de cadence d’un groupe des femmes du club et c’est ainsi que je rencontrai Nina. Très vite, elle sembla enchantée d’être écoutée, conseillée, encouragée par mes soins. J’avais l’impression d’avoir du charme et de la présence à ses côtés. Je la faisais rire aux entraînements, elle gérait son souffle de mieux en mieux dans l’effort, pouvait parler, me raconter sa semaine, ses projets. En automne, sa rupture amoureuse me livra à l’hypocrisie la plus crue : plaindre en exultant intérieurement. Plus tard, elle m’invita au troquet du coin, en rando, au théâtre, et même un jour jusqu’au point renversant de sa cambrure, dans une étreinte intense qui se répèterait. Je n’avais jamais été aussi heureux. Posséder son corps, habiter sa chair et sa vie, rien ne pouvait surpasser l’intensité de ce désir assouvi. Je comprenais aussi que la lampe avait rempli sa promesse. Je remerciais André secrètement et concentrais mon énergie à aimer Nina, combler Nina, m’emplir d’elle avec une force quasi sismique, conscient de la faveur extraordinaire dont je jouissais. Ce stock de joie nous accompagnait dans nos progrès sportifs. Nous pouvions envisager ensemble nous frotter aux compétitions du printemps.

Ad libitum (1/3) (par Isabelle Morino)

Ecrit par Isabelle Morino , le Mercredi, 25 Août 2021. , dans Nouvelles, La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

Le désir. Le mystère de sa course. A quel moment vient-il à la conscience ? Quel déclencheur l’installe dans les boursouflures de nos cerveaux pour y devenir tension et tourment ? Le point d’équilibre atteint, la satisfaction nourrie, quelle pente choisir ensuite ? Je vois d’ici un Oscar Wilde goguenard qui se pencherait sur mon cas et deviserait sur ce qui nous condamne pareillement : ne pas obtenir ce que l’on désire et l’obtenir, deux issues tragiques à nos existences.

Être exaucé, hélas ! C’est bien l’objet de mon désespoir ce soir et il faudra bien pourtant que je vienne à bout de ce déchirement. Je ne parle pas de simples revendications salariales ou du souhait désabusé de détenir les numéros gagnants du tirage du loto. Non. D’ailleurs, ces requêtes aboutissent-elles jamais ? Ce n’est pas l’une de ces voies ordinaires que je m’apprête à te confier, Journal. Et c’est bien l’extraordinaire de la situation qui me plonge dans une telle angoisse, sans confident pour me guider, à part toi, qui recueilles mes pensées intimes.

En pâture (par Isabelle Morino)

Ecrit par Isabelle Morino , le Mardi, 11 Mai 2021. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

Tempête entêtante,

Crâne Têtard bâtit

Son rêve au châssis

Brûlant d’un août âcre ;

 

En mâche l’arôme,

Se pâme en frôlant

L’enchaînement des trônes,

Sûr qu’il les côtoiera.

 

L’honnête hôte tantôt,

Mû par des rênes fraîches,

Tâtonne et dîne et fête ;

Se hâte d’être prêt.

Sans gouache, à grands traits (par Isabelle Morino)

Ecrit par Isabelle Morino , le Jeudi, 18 Mars 2021. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

A la mémoire de R. M.

Moi thé au lait

Toi soupe au lait

Peu souple en Tea

Time d’Anglais

Ou dans les angles

A raboter

Mais Tendre veille

Douce rigueur

A verser dans

L’urgent réci

Pient de mes soifs

Un clair nuage.